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- Présentation de livre -
L'automne des Bonnets rouges : le premier récit du grand ébranlement
Charles Kermarrec, éminent libraire à Brest et qui a fondé une maison d'édition, Dialogues, va certainement, obtenir un succès de plus grâce à une somme sur les Bonnets rouges qui a été mise en vente peu de temps après leur première apparition médiatique, le 26 octobre 2013.
Christian Rogel pour ABP le 14/12/13 15:50

Celui qui est un éminent libraire est en passe de devenir un grand éditeur, capable de « coups » à faire pâlir ses confrères à 600 km plus à l'Est. Charles Kermarrec, a créé une maison d'édition portant le même nom que sa magnifique librairie Dialogues, au centre de Brest.

Le 12 décembre, 6 semaines après l'apparition des Bonnets rouges 2013 et 13 jours après la très courue manifestation de Carhaix, qui est annoncée, il publie le premier livre sur cet OVNI politico-social qu'est l'alliance des Bonnets rouges (octobre 2013). L'ouvrage de 225 pages comprend 4 textes très complémentaires.

La préface d'Emmanuel Todd, « Finistérien d'adoption », chercheur multi-carte et participant régulier des débats télévisés, est à la hauteur de son interview dans Marianne du 16 novembre, dont nous avons fait mention dans notre article très critique sur l'aveuglement et l'abandon de poste des médias parisiens ( voir l'article ).

Il va plus loin et parle d'un « effort délibéré du centre pour imposer sa vision... (afin de) plaquer les concepts de passéisme, de poujadisme et de régionalisme sur la révolte » ». Pour lui, Bretagne a de telles caractéristique d'homogénéité et de solidarité qu'aucune région ne sortira de la crise, si la première n'y arrive pas. Il écarte toute interprétation nationaliste pour préférer la mise en cause d'une Europe qui impose un carcan libéral et une monnaie unique.

René Pérez, directeur des rédactions du Télégramme, le quotidien de Brest, fait des descriptions approfondies. Il donne une chronologie en n'oubliant pas le lointain événement fondateur, la manifestation au péage autoroutier de la Gravelle (limite Est de la Bretagne), le 4 février 2009. Il rapporte la présence de Jean-Yves Le Drian, alors, président de la Région Bretagne, mais c'est la présence de Christian Troadec qui était finalement plus significative ( voir l'article ).

René Pérez utilise, comme nous, le mot d'alliance pour parler des Bonnets rouges ( voir l'article ) et il détaille un scoop : c'est Thierry Merret qui serait venu à Carhaix le 28 octobre pour confirmer à Troadec ( voir l'article ) le soutien de la FDSEA et, donc, des légumiers. Plus exactement, c'est la date de la création de la machine politique appelée « Collectif Vivre, décider et travailler en Bretagne » et cela a permis le succès du rassemblement de Quimper, le 2 novembre ( voir l'article ). Devant une télévision pro-russe, Thierry Merret a mentionné un temps de lutte de 4 mois ( voir l'article ), preuve que l'alliance, qui groupait, d'abord, des transporteurs et des artisans, s'est solidifiée, avec la présence organisée des agriculteurs, lors de la chute du portique de Guiclan, le 2 août ( voir l'article ). René Pérez colporte une légende : le fait que l'anarcho-syndicaliste Marc Hébert (FO29) ait jamais appelé à venir à Quimper. A FO, on a su cacher d'avoir été dépassé par sa base ( voir l'article ).

René Pérez, qui a probablement rédigé son texte à la mi-novembre, qualifie d'erreur stratégique, l'ultimatum posé par Troadec au gouvernement le 5 novembre, mais, la dernière semaine du mois, les portes des télévisions se sont ouvertes devant celui qui a défié l'État. Il le voit comme l'homme fort des régionales de 2015, faiseur de majorité. Ajoutons que les portes de la députation lui seront ouvertes en 2017.

Jacques Baguenard, professeur de droit et de science politique à l'université de Brest, fait l'analyse la plus fouillée qui soit parue. On ne peut que choisir quelques points : le duo Troadec-Merret est le pendant de l'efficace duo Georges Lombard (maire de Brest) - Alexis Gourvennec (agriculteur de Taulé, comme Merret) qui a mené le Célib des années 60 et l'intérêt général peut dépasser par solidarisation pour une synthèse créatrice menant à un horizon commun, la somme des intérêts particuliers que représentent les syndicats ouvriers et les réseaux de patrons. Le slogan « Re 'zo re » (Trop, c'est trop) lui inspire un parallèle avec le mouvements des Indignés.

Pour lui, Brest et son université sont marginalisés par les axes Paris-Rennes et Rennes-Nantes, terrain de jeu d'une « nomenklatura spécifique et redondante », le Pacte d'avenir (un « faux pacte ») pourra provoquer une déception qui sera la matrice d'autres incendies, d'autant que l'État est dans l'unilatéral, avec un silence coupable de la Région, au lieu de s'adresser à tous les acteurs, quelque soit leur rang (pas de consultation du Collectif) et le Pays de Galles pourrait être une source d'inspiration.

Il montre aussi l'importance et l'efficacité des réseaux patronaux qui savent réfléchir depuis longtemps sur la Bretagne (Club des Trente, Institut de Locarn ( voir l'article ), Produit en Bretagne ( voir l'article ), Diaspora économique de Bretagne). Il pointe, dans une analyse exemplaire, qu'à l'exception d'une députée et de deux sénateurs, les douze parlementaires finistériens, tous socialistes ou apparentés, ne portent jamais les problèmes majeurs de leur département dans leurs assemblées et que les réponses ministérielles sur les questions agricoles sont toujours hors-sol. Les voies de « captage » sont donc obstruées, d'où la surprise des acteurs politiques, et les Bonnets rouges doivent aider à mettre en chantier « la révision des codes collectifs ».

Erwann Charles et Hervé Thouement, maîtres de conférence en économie à l'Université de Brest, apportent une étude nuancée de la situation agricole en Bretagne. Il y a des problèmes de pollution, des filières agricoles, bovines et porcines à rendre plus compétitives, mais, pas de désastre dans tout le pays, comme certains le répètent de manière un peu trop propagandiste ( voir l'article ). Parmi les emplois agricoles supprimés en Bretagne, l'essentiel concerne la Bretagne-Ouest.

Ils livrent aussi une intéressante histoire de l'économie bretonne qui définit un « modèle breton de développement » qui a su pallier l'insuffisance du capital, entre autre, grâce à l'esprit de communauté et de solidarité, qui s'est manifesté dans les coopératives agricoles qui sont en crise par manque de capitaux. Ils pointent le fait que l'Est et l'Ouest de la Bretagne ne partagent pas la même dynamique de développement.

Les solutions résident dans une métropolisation en réseau qui embarquent les zones hors de villes, comme l'hôpital de Brest qui fusionne avec celui de Carhaix à 60 km. Comme Jacques Baguenard, ils appellent à faire de Brest une métropole à part entière, pour réquilibrer avec l'axe Rennes-Vannes.

Le point commun des trois textes est l'appel à la création de régions dotés de pouvoirs et d'instruments fiscaux réels. Au total, un livre d'une hauteur de vue bien plus élevée que la production, vite faite, mal faite, de beaucoup d'autres éditeurs.

L'automne des Bonnets rouges : de la colère au renouveau, Brest, Dialogues, 225 p. (Regards croisés). ISBN 978-2-91835-91-3 . 19 euros.

Christian Rogel

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Christian Rogel est spécialiste du livre, de la documentation et de la culture bretonne.
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Vos 11 commentaires :
Emilie Le Berre Le Samedi 14 décembre 2013 17:43
Todd, c'est bien lui lors de la campagne présidentielle qui nous vendait la révolution par le hollandisme ou quelque chose dans le genre ?
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Christian Rogel Le Samedi 14 décembre 2013 17:56
Todd n'est pas toujours d'une grande cohérence et le fond est un souverainisme de gauche. Il n'en reste pas moins qu'il a été l'un des rares intellectuells ayant accès aux médias à applaudir les Bonnets rouges, mêmes si ses interprétations ne font pas l'unanimité.
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Anne-Edith Poilvet Le Samedi 14 décembre 2013 18:18
Georges Lombard n'est arrivé à la tête du Célib qu'après 1970 pour un 2è Célib appelé "Nouveau Célib". Avant, le président en était René Pleven, en tandem avec Joseph Martray et les grandes avancées datent de cette époque.
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Christian Rogel Le Samedi 14 décembre 2013 18:44
@Anne-Edith Poilvet,,
Il s'agit, sans doute du tandem opérationnel sur le terrain entre Taulé et Brest, plutôt que des validations demandées à un René Pléven, député de Dinan et, plus souvent à Paris, car, engagé dans les instances d'un parti. Après 1970, le Célib n'a plus qu'à gérer la victoire acquise en 1968-69 : 5 investissements majeurs de l'Etat, soit l'université de Brest, le port de Roscoff, le plan routier, l'électrification du train Paris-Rennes et le marché d'intérêt national de Morlaix.
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Caroline Le Douarin Le Samedi 14 décembre 2013 22:30
Je ne sais si les livres écrits dans l'urgence (coup médiatique avec l'allusion au "Printemps des Bonnets Rouges" par Paul Keineg pour ceux qui connaissent ?), et même si je suppose que les auteurs avaient déjà pas mal de notes, documents et arguments à développer, sont si bons que ça.
S'il y avait eu recherches, on aurait trouvé que la Loire-Atlantique a fondé ou va fonder des comités de soutien... que beaucoup d’habitants du 44 sont allés à Quimper le 2 et à Carhaix le 30...
Alors pourquoi, sur la couverture, cette carte de Bretagne qui s'arrête une fois de plus au golfe du Morbihan ou au nord de l'estuaire de la Vilaine ?
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Christian Rogel Le Dimanche 15 décembre 2013 00:00
@Caroline Le Douarin
A la date de bouclage, vers le 20 novembre, il était impossible de prévoir une éventuelle influence politique des BR ailleurs que dans le département où ont eu lieu les actions les plus marquantes.
Les comités locaux ont été annoncés bien après.
Et, puis, il est normal que des Brestois plaident pour leur cause.
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Michel Prigent Le Mardi 17 décembre 2013 14:26
Mon commentaire sur le Télégramme traitant de la candidature de Troadec à la Présidentielle (92 commentaires à cette heure)de 2017 ayant été pour la 2è fois refoulé par le webmaster dudit journal, (qui à mon sens laisse une très large place aux détracteurs de Troadec et jacobins de tout bord), je me permet de vous l'infliger, ne serait ce que pour "rentabiliser" mon investissement.
"Vraiment étonnantes ces réactions Pavloviennes de lecteurs bien lobotomisés par la pensée unique nationaliste et parigo-centrée inculpée depuis des siècles par la cour de Versailles (ou l'Elysée, c'est kif-kif).
Et pourtant, ceux qui couvrent l'initiative de Troadec de quolibets, sont sans doute les mêmes qui créditent le gouvernement actuel de 30% d'opinion favorable.
Il faut croire que l'addiction à l'Etat-Providence, au demeurant désargenté est plus forte que tout désir d'un véritablement changement;
Un changement qui replacerait la France dans les standards européens de gouvernance: Régime présidentiel OU parlementaire (et non les 2), scrutin proportionnel, fin du cumul des mandats, dégraissage du mille feuille administratif, décentralisation efficace, réformes structurelles pour une administration performante, fin des régimes spéciaux y compris des régimes public/privé, amaigrissement de la foultitude de règlements (400 000) du code du travail de 4 000 articles, bref de toutes ces contraintes qui paralysent la prise de décision des entreprises...etc.
En quoi, Mr Troadec serait-il moins crédible qu'un Besancenot, qu'une Eva Joly, qu'un Poutou, voire d'une M. Le Pen ou d'un Mélanchon ?
En quoi serait-il moins crédible que les Présidents qui se sont succédés depuis bientôt 40 ans qui cautionnaient des budgets en déficit depuis 1974, laissant une dette de 30 000 ¤/français, désindustrialisaient la France, ne maitrisaient pas l'immigration, laissaient se dégrader la formation scolaire par des réformes farfelues ininterrompues, qui, cramponnés à leur chauvinisme faisaient tout leur possible pour s'opposer à une Europe puissante et donc Fédérale...
Christian Troadec propose une autre façon de gouverner la France: une France libérée du carcan d'un état monolithique omnipotent, une France avec des régions fortes comme en Allemagne, une France qui libère les énergies au plus près du terrain, pourquoi pas une France Fédérale ?
Pour un véritable changement, de nombreux bretons sont prêts à suivre Mr Troadec et j'en suis.
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Christian Rogel Le Mardi 17 décembre 2013 14:39
Il n'est nul besoin de "comprendre" quoi que ce soit du discours de Christian Troadec pour estimer que lui a compris comment marche la politique en France : en se posant comme candidat à la présidentielle, il force les journalistes à parler un peu de lui sérieusement, au lieu de le classer définitivement à la rubrique des politiciens exotiques, venus d'une contrée à demi-sauvage.
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eugène le tollec Le Mardi 17 décembre 2013 14:55
Exact mais pas dans la mouvance socialiste ni de droite...nous les bretons devant rejeter cela.
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Caroline Le Douarin Le Mardi 4 février 2014 12:35
J'ai lu cette nuit la partie écrite par René Perez (p. 11 à 53) dans l'exemplaire que j'ai acheté il y a peu dans un petit U Express de quartier à Nantes. Oui à Nantes, des livres sur la Bretagne dans une épicerie !
Il reprend tout depuis La Gravelle 2009.
Merveilleusement clair et précis, sans bla-bla, avec un peu d'humour.
19 euros que je ne regrette pas, rien que pour cette partie.
Un petit reproche : il ne parle pas réunification et présence de Bretagne Réunie à Kemper comme à Karaez...
Un livre important pour l'histoire actuelle de la Bretagne.
http://www.librairiedialogues.fr/livre/6651786-l-automne-des-bonnets-rouges-de-la-colere-au-r--herve-thouement-emmanuel-todd-rene-perez-erw--edts-dialogues de Dialogues, page du livre : 18,05 euros chez eux.
Merci de cette bonne critique qui me donne vraiment envie de lire la suite.
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Christian Rogel Le Mardi 4 février 2014 14:26
@Caroline Le Douarin
Le bon texte de René Pérez est complet pour les événements, mais, pour l'analyse, il manque, parfois, de profondeur, sacrifiant beaucoup aux vedettes, qui, pourtant, n'ont pas tout fait, ni maîtrisé.
Il parle, sans assez de nuances, du patronat qui est ici surtout celui de PME (ce qui inclut les agriculteurs et les artisans) avec lesquels de nombreux salariés ne voient pas d'antagonisme de principe, ne serait-ce parce qu'il s'agit de leurs proches et de leurs voisins. Plus difficile à saisir est la dimension de solidarité teintée d'esprit régional, qui puise dans toutes les nuances de l'attachement à la Bretagne, mais, reste souvent non-dite. Cela excuse les imprécisions des commentateurs locaux : comment exprimer le non-exprimé? Des enquêtes qualitatives permettraient d'aller plus loin.
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