Samedi, la ville de Carhaix a célébré, dans le cadre de la rénovation du centre ville, une double inauguration chargée d’émotion avec les statues de deux grandes figures bretonnes issues du Poher et du Trégor: la poétesse Anjela Duval et Sébastian ar Balp, meneur de la révolte des Bonnets Rouges en 1675. Ces bronzes, créés par la sculptrice Annick Leroy, ont été dévoilées en présence du maire Christian Troadec, de la députée Mélanie Thomin, et de Didier Guillon, vice-président du Département. Le matin, le maire et son adjointe aux travaux Jacqueline Mazéas ont présenté l'ensemble des travaux réalisés et à venir dans le centre ville.
Sous un ciel maussade mais sans pluie, les habitants et les invités se sont rassemblés pour rendre hommage à Anjela Duval, poétesse paysanne à l’âme profonde et sincère. La cérémonie a commencé avec la récitation de l’un de ses poèmes en breton, Me garje bout puis d'une version en français. Malgré les traductions, rien n’égale la puissance de la langue bretonne pour exprimer l’amour de cette terre que portait Anjela Duval. Les traductions de la grande poétesse bretonne ne sont pas à la hauteur des textes originaux car la beauté de ses mots, de l'agencement des sonorités et de ses résonnances dans nos coeurs, sont intraduisibles. L'inauguration a atteint un sommet d’émotion lorsque les premières notes de Karantez Vro, sans doute le poème le plus connu d'Anjela Duval, chanté par Nolwenn Leroy, ont résonné. Un frisson a parcouru la foule car la plupart connaissent ce poème par coeur tant il touche le fin fond du dilemme breton. Karantez vro, qui signifie l'amour du pays en breton, a été mis en musique par Véronique Autret du groupe Gwalarn. La chanson est reprise ensuite en 2010 par Nolwenn Leroy dans son album Bretonne. Cette chanson introduit tous les mariages civils à la mairie a confié le maire. Le poème raconte la blessure de jeunesse au cœur d'une femme qui n'a pas voulu quitter sa Basse Bretagne pour suivre le marin qu'elle aimait. Lui aimait « les villes, les mers profondes, les pays lointains » alors qu'elle préférait les campagnes de son pays. Encore aujourd'hui, beaucoup de Bretons sont tiraillés entre l'exil et l'enracinement et sont confrontés à ces choix difficiles. C’est alors que Christian Troadec et Annick Leroy ont retiré le voile du gwenn-ha-du, révélant Anjela Duval figée dans une scène intime : assise à sa table de cuisine, écrivant à la lueur d’une lampe à huile. Cette image poétique et simple illustre la vie de cette paysanne à l’âme pure, qui trouvait son inspiration dans les moindres détails de son quotidien et de son amour de sa terre. Comme l'a écrit un inconnu : "En ce pays de Trégor vivait une femme. C'était une paysanne. C'était aussi une Bretonne. Et de ces deux beaux noms, elle était fière. Elle était aussi une écrivain car elle faisait partie de ces gens qui doivent écrire pour vivre pleinement.
À côté de cette ode à la poésie bretonne, l’autre statue rend hommage à Sébastian ar Balp, meneur de la révolte des Bonnets Rouges en 1675. À travers ce monument, Carhaix perpétue la mémoire de cette figure de résistance, emblématique de la lutte des Bretons contre les injustices fiscales de l’époque et par extension de toutes les injustrices. Avec son "code paysan", Le Balp, par son courage et sa détermination, symbolise pour beaucoup l'esprit rebelle et indépendantiste qui perdure en Bretagne.
Pour le maire Christian Troadec, ces deux statues dans le centre de Carhaix incarnent la richesse et la diversité de l’histoire bretonne. Il a rappelé l’importance de transmettre ces valeurs d’indépendance, de culture et de langue aux nouvelles générations, affirmant que "la Bretagne doit honorer ses héros et héroïnes, non seulement pour ce qu’ils ont accompli, mais pour ce qu’ils représentent aujourd’hui dans notre quête identitaire." Avec cette inauguration qui se situe dans le cadre d'une vaste rénovation du centre ville , la ville inscrit un peu plus son attachement à la culture bretonne et à ses figures emblématiques, offrant à ses habitants et visiteurs un lieu de mémoire et de recueillement au cœur de la ville.
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