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- Lettre ouverte -
L'injustice de proximité : tribunaux supprimés, citoyens ignorés
Bien sûr, d'un point de vue technique, il s'agit d'une mauvaise réforme. La Justice est un service rendu au public qui permet de dénouer pacifiquement les conflits, c'est un arbitrage normatif entre des intérêts en opposition, publics ou privés. C'est aussi (surtout ?) la protection du citoyen contre le fait du prince
Par Gérard Olliéric pour Parti breton le 20/11/07 19:19

Bien sûr, d'un point de vue technique, il s'agit d'une mauvaise réforme.

La Justice est un service rendu au public qui permet de dénouer pacifiquement les conflits, c'est un arbitrage normatif entre des intérêts en opposition, publics ou privés. C'est aussi (surtout ?) la protection du citoyen contre le fait du prince ou l'arbitraire étatique, sans laquelle il n'est pas de démocratie. L'acte de justice est une prestation intellectuelle, qui, à la différence de l'acte médical, coûte peu. Même si l'ordinateur a remplacé le chêne séculaire, les besoins de la justice n'ont guère évolué : un juge, un greffier et la publicité des débats suffisent. La justice du quotidien n'a absolument pas besoin d'une concentration des moyens en un lieu unique, la «Gaule chevelue» avait suffisamment de chênes pour que le «machtiern» (ou le druide) vienne rendre la justice sur le lieu même du conflit.

Le rapprochement du siège de justice du lieu du conflit n'a pas pour seul enjeu les commodités du justiciable et la meilleure appréciation des faits par le juge. En effet, parce que la décision de justice est prise au nom de tous, elle doit être rendue devant tous. Le public doit être le témoin, sinon le juge, de la sentence qui est prononcée en son nom. En ce sens aussi, la proximité est une nécessité car il n'est pas de bonne justice rendue devant un public indifférent. A litige local, public local, à litige national, public national.

A dire vrai, tout le monde est d'accord ; à l'exception des affaires financières ou de crime organisé, la concentration des moyens en un lieu unique ne sert pas l'efficacité. Qui a jamais entendu parler d'un important palais de justice où les décisions du quotidien seraient mieux et plus rapidement rendues que dans un petit tribunal? Si la démarche du garde des sceaux, est rationnelle, alors, ce n'est pas un objectif d'efficacité qui est recherché. En quoi, en effet, la concentration des juges, greffiers et ordinateurs les rendrait plus efficients ?

Mais le tragique ne tient pas tant dans l'aberration de la réforme, car tout le monde peut se tromper. Le drame est inscrit dans la nature même de la réforme : le mauvais choix d'une seule nuit à tous. Quel sens peut avoir la réforme d'un service public de proximité sans la consultation de ceux qui le rendent, et du public qui en bénéficie, sinon la volonté d'imposer ses vues personnelles à autrui, autrement dit, la jubilation du Pouvoir ? De fait, les citoyens et les praticiens sont, dans cette affaire, considérés comme des incapables majeurs inaptes à réfléchir par eux-mêmes aux choix qui les concernent directement. Il ne s'agit pas d'une réforme de la loi ou de la politique judiciaire du pays, pour laquelle l'autorité centrale parisienne aurait eu une légitimité démocratique. Il s'agit d'une modification de la géographie (judiciaire) locale, qui doit nécessairement procéder des réalités et des volontés locales.

La géographie ne se décrète pas, elle est la résultante des contraintes naturelles et de l'activité quotidienne des hommes sur leur territoire. Le temps des autocrates qui dessinaient dans leur palais les contours de la vie de leurs sujets doit prendre fin. Il n'est plus admissible que les décisions d'aménagement du territoire soient prises sans l'intervention des collectivités territoriales que se sont choisies les citoyens. Pour mieux fonctionner, pour mieux se réformer, cet état a besoin d'une vraie "régionalisation" pour le moins.

La réforme nécessaire, c'est celle-là.


Pierre H. Rustique, avocat, Fédération du Finistère du Parti Breton

(voir le site)

--------------Réactions-----------------------------------

De Mikael Moazan

Il nous faudra accoucher d’une conception post-moderne du droit, déjà initiée par Habermas, Nonet, Selznick…Tous s’expriment pour une métamorphose du droit, qui a déjà commencé.

Les modes alternatifs de résolution des conflits illustrent l’autonomie du droit par rapport à l’Etat, lequel n’en ayant plus le monopole, n’a plus le monopole de la justice.

Dans les modes alternatifs le droit peut être exclu au profit de normes sociales, ou, plus simplement au profit du bon sens. Certes, il est aussi possible que les modes alternatifs soient une réplique de la justice institutionnelle.

En théorie la justice rendue par les modes alternatifs ne remplit aucune fonction normative. La pratique fait cependant naître une jurisprudence sociale.

Il n’a pas de public, mais une confidentialité.

Je ne dis pas que tous les aspects des modes alternatifs sont positifs

Il faut y voir une déréglementation du service public administratif car la justice, en tant que service public, et comme tous les autres services est touchée par la logique du marché.

Le processus non marchand des SPA, (service public administratif) en opposition avec les SPIC (service public industriel et commercial) n’interdit pas que soit recherché la qualité, la gratuité en apparence étant défaite par le poids des coûts bien réels

L’Etat s’est basé sur l’hypothèse que le droit opère à une échelle unique. Or il existe une pluralité juridique : des formes multiples de légalité locale, nationale, et mondiale. Une légalité mondiale est en général informelle, créée par le capital transnational, un peu comme une neo-coutume.

Cette pluralité juridique n’est pas celle de l’anthropologie juridique traditionnelle qui conçoit comme entités autonomes les différents ordres juridiques qui coexistent dans un même espace politique, mais plutôt d’une conception de différents espaces juridiques superposés et combinés dans nos esprits et nos actions.

Nous appartenons à plusieurs géographies et la difficulté que nous rencontrons est de rester libre dans tous ces espaces que nous arpentons, y compris sur le worldwide web…

La vertu du local, s’il en a une, ne passe pas par la régionalisation. Elle passe par l’identification et l’appropriation politique de l’espace que seul le fédéralisme peut encourager.

Une décentralisation, ou une dévolution ont un «» qui signe l'origine et la dépendance et qui peut, sur le caprice du maître, se transformer en « re »

Dans un état fédéral, l’état fédéré (land, canton, autonomia, état) a sa propre Constitution. C’est donc un état souverain, dans l’acception d’une souveraineté librement partagée, souveraineté qui s’oppose à celle de J Bodin que la France admire. La souveraineté absolue de Bodin n’existe pas. Le FMI, L’ONU, l’OTAN, L’Union Européenne… montrent bien que c’est une souveraineté partagée.

Une question peut être posée : qu’elle justice dans une Bretagne fédérée ?

Et si la justice n’était plus affaire exclusive des tribunaux ?

Mikael Moazan

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