Des régionalistes bretons, opposés au développement de nos métropoles urbaines, voire enfermés dans une vision localo-ruraliste et écologiste, dénaturent actuellement avec dessein certains propos historiques sur la régionalisation et le développement régional de Michel Rocard (1930-2016). Pourtant, celui-ci reconnaissait bien d'une part l'importance du fait urbain dans le dynamisme régional et d'autre part l'exception française de la petitesse des villes...
Des régionalistes bretons, opposés au développement de nos métropoles urbaines, voire enfermés dans une vision localo-ruraliste et écologiste, dénaturent actuellement avec dessein certains propos historiques sur la régionalisation et le développement régional de Michel Rocard (1930-2016). Pourtant, celui-ci reconnaissait bien d'une part l'importance du fait urbain dans le dynamisme régional et d'autre part l'exception française de la petitesse des villes françaises face à Paris dont l'importance n'était pas du tout considérée comme anormale à l'échelle internationale.
Il est donc important de rappeler comment ce socialiste moderniste envisageait à l'époque la régionalisation, en trois constats toujours d'actualité :
1- L'importance de l'agglomération parisienne n'est pas un phénomène anormal en soi ;
2- Il n'y a pas de région en développement rapide qui ne s'appuie sur une métropole ou un réseau urbain de plein exercice ;
3- Les freins proviendront à la fois d'un régionalisme traditionaliste anti-urbain mais aussi des notables au niveau local défendant leur situation contre la modernisation.
Décoloniser la province 30 avril - 1er mai 1966, Michel Rocard
(points repris dans le texte du rapport)
Point 1
- L'importance de l'agglomération parisienne n'est pas un phénomène anormal en soi. De très grandes concentrations humaines sont une des caractéristiques des sociétés modernes hautement industrialisées. (...) Ces agglomérations énormes peuvent exister dans des pays à structures fédérales (États-Unis, Allemagne). Elles sont compatibles avec une dispersion de l'activité économique et du pouvoir politique beaucoup plus grande qu'en France. Dans les cas du Japon, de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne, il s'agit de pays dont la surface et la population sont d'importances comparables à celles de la France. Leurs problèmes de déséquilibres régionaux n'ont cependant rien de comparables avec les nôtres.
Point 2
- La réponse ne fait aujourd'hui plus de doute : elle est positive. Le dynamisme du développement économique tient pour l'essentiel à la puissance d'innovation et à l'intensité des échanges. C'est donc l'importance des services qu'elle a à sa disposition qui permettra à l'économie d'une région de croître et d'évoluer dans des conditions qui permettent la réalisation constante du plein emploi. Or, ces services, qu'ils concernent le commerce, la vulgarisation scientifique, la recherche, l'appui bancaire, le conseil en organisation ou la publicité, etc. ne peuvent être situés qu'en milieu urbain, et dans des villes desservant un arrière pays suffisamment important pour les rentabiliser. Il n'y a pas de région en développement rapide qui ne s'appuie sur une métropole ou un réseau urbain de plein exercice.
Loin du rêve fédéraliste proudhonien, il précise que "
le problème ne consiste pas à s'appuyer sur des traditions, des forces, des structures régionales aujourd'hui mortes. Il consiste à créer de nouveaux centres de décision ayant une autonomie relative par rapport à la capitale et s'appuyant sur un réseau urbain développé". Ceci dans l'esprit du radical de gauche Pierre Mendès France pour qui une métropole est avant tout "
une ville dont l'ensemble des services ou des fonctions permet d'éviter à ses habitants ou à ceux de la région le recours généralisé à Paris".
Point 3
- Il est bien clair, pour toutes ces raisons, que la ligne proposée rencontrera des ennemis de tous bords : les technocrates la déclareront absurde, de nombreux élus y verront une menace pour leurs mandats, certains hérauts du régionalisme seront pris de frayeur devant l'idée d'unités régionales assez grandes et assez urbanisées pour prendre en main l'animation de leur développement économique, et la quasi totalité des forces politiques organisées de ce pays a en fait manifesté souvent des positions et toujours des attitudes centralisatrices plutôt que décentralisatrices.
Et tout en concluant, "
À la vérité, entre un pouvoir technocratique qui déconcentre sans jamais admettre de participation démocratique, et des forces politiques traditionnelles qui, à droite comme à gauche, bloquent toute évolution de notre organisation locale, on peut dire aujourd'hui que la démocratie locale et régionale n'a pas de défenseur en France".
Ce constat, dans un contexte aujourd'hui toutefois différent, n'est-il pas toujours d'actualité ?
En savoir plus
Décoloniser la province : http://www.institut-tribune-socialiste.fr/wp-content/uploads/1966/04/66-12_RocardDecoloniser.pdf
Compte-rendu de la présentation à Saint-Brieuc : http://www.institut-tribune-socialiste.fr/wp-content/uploads/1980/07/80_DiboutDecoloniser.pdf
Affiche PSU
Commentaires (7)
Toujours est t-il que dans les années Rocard ( soixante dix environ PSU ) ,l'idée régionaliste était en corrélation avec l'idée du retour à la terre ,par refus aussi du système cages à lapins des grandes agglomérations ,ou l'humain devient comparable à des poules en cage , facile à diriger à manipuler .Et ce point est un facteur aggravant aujourd'hui, vu tous les dispositifs de surveillances élaborés ,c'est un processus de confiscation des libertés élémentaires . Par contre à l'époque la notion d'écologie était bien moins dogmatique qu'aujourd'hui ,actuellement elle va aussi dans une logique de théocratie ,du moins si ses adeptes parviennent à influencer les pouvoirs politique, à défaut de le prendre vu que démocratiquement ils n'en n'ont pas trop les moyens .
Moi, je pars des faits et notamment cette pétition caricaturale contre les métropoles urbaines en Bretagne qui a été promue et signée par le géographe Jean Ollivro, puis suivi par une large majorité de régionalistes de tout vent : http://www.valdille.fr/appel/index.php Je n'invente rien du tout !
Etant minoritaire à l'échelle du mouvement breton mais pas de la Bretagne si l'on en croît les sondages, je me permets avec quelques autres de construire une intelligence collective pour porter un autre message stratégique pour la Bretagne.
Attention à ne pas raison garder. Une pétition signée à ce jour par 849 personnes (ou du moins 849 signatures électroniques) n'est pas à mon humble avis un franc succès. D'ailleurs j'en avais jamais entendu parlé. De là à écrire que cette pétition a été "suivi par une large majorité de régionalistes de tout vent ", il y a un pas que je ne franchirai pas à moins de considérer que les "régionalistes" bretons représentent 1000 personnes....
Encore une pétition qui a été faite pour satisfaire l’ego de certains et que des gens qui n'ont rien à faire signe, comme ci cela pouvait changer les choses en France.
Pour ceux qui doutent de mes propos, il suffit de se remémorer le nombre d'Alsaciens qui ont signé la pétition contre la fusion de leur région (Plus de 100 000 signatures!!) et la non prise en compte de cette pétition.
Le régionalisme nostalgique a gagné .
L'identité se porte en sautoir.
La celtitude, et son kitsch folklorique, est le fin du fin de la politique culturelle.
La Bretagne ducale, est devenue le seul horizon "décentralisateur" de ceux qui croient encore aux vertus de la subsidiarité en politique.
Rocard et le rocardisme sont bien morts. RIP.
Quant à son analyse sur Paris, elle est totalement erronée. Le poids de Paris a toujours été aberrant. Sinon, comment expliquer que la France, avec les plus longues côtés, n'a jamais été leader dans le domaine marin (et n'a pas de ministère de la Mer alors que le hasard lui a donné la Polynésie) ? Comment expliquer qu'elle a toujours été derrière l'Angleterre, l'Espagne, l'Allemagne selon les époques alors que son poids démographiques l'a toujours placé dans le peloton de tête européen ? Réponse: Paris. L'Hexagone est pourtant physiquement le territoire au potentiel le plus énorme en Europe et, rapporté à sa taille, au monde.
Le projet de métropole ne se fait pas de manière horizontale mais verticale. Il suffit de voir les vraies métropoles qui existent aujourd'hui. Shanghaï n'est pas devenue ce qu'elle est sur décision de Pékin. Shenzhen a été voulue ex-nihilo par Pékin, si c'est un mastodonte démographique, elle n'a pourtant aucune valeur ajoutée comparée à des Canton ou Hong-Kong qui sont de vraies métropoles, elle reste une ville de province sans aucun pouvoir ou influence. Shanghaï est une ville. Shenzhen, un outil.