La région Pays de la Loire, connue pour son manque d’appropriation par les citoyens, vient de lancer un appel d’offre pour la réalisation d’un atlas. Créés sur les bases du décret de Vichy du 1er juillet 1941, qui sépara la Loire-Atlantique (Loire-Inférieure de l’époque) du reste de la Bretagne, les « Pays de la Loire » sont pour ainsi dire un ersatz de région. Sans légitimité historique ni réelle identité, cette région peine à être identifiée par ses propres administrés.
Certainement pour pallier ce manque, elle souhaite créer un atlas. Comme chacun sait, le pouvoir des cartes est fort. Elles permettent de marteler un message visuel et ainsi d’inscrire un territoire, même fantaisiste, dans l’esprit des plus faibles ou des personnes les moins critiques. Il ne fait aucun doute que les élus « ligériens », peu enclins à transmettre l’histoire et la culture, aient vite compris l’intérêt d’une telle opération de propagande pour promouvoir cet OTNI (Objet Territorial Non Identifié).
Ne doutons pas non plus que ce soudain projet d’« Atlas des Pays de la Loire » ait été orchestré suite à la sortie récente de l’Atlas de Bretagne / Atlas Breizh, que j’ai réalisé avec Divi Kervella et qui est paru aux éditions Coop Breizh en mars 2011. Ainsi, dès septembre de la même année, le projet de la région Pays de la Loire était prêt pour contrer toute tentative de rétablissement de vérités historiques flagrantes, à savoir que la Loire-Atlantique est bretonne, et devrait en toute légitimité être le 5e département de la région Bretagne.
Notons que le noeud du problème est toujours le même. Le président de la région Pays de la Loire, Jacques Auxiette voit dans la réunification, selon ses propres termes « une annexion des temps modernes, voire une certaine forme de colonisation ». Aucun terme n’est assez fort pour dire son hostilité aux Bretons. Pourtant, certains sondages (IPSOS / Ouest France 2002) estiment que 75 % des électeurs seraient favorables au retour de Nantes et de la Loire-Atlantique en Bretagne. Et pour enfoncer le clou, le Conseil régional de Bretagne a voté à l’unanimité le 8 octobre 2004, en faveur de la « réunification administrative de la Bretagne », suivi des élus de Loire-Atlantique la même année.
Ce nouvel atlas arrive à un moment où les élus de tout bord parlent de réunification de la Bretagne et même d’autonomie régionale. Des mots qui auparavant n’auraient été prononcés que par si peu de candidats à une élection. Aujourd’hui, ils suivent probablement une grande partie de l’opinion, qui ressent la recentralisation de la France comme une mauvaise plaisanterie et surtout comme une injustice territoriale inqualifiable ; rappelant chaque jour que le projet de « Grand Paris » est une hérésie dans un État qui voit la majeure partie de la richesse du territoire captée par une minorité. En effet, 45 % de la richesse nationale est prélevée par l’Île de France qui ne représente que 18 % de la population.
Ainsi, notamment pour contrer les Nantais qui affirment leur appartenance à la Bretagne, la région Pays de la Loire délègue la création d’un atlas. Et faute de trouver des auteurs indépendants motivés pour prendre en charge ce travail, elle préfère lancer un appel d’offre pour sa conception et sa rédaction. La région fait un constat assez simple, qu’elle note dans son appel d’offre : « À ce jour, il n’existe aucune monographie récente sur la Région des Pays de la Loire. » Et pour cause. Le plus grave est certainement ce que la région souhaite en faire, notamment « construire un discours sur les logiques d’organisation du territoire régional, discours aujourd’hui inaccessible sur un média grand public ». Le but avoué de l’opération est bien de se construire un discours, autrement dit un argumentaire pour créer une identité, niant ainsi les identités multiples de ce territoire artificiel.
Mais le constat est encore plus amer lorsqu’on décortique l’appel d’offre en question. La région Pays de la Loire délègue à un prestataire extérieur la réalisation d’un atlas, qu’elle souhaite voir commercialisé. Elle en crée 3.000 exemplaires pour ses propres besoins de « propagande » et laisse la possibilité au prestataire d’en vendre à l’extérieur. Déléguant l’ensemble du projet, elle insiste toutefois sur le fait qu’il s’agit d’un outil pédagogique de description du territoire. En langage décrypté, un outil pour faire entrer définitivement dans la tête des petits « Ligériens » que leur région, c’est les Pays de la Loire, et rien qu’elle… Elle souhaite qu’on y parle des caractéristiques géographiques, physiques, sociales, humaines, économiques, environnementales de la région. Bien évidemment, elle omet de dire qu’une partie sur l’histoire et la culture serait une gageure pour une région qui s’est constituée en faisant fi de ce qui constitue l’identité intrinsèque des territoires, à savoir leur histoire et leur culture. Évidemment, l’éditorial sera validé par la région, mais ne doutons pas que le reste du bel ouvrage, payé par les deniers publics, ne soit pas analysé par les collaborateurs zélés de ce fameux OTNI.
Mikael Bodlore-Penlaez
Article publié par Geobreizh.com sur ABP et Sterne