
Fañch Broudic emploie un syllogisme détestable pour dévoyer le sens de mon propos. Une réponse s'impose.
Je m’aperçois que Fañch Broudic a commenté mon récent article sur son blog, de manière déloyale ce qui me pousse à rappeler quelques évidences.
L’article de son blog porte un titre particulièrement déplacé à mon goût : « La citation équivoque d’un auteur breton juriste ». Il est vrai que j’ai cité, en prenant les précautions d’usage, le juriste allemand bien connu -que l’on étudie dans toutes les université- Karl Schmitt pour montrer combien un Pouvoir, démocratique ou non, se définit surtout en situation exceptionnelle. C’est l’apport bien connu de cet auteur à la pensée politique. Le fait qu’il se soit compromis avec le nazisme n’enlève rien à sa théorie de la souveraineté toujours enseignée dans les Universités. J’ai d’ailleurs mis en garde le lecteur sur la compromission de cet auteur.
Mais là où je ne suis pas d’accord, c’est que Fañch Broudic emploie le syllogisme détestable, méthode bien connue : Yvon Ollivier emploie une citation de Karl Schmitt « est souverain qui décide de la situation exceptionnelle » ; Karl Schmitt était un odieux nazi ; donc Yvon ollivier est un autocrate.
La ficelle est trop grosse pour ceux qui me connaissent et mes ouvrages plaident en ma faveur. Pour employer des procédés pareils, il faut avoir envie de nuire pour des raisons qui ne m’intéressent pas.
J’invite Fañch Broudic à ne pas confondre souveraineté et démocratie, ce sont là deux choses différentes. Un pouvoir démocratique peut être plus ou moins souverain, il suffit juste de vouloir. Et c’est sur ce terrain-là que je me situe. La souveraineté est un effort de tous les jours. Et si le pouvoir régional n’ose pas poser des questions à l’administration en situation de crise sanitaire, comme l’invitait à le faire Marc Le fur, c’est que nous ne sommes pas sur le chemin de l’émancipation démocratique.
L’important pour moi est de mettre les mots sur la situation tragique dans laquelle nous nous trouvons, notamment sur le terrain des langues mais pas seulement. Nous sommes en passe de sortir de l’Histoire, pour une raison bien simple, le manque de souveraineté. C’est là le sens de mon engagement au service d’une souveraineté partagée pour la Bretagne et selon le mode le plus démocratique. Je souhaite que les Bretons décident des choses qui les concernent au premier chef. C’est selon moi une bonne définition de la démocratie.
Si certains ne le comprennent pas, alors que le Pouvoir centralisé vient de témoigner une fois de plus de son inefficacité, c’est qu’il n’y a plus grand-chose à faire. L’homme s’habitue à tout. Il arrive même qu’il intériorise des formes de domination et qu’il se résigne à son sort. Je crois que nous sommes un peuple résigné. Or il n’est rien de pire que la résignation.
Yvon Ollivier
auteur
Commentaires (15)
"Vous déplorez la perte de la langue bretonne, mais rendez hommage aux Bretons ?
Cela m’a frappé quand j’y suis retourné adulte, comme une tragédie. Incompréhensible qu’en si peu de temps, la langue avec son héritage culturel ait disparu. C’est imputable à l’État, qui a multiplié les actions de destruction. Mais aussi aux Bretons qui ont refusé de la parler à leurs enfants afin de les prémunir contre la discrimination dont ils avaient été victimes. Elle est menacée, l’action des écoles Diwan et des associations est une bonne chose. La jeune génération sera déterminante pour la survie de la langue et de la culture."
On ne saurait mieux dénoncer l'ethnocide perpétré par la France en Bretagne, et définir l'aliénation qui en est l'aboutissement: les victimes ont fini par devenir les bourreaux de leur propre culture. Gardons tou(te)s ces paroles en mémoire et brandissons-les face à la mauvaise foi des Jacobins!
Le modèle présent est malade et sans vision pour l'avenir . Quelques -uns se sont aperçus de l'importance capitale des sans grades ( infirmiers , aide- soignants , transporteurs - chauffeurs , aides à domiciles et + largement des services publiques ).... Il est temps .
La République n'implique pas forcément la Démocratie selon son contenu , la première République n'était pas une démocratie en France , c'était la Terreur par exemple , mais c'est un fait historique !
Je connais tes propositions comme beaucoup et la mesure que tu y mets , j'apprécie tes interventions comme nombre d'entre-nous ...
Pourquoi avoir ce besoin perpétuel de classer les gens dans des cases prédéfinies et le plus souvent obsolètes ? Communistes , nazis , ... On peut être Syndicaliste , communiste , et ... , et défenseur de la langue bretonne ...
On ne peut ni ne doit comprendre l'histoire avec les yeux d'aujourd'hui . Le plus gros souci , de nos jours encore , est la soumission des élus bretons , dans notre cas , aux élites parisiennes dans un souci de carrière . Ils nous comptent des histoires auxquelles ils ne croient pas eux-mêmes . C'est surtout la vie très dure , la misère sociale et l'éclatement des familles-clans à la suite de la dernière guerre qui ont été les raisons du comportement du peuple breton envers sa langue ... Les priorités étaient différentes , les intérêts s'entrechoquant , aussi !
Continue comme ça, Olivier, à secouer le cocotier. Les noix de coco pourries tomberont toutes seules...
Pour les Bretons, le danger de "sortir de l'Histoire" me semble être un problème d'une urgence absolue à la solution duquel doivent s'atteler tous les esprits courageux en dehors des chapelles de la pensée globale,convenue, paresseuse et somme toute stérilisante, conduisant à notre fin ultime.
Mais c'est vrai que les communistes nous ont toujours habitué à réécrire l'histoire...
C'est vrai que c'est assez récurrent. Alors qu'il y a bien d'autre pays, modèles, auteurs que l'on pourrait citer et s'épargner ce genre de polémiques ridicules, répétitives quasi devenues folkloriques.
À côté de cela, la formulation de la réponse courte que me fait Yvon Ollivier me paraît presque posée. Je lui fais cependant remarquer aussi brièvement que c'est pour éviter toute confusion que j’ai pris soin de dater et de contextualiser l’axiome de Carl Schmitt (1922, donc d’avant son adhésion au nazisme), ce qu’il ne faisait pas.
Pour autant, je ne confonds justement pas souveraineté et démocratie : sur le fond, la question est de savoir si les deux concepts sont conciliables et jusqu'à quel point. Yvon Ollivier assure dans sa réponse qu’"un pouvoir démocratique peut être plus ou moins souverain", soit. Tout en précisant qu’"il suffit juste de le vouloir." Effectivement, celui qui le détient peut toujours, s’il le veut pour de bon, trouver le moyen de le consolider pour installer un pouvoir qui tout d’un coup se révèle plus souverain que ne le prévoyait, par exemple, la Constitution antérieure.
À cet égard, la pensée de Schmitt est dès 1922 une contestation, voire la négation ou l’antithèse de la démocratie. Qu’on en fasse un objet d’étude universitaire ne me choque pas en soi. S’en prévaloir pour justifier de la transformation du mode de fonctionnement d’un pouvoir démocratique vers davantage de souveraineté relève d’une autre démarche. C’est la raison pour laquelle je signalais que l’émergence de démocraties autoritaires en Europe, dans les Amériques et ailleurs est généralement perçue comme une dérive : seuls s'en défendent ceux qui en sont les promoteurs ou les thuriféraires. Dans des pays de longue ou de récente tradition démocratique, l’adoption de lois d’exception dont on prolonge ensuite la durée, au motif d'une pandémie par exemple, peut également se révéler problématique. C’est tout ce que je dis.
Ce texte paraît aussi sur mon blog : www.langue-bretonne.org
S'il y a une nouvelle vague de Covid-19 en septembre ou en octobre, le risque est grand en effet d'un pouvoir autoritaire à Paris et ailleurs dans notre vieille Europe. Si la France, ruinée,disparaît corps et biens, ce n'est pas impossible, il restera la Bretagne à cinq, notre Bretagne de coeur.
Quand on publie des écrits qui dérangent et qu'en plus, on est capable de les argumenter et donc de les défendre, ils ne restent au camp d'en face, que la rumeur et la suspicion pour noircir la réputation.
Il leur suffit d'attendre la première petite pépite que l'on pourra décontextualiser et interpréter à l'extrême....
Il t'a donc été décerné Ollivier une médaille de plus....Preuve de ton efficacité....
Et donc tout notre soutien pour la suite,....
Au plaisir de continuer en ta compagnie, grâce à tes arguments et écrits , la réflexion sur l'avenir d'une Bretagne enfin émancipée...
Bevet BREIZH
Je n’ai pas lu l’article de Fañch Broudic, et jusqu’à ce jour, j’ignorais jusqu’au nom de Carl Schmitt (1888-1985), penseur politique allemand, et membre du parti nazi en 1933 avant de s’en faire écarter en 1936.
En restant dans le contexte de la tourmente nazie (abréviation courante de Nationalsozialismus, faut-il le rappeler?), je propose de vérifier sur un autre exemple. On verra le paradoxe qui peut en résulter.
L’exemple est celui de Martin Heidegger (1889-1976), philosophe, membre du parti en 1933, mais démissionnaire dès 1934.
La wikipedia (en français) consacre d’ailleurs à chacun de ces deux auteurs une fiche volumineuse.
Il se trouve que j’ai suivi ,à l’âge adulte, un cursus sur Heidegger, présenté comme le plus important penseur sur la question du temps...depuis Aristote ! Rien que çà !
Voilà donc un homme – Heidegger - qui émerge comme un géant sur vingt-trois siècles de réflexion humaine mondiale (son influence dépasse la seule sphère « occidentale », et s’étend jusqu’au Japon), mais dont l’image est ternie par le contexte historique dans lequel il a vécu (période de l’Allemagne nazie).
De ces journées de conférence, je suis sorti perplexe. Ou bien je n’avais rien compris du tout, ou bien j’avançais d’un grand pas sur la problématique visée : le temps. Plusieurs décennies après...voici ce que j’ai retenu...et où j‘en suis arrivé :
Passé et futur sont des perspectives psychiques – utiles, là n’est pas la question – mais qui ne rendent pas compte du réel, en son ultime profondeur. Seul le présent est. Le présent, cet autre nom de l’Eternité (là, c’est moi qui parle), suivant la position de l’observateur : dans la matière ou non.
Tout ceci est compatible avec la démarche scientifique d’une part, avec la démarche de Foi, d’autre part.
Notons aussi que d’autres cultures anciennes (extrême-orient) portent ce point de vue de la réalité du présent (même si, on le sait, le boudhisme est curieusement réfractaire à la notion d’être personnel, ce qui ne simplifie pas le dialogue).
Pour quiconque est habitué à raisonner selon la flèche du temps, considérer le présent uniquement peut surprendre au premier abord. Mais à y regarder de près, cela finit par s’imposer – d’un point de vue existentiel.
Je ne sais si Heidegger – le philosophe vilipendé pour avoir approché un moment le régime nazi, justement honni - a perçu la conséquence de son effort de pensée, et quel service il a rendu au croyant.
Et j’en viens au paradoxe. Ceci intéressera aussi le familier de la langue bretonne, qui sait que l’insolite se cache parfois dans le linguistique.
En hébreu biblique – langue contemporaine du parler celte, et des débuts de la pensée - , il y a vingt-cinq siècles, il n’existe que deux possibilités pour décrire les observations dans un monde qui bouge, deux états: l’«accompli»/ l’«inaccompli». Foin donc de nos temps grammaticaux : passé / présent / futur. J’ai d’abord pensé que la société des temps bibliques n’était pas assez avancée, pour se penser et se projeter en termes de projet. Ceci suppose en effet la prise de conscience, validée par l’expérience, de la capacité à modifier son environnement et ses conditions de vie matérielle.
Mais il y a peut-être, sûrement même, autre chose de plus profond. Une chose est ou elle n’est pas. Un être est ou il n’est pas. Tout être vivant, dès lors qu’il est créé l’est définitivement («accompli»). Heidegger, réputé proche du nazisme (pendant une courte période), nous prépare à rentrer dans la pensée juive. Le voilà le paradoxe!
Ce constat paradoxal devrait rassurer Yvon Ollivier, et intéresser, je l’espère, des lecteurs.
Ar «peurc’hraet» / «an dibeurc’hraet», setu daou zoare d’ober gante evit prederiañ, talvoudus-kenañ evit gouzout piv omp-ni, tud war ar blanedenn-mañ...