Alors qu'on pourrait le croire... En effet l'université d'Angers a organisé en juillet 2011 un séminaire « L'invention de nouveaux territoires ». Vu de Bretagne, ce titre est plus que provocant, puisque le territoire des Pays de Loire s'acharne à s'inventer...
Le sous titre : « dans l'espace laboratoire du Val de Loire entre Tours et Saint-Nazaire », n'est pas anodin. Ce n'est qu'une “boîte à outil intellectuelle” où le Val de Loire étendu artificiellement serait un moyen de plus contre la réunification de la Bretagne. http://www.univ-angers.fr/fr/recherche/actualites/h2s.html du séminaire.
Des universitaires européens participants (de Tübingen, Bamberg, Potsdam, Osnabrück, Bucarest, Roskilde, Timisoara, Cluj, Castellon de La Plana, Valencia, Lisbonne, Novi-Sad) et en France, de Paris et de Lyon, constituent un réseau de recherche en sciences humaines et sociales. Ils ont accepté ce sous titre.
La carte fournie n’offre aucun doute sur le territoire en cause (photo 6, cliquer pour agrandir). Elle se trouve sur le site de la Maison des Sciences de l’Homme de Nantes qui accueillait un atelier : http://www.msh.univ-nantes.fr/27387873/0/fiche___actualite/&RH=ACCUEIL
Deux parties du programme paraissent particulièrement “limite” :
– la table ronde du 19 juillet au matin de titre : « Val de Loire patrimoine de l’Unesco : du projet aux réalités ». Que cela a-t-il pu recouvrir, avec deux modératrices, de Timisoara et de Novi-Sad ? Elles ne sont bien sûr pas personnellement en cause ici.
Le projet on le connaît, il est réalisé depuis 2000. Mais Les réalités ? sont-ce enfin la matérialisation, l’acceptation, l’entérinement définitif de ce prolongement du Val de Loire, qui tient tant à coeur à la Région, pour y englober, y enfermer la Loire-Atlantique avec le château des Ducs de Bretagne, le vignoble nantais qui produit le vin breton de muscadet et les retirer à la Bretagne... ? La manoeuvre est quand même grosse. Elle semble s’affirmer aussi du côté du BRGM (1). Revenons au programme.
– le mercredi 20 au matin : Débat sur « la réforme universitaire française et le développement territorial dans l’Ouest de la France » :
À remarquer que l’Ouest de la France se limite ici à “Nantes Angers Le Mans” (UNAM), un peu court cet Ouest pour débattre, entre gens de la même paroisse... N’y a-t-il pas d’université justement encore plus à l’Ouest ? Rennes, Brest ? Un des modérateurs étant de Bucarest, quel pouvoir a-t-il sinon d’avaliser ce qu’il entend... ? Plus on approfondit, plus un sentiment d’ambiguïté, de malhonnêteté se dégage de cette entreprise... ainsi qu'une certaine instrumentalisation de ces universitaires étrangers, ou de France, mais loin d'Angers.
Cela revient à avaliser, au nez et à la barbe de l'Unesco, un Val de Loire allant jusqu'à l'Océan. "un paysage culturel évolutif et vivant de 280 kilomètres de long" ? comme écrit dans Géosciences sous les plumes rapprochées de Jacques Auxiette et François Bonneau (PDF4).
Raccrocher l'estuaire au Val de Loire ? « Aucun géographe sérieux ne pense que l'estuaire de la Loire, qui commence en amont de Nantes, puisse faire partie du Val de Loire. Celui-ci a d'ailleurs été défini avec précision par l'Unesco », proclame-t-on du côté de Pornichet (courriels privés à ABP).
On se souvient que la question a déjà été déboutée – après l'affirmation que le Val de la Loire va jusqu'à l'Océan – par la prompte répartie de l'Unesco sollicité par Bretagne Réunie:.. ( voir notre article ) et ( voir notre article ) par exemple.
Alors quid de cette insistance à réaffirmer une donnée fausse ? En la faisant, qui plus est, appuyer par 12 universités européennes...
La géographie, l'histoire, la culture, l'économie, au moins, sont les bases d'un territoire. Même si le président de la région Pays de Loire est un grand spécialiste de la réécriture de l'histoire, il ne pourra pas réécrire la géographie. En tout cas pas tout seul. La géographie ne peut pas se réinventer. Est-ce sous l'influence du président de région (originaire de la région Centre, il réside maintenant à Angers) que l'université de cette ville a organisé et accueilli ce séminaire ? La Loire-Atlantique est largement inscrite au programme : tables rondes, visites. Jusqu'à Saint-Nazaire.
De Saint-Nazaire, la population avertie proteste depuis longtemps contre la volonté de créer, dans l'ancienne usine élévatoire – l'usine de pompage qui approvisionnait autrefois le bassin en eau – et avec le soutien du port “autonome”, un Centre d'interprétation de l'Estuairequi vise à montrer que le passé et l'avenir de Saint-Nazaire sont liés au Val de Loire, à “l'axe ligérien”, de Montsoreau à l'estuaire. Le conseil municipal a validé le lancement d'un « projet scientifique et culturel ».
C’est encore un avatar de « la volonté d'accrocher à toute force l'estuaire de la Loire au Val de Loire ». http://www.saintnazaire-infos.fr/usine-elevatoire-dediee-a-l-estuaire-le-projet-lance-23-43-810.html qui précise : « Une convention de partenariat sera signée entre la Ville, le Grand Port maritime, propriétaire des lieux, et la Région pour le financement de l'étude dont le coût s'élève à 60.000 €, pris en charge pour moitié par la Ville ».
De Pornichet, un lecteur d'ABP affirme avec force « Ce Val de Loire [étendu] n'est pas une arme de la région vichyste contre la Bretagne, c'est une machine de guerre contre l'identité bretonne et la réunification...».
Les universitaires pro Pays de Loire – dont l'université de Nantes ne manque pas – et les médias pensent que ça peut passer, tellement c'est gros. Mais c'est sans compter “à l'international”, où justement les Bretons peuvent les contrecarrer comme le font magnifiquement l'équipe de juristes de Bretagne Réunie et de l'Institut Culturel de Bretagne. Cela a été très bien rappelé à Kemper lors de la cérémonie de remise des Colliers de l'Hermine, d'ailleurs.
Du côté de Pornichet on déclare encore « Comme nous avons “mobilisé” les juristes bretons, nous devons mobiliser les géographes bretons pour faire pièce à ces géographes pays-de-loiriens. Il n'est pas normal non plus que des politiciens épaulés par des “universitaires” veuillent “réformer” la géographie ».
« Les historiens et géographes doivent aussi mettre en avant l'estuaire de Loire, qui est fondateur dans la naissance de la Bretagne aux VIIe et VIIIe siècles, ainsi que dans sa renaissance au Xe siècle, quand Alan Barbe Torte refonde la Bretagne souveraine à partir de l'estuaire – il débarque à Pornic pour chasser les Vikings » affirme-t-on du côté de Saint-Nazaire, où l'on connaît et où l'on s'intéresse à la vraie histoire de la ville.
« Pour la géographie, l'estuaire est essentiel dans l'histoire maritime de la Bretagne : on en parlera le 8 octobre au colloque de l'Institut Culturel de Bretagne “Bretagne-Pays de Galles au coeur de l'Arc Atlantique” » ajoute Hubert Chémereau chargé de mission à l'ICB.
PDF 4 : Jacques Auxiette, président de la région Pays de la Loire et François Bonneau, président de la région Centre sur la Loire ont coécrit un article sur le rôle de la Loire dans leurs régions. Ils sont chacun leur tour président de la Mission Val de Loire, patrimoine mondial de l'Unesco. Géosciences n°12, décembre 2010.
Maryvonne Cadiou
(1) La manoeuvre semble s’affirmer aussi du côté du BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) dans le numéro 12 de Géosciences (décembre 2010), entièrement sur la Loire, où Jacques Auxiette a co-signé un article Éditorial Mission Val de Loire, avec François Bonneau.