Après l'album « Son Elena - ballades e Breizh » , paru en juillet 2011, que nous vous avions présenté et formellement recommandé sur nos pages en ligne (voir notre article (voir le site) ), voici le deuxième disque de Nolwenn Monjarret, au chant et Philippe Le Gallou, à la guitare.
Titré : « Ar Roue Pri - Le Roi d'Argile » , nous redécouvrons, sur ce nouvel enregistrement, avec un immense plaisir et même délectation, les sonorités raffinées des cristallines ou rondes mais toujours magiques cordes pincées de Philippe qui se conjuguent, finement et courtoisement, avec la limpide modulation de la profonde et chaleureuse voix de Nolwenn.
Au ravissement de retrouver ces deux excellents et virtuoses interprètes vient s'ajouter celui d'écouter, également, sur 5 titres de ce disque, l'une des voix les plus connues de Bretagne, cette légendaire tessiture au timbre si spécifique, celle du très célèbre chanteur breton, véritable ethnomusicologue qui participe, depuis de longues années, au renouveau, à la conservation et à la transmission du patrimoine musical traditionnel en langue bretonne… MonsieurYann-Fañch Kemener !
En effet, celui qui, dès l'âge de 20 ans remporta le premier prix du « Kan Ar Bobl » (1), est, comme le précise la jaquette labellisée Coop Breizh, l'invité de Nolwenn et de Philippe.
Quoi de mieux pour magnifier une « interprétation de chants traditionnels de Bretagne » , qui sous-titre « Ar Roue Pri » .
Lorsque nous avons reçu ce disque, la très gentille missive manuscrite de Philippe qui accompagnait ce nouvel opus se terminait, en référence au premier enregistrement paru, cité plus haut, par : « En espérant que celui-ci vous plaise, également » .
Soyez, immédiatement, rassuré, cher Philippe : votre disque est un bijou où la qualité mélodique et d'interprétation, omniprésente, apporte authenticité, chaleur, sérénité et intimité.
C'est une belle veillée aux bûches rougeoyantes de vos trois talents.
Ce joyau musical et vocal est en parfaite adéquation avec l'écrin de la « classieuse » jaquette réalisée, à Rennes, par Art terre.
Dès les premières notes de la première plage, « Va dous Annaïg » , les enjôleuses « spires mélodiques » guitare-voix de ce traditionnel qui appartient aux mélodies de basse Bretagne, nous invitent, délicatement, à réserver à ces artistes une écoute, plus qu'attentive. Le charme opère d'emblée.
Yann-Fañch Kemener « apparaît » , dès le deuxième titre « Gwahan Mesher. Le pire métier » , un chant sur le thème de la courte paille qu'il a, lui-même, collecté dans les années 70.
Nous attendions, avec une légitime interrogation, la confrontation des deux voix aux timbres si différents… force est de constater qu'elles s'harmonisent, parfaitement, au point de créer une « troisième voix » lorsque, qu'après les « parties de chacun » , elle fusionnent, admirablement, en une harmonique subtile.
Ce CD est, décidément, un lieu de rencontre et de diversité de talents. Arrangé par Philippe Le Gallou, n'a-t-on pas la bonne surprise d'entendre sous le titre éponyme « Ar Roue Pri » , l'une des « chansons de peine » , un texte signé de Pierre Jakez Helias, mis en musique par… Michel Magne, le célèbre compositeur de musiques de films et de feuilletons télévisés des années 60 et 70 ?
Puis, un très bel instant musical vous attend lorsque l'uilleann pipe de Peter Merbeth vient amplifier « les pleurs de la jeune épousée » dans « Komans e ra en iliz glubein » , allant jusqu'à « chanter » en parfait duo avec Nolwenn, au cœur de ce traditionnel vannetais interprété, dans une version collectée en 1952, par Polig Monjarret. Peter Merbeth, à l'uilleann pipe et low whistle, a vécu une expérience musicale de 25 ans qui l'a amené de la musique baroque vers la musique irlandaise. Flûtiste, habitué des sessions d'Irlande et de Bretagne, il est surtout un joueur de uilleann pipe renommé. Ses talents d'arrangeur et ses qualités de musicien le conduisent, aujourd'hui, à participer à de nombreuses formations : Diroll, Gilles Servat, Paddy Wack…
Le programme de ce disque est très bien conçu, car il évolue, au fil des titres, avec des sonorités nouvelles éliminant tout risque de récurrence ou de lassitude.
Beaucoup d'entre-vous seront heureux de retrouver, Yann-Fañch, en solo, accompagné par la guitare du véloce Philippe Le Gallou. Ce sera avec « Madame La Frontière » , qui s'inspire d'un fait meurtrier bien réel que nous vous laissons le soin de découvrir.
Puis vient, une nouvelle fois, un instant différent, avec le très bel instrumental, « La Marche de Pluvigner » , joué et arrangé par Philippe Le Gallou que le guitariste tient du collecteur et violoniste Pierrick Lemouqui, lui-même, le tient de Jorj Bothua, sonneur et renommé facteur de cornemuses, binious kozh et bombardes. C'est ça la transmission… clef de la pérennité !
Les acteurs de cette chaleureuse et intime veillée, sont à cette étape de l'article, tous présentés.
A vous de découvrir, au gré des autres plages :
- un enlevé laridé vannetais, « Ha pe oen bihan, bihanig » où Nolwenn et Yann-Fañch excellent,
- « Marivonig an Dourduff » une mélodie collectée par Polig Monjarret en 1949 et enregistrée par son épouse Zaïg que Yann-Fañch avait gravée sur son magnifique album « Enez Euza » sur les notes du piano de Didier Squiban,
- le seul texte en français, avec un chant des métamorphoses de Loire-Atlantique, « Voici fleurir les roses du doux printemps » , présent au répertoire de Gérard et de Jacqueline Hautebert du groupe haut-breton de Nantes, « Les Tréteaux du Terroir » ,
- « Deut ganin man da ma bro » , un collectage de Yann-Fañch, durant lequel, une nouvelle fois, les voix de Nolwenn et du chanteur, se répondent et se conjuguent, remarquablement.
Après une fort belle et, disons-le, plus contemporaine composition de Phlilppe Le Gallou, où guitares et uilleann pipe se partagent une partition rythmée, il est intéressant de découvrir, en anglais cette fois, un très bel hommage à l'Irlande et à Luke Kelly, chanteur des Dubliners, décédé à Dublin, en janvier 1984. Selon l'arrangement du disparu, l'hommage est magnifiquement chanté par Nolwenn accompagnée de la guitare de Philippe et le low-whistle de Peter Merbeth.
Une mélodie vannetaise chantée par Nolwenn et Yann-Fañch conclut cet album de 13 titres qui manque, nous en sommes convaincus, à votre discothèque !
Nous vous invitons à y remédier, car ce disque est beau, intéressant, pédagogique puisque nous transmettant des us, des coutumes, des faits du passé. Témoin des racines, il est attachant par son intimité, fort bien réalisé et judicieusement articulé.
Gérard Simon
Pour écouter 4 extraits du CD, rendez-vous sur notre page de Culture et celtie, le MAGazine...
Note
(1) Le « Kan ar Bobl » se traduit par « Chant du peuple » .
Créé en 1973, sur une idée de Polig Monjarret, par le Festival interceltique de Lorient, ce concours de musique bretonne se tenait, autrefois, au Palais des Congrès de Lorient.
Depuis 1993 il est organisé à Pontivy après des sélections qui ont lieu dans les différents pays bretons.
01 - Va dous Annaïg (3:33)
02 - Gwahan Mecher (3:51)
03 - Ar Roue Pri (02:36)
04 - Komans e ra en iliz glubein (4:13)
05 - Madame La Frontière (6:07)
06 - La marche de Pluvigner (2:32)
07 - Ha pe oen bihan, bihannig - Laridé - (4:52)
08 -Marivonig an Dourduff (4:10)
09 - Voici fleurir les roses du doux printemps (4:22)
10 - Deut ganin man da ma bro (3:31)
11 - Son Isabella (2:45)
12 - I was walking in the dew (3:32)
13 - Ar meliner ieùank (5:00)
Titres 2, 5, 7, 10, 13 : chantés avec Yann Fañch KEMENER
CD "Ar roue pri. Le Roi d'Argile "
Parution : novembre 2013
Edité chez : Coop Breizh - (voir le site)
Réf : 6115489
© Culture et Celtie