Jeudi 9 juin. Congrès des villes moyennes. Quimper.
Le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand est interrogé par les élus locaux. Naïg Ar Gars, conseillère régionale UDB pose la question de la place des langues régionales dans la politique culturelle française. Politique jugée «trop parisienne» par l'élue autonomiste s'appuyant notamment sur le dernier rapport de la Cour des Comptes qui parle d'«une politique culturelle de plus en plus parisienne, s'agissant notamment» poursuit-elle «des musées mais aussi des fonds culturels alloués en général; au patrimoine et aux équipements culturels situés “en province”, comme on dit dans certains milieux parisiens.»
«Pour vous répondre tout de suite, première chose, je lis quelque fois ça et là que je serais réticent à l'égard des langues... mais en aucun cas, en aucun cas... je suis au contraire très attentif à cette question. Je peux vous dire que lorsque je fais des déplacements en Corse ou en Bretagne comme aujourd'hui je prends la mesure de la question. Je dois vous dire aussi que je prends la mesure de la question lors de mes déplacements en Outre-mer car l'Outre-mer est un domaine dans lequel l'action culturelle a été, par période me semble-t'il, un peu négligé. Et là aussi je vois le réservoir extraordinaire de langues qui se trouvent. Je ne parle pas de la Guyane où il y en a 27, mais je pense par exemple au créole, à la Martinique et à la Guadeloupe et je précise que dans la mesure où le but est d'arriver à une harmonie entre les langues régionales et la langue française proprement dite, j'ai engagé un plan de traduction en créole des principaux chefs-d'oeuvre de notre littérature de manière à ce qu'il y ait un véritable pont entre les deux. Et moi je vois la question des langues régionales dans le cadre d'un contexte plus large. Qui est de veiller d'abord à ce que, dans notre pays, il n'y ait pas une masse importante d'enfants et d'adolescents qui sont à l'école sans plus parler notre langue et que, par ailleurs, une manière d'aborder notre langue et de se sentir confortable en quelque sorte, excusez-moi cette familiarité, avec la langue de ses ancêtres voire de sa famille. Donc je ne vois pas du tout de différence entre les deux. Il n'y a pas un combat pour la langue et une combat pour les langues. C'est comme ça que je vois les choses. Et ne croyez pas qu'il y ait de ma part une réticence, il n'y en a pas».
«Deuxième chose que j'observe, d'une part les langues régionales sont inscrites au texte même de la Constitution, mais que évidemment quand on présente cet argument,on considère que ce qui est inscrit dans la Constitution, peut être aussi accompagné par un certain nombre de textes réglementaires et de textes de loi. Je vous précise que dans quelques semaines, je soutiendrai, à l'Assemblée Nationale, un texte de loi à ce sujet... qui permettra un certain nombre d'avancées auxquelles je pense que vous serez sensibles».
«La troisième chose que je voudrais dire c'est qu'il ne faut pas toujours demander tout à l’État. L'une des raisons des difficultés que rencontrent certaines langues régionales c'est qu'on en les parle plus dans la famille. Et que quand les enfants arrivent dans les écoles ou qu'ils suivent la filière de la langue régionale à laquelle ils sont attachés, ils apprennent cette langue comme si c'était une langue étrangère ce qui n'était pas le cas il y a 30 ans ou 40 ans. Et donc... d'une part, moi je suis tout à fait partisan que l’État et notamment le ministère de la Culture et de la Communication qui a la main sur cette question notamment, fasse la part du chemin qui est nécessaire et qui est légitimement demandée par les défenseurs des langues régionales et les associations, mais il faut aussi qu'il y ait un véritable travail sur soi, qui soit effectué, de manière à ce que nous puissions marcher d'un même pas».
«Ça c'est une première série de réponses, deuxième série de réponse,le rapport de la Cour des Comptes. Alors que j'ai le plus grand respect pour la Cour des Comptes, qui exerce un contrôle sérieux, quelque fois tatillon - et tant mieux ! - sur l'usage des deniers publics. Mais je dois dire que là en l’occurrence, c'est pas parce qu'il me concerne, mais le rapport qui a été fourni me semble un peu léger, et d'ailleurs il ne me concerne pas parce que dans un rapport fait sur les musées, la seule personne qui n'a pas été interrogée, ça a été le ministre ! Donc je pense que là il y a un petit problème. Ensuite, les neuf musées qui ont été inventoriés sont tous des musées de la région parisienne. Alors je comprends qu'effectivement, lorsqu'on fait un rapport sur les musées de la région parisienne on ait tendance à expliquer que la région parisienne prend tout mais je crois que vous m'avez entendu sur ce que j'ai dit précédemment, moi je fais le contraire donc je ne me reconnais pas non plus du tout dans l'assertion générale de ce rapport. Et puis je constate que ce rapport a pris beaucoup de temps à être rédigé et que peut-être comme ce qui prend beaucoup de temps, la noble assemblée n'était pas si satisfaite que ça de ce résultat et qu'elle a hésité pendant un certain temps avant de le rendre public».
Soulignons que, selon Le Télégramme de vendredi, le ministre de la Culture a déclaré la veille à Brest qu'il ne prendrait aucune initiative en faveur des langues régionales.
Les semaines à venir devraient nous éclairer sur cet étonnant rétropédalage ministériel.