Le journal Ouest-France vient de perdre Didier Pillet, son directeur de l'information
Né à Rouen le 9 septembre 1948, Didier Pillet a fait des études d'histoire avant de rentrer comme journaliste à Ouest-France en octobre 1969. Il a d'abord exercé son métier à Caen, puis à Rennes, à Honfleur, à Lorient et à Quimper avant de devenir en 1984 directeur des informations régionales. Des raisons d'ordre privé l'ont amené à quitter le journal le 31 mars 1989 pour devenir rédacteur en chef du quotidien Le Provençal à Marseille.
En avril 1991, il revenait à Rennes comme rédacteur en chef du journal Ouest France et, à partir de 1997, également rédacteur en chef de l'édition dominicale de Ouest France qui venait de se créer.
À la tête de la rédaction pendant 14 ans, Didier Pillet aurait tenté d'apporter au quotidien sa rigueur, son professionnalisme et aussi sa liberté de ton, dans une maison où, d'après certains, règnait globalement une atmosphère très feutrée, pour ne pas dire un très grand conformisme.
C'est aussi sous la houlette de Didier Pillet que Ouest-France allait prendre la place qu'il occupe aujourd'hui. Devenu, premier quotidien français par son tirage (800.000 exemplaires chaque jour) et son lectorat (plus de deux millions de lecteurs), Ouest France est aussi devenu le premier quotidien francophone de la planète.
En 2005, Didier Pillet allait être remplacé comme rédacteur en chef par son adjoint Jean-Luc Évin tandis qu'était créé pour lui un poste sur mesure de directeur de l'information auprès du P. d-g François-Régis Hutin, aujourd'hui âgé de 78 ans, mais toujours à la tête de ce qui est devenu un des plus puissants groupes de la presse française.
Didier Pillet représentait désormais le journal à l'extérieur, en particulier sur la scène nationale, dans les débats à la radio et à la télévision, en compagnie d'autres grands noms de la presse française. C'est aussi lui qui s'exprimait au nom du journal dans les spots publicitaires diffusés sur les radios au niveau national.
En janvier 2006, il a été chargé de lancer et d'animer le blog de la rédaction http://blog.ouest-france.fr/index.php qui est devenu un des blogs les plus vivants de la presse française (classé dans les 20 premiers blogs francophones). Rejetant absolument le conformisme et la « langue de bois » , Didier Pillet y abordait toutes les questions d'actualité en allant souvent à rebrousse-poil des idées reçues et du "prêt à penser" idéologique, de plus en plus présent dans la grande presse. Beaucoup de militants bretons qui n'avaient pas accès aux colonnes du journal pouvaient ainsi s'exprimer sur le blog de Didier Pillet et parler ouvertement de réunification de la Bretagne, de l'enseignement du breton dans les écoles ou de la nécessité d'une vraie dévolution.
Ce Normand, grand journaliste, homme de bonne volonté et profondément démocrate, avait bien compris la question bretonne. Il faisait preuve d'une lucidité et d'une franchise que reflète son interview de mai 2007 avec le rédacteur en chef de BREIZHmag Erwan Le Courtois co-publiée sur ABP : ( voir notre article ).
Dans un entretien téléphonique avec ABP, Didier Pillet a tenu à préciser qu'il ne partait pas à cause d'un conflit avec la rédaction. "Ce ne sont pas des divergences qui sont à l'origine de mon départ" nous a-t-il dit. "On se quitte et il est trop tôt pour en dire plus".
Il déclare avoir « passé les plus belles années de ma vie à Ouest France à la tête d'une rédaction pleine de talents et de journalistes fiers de leur métier et de leur devoir » .
Arrivé en haut de l'échelle, Didier Pillet affirme qu'il avait fait « le tour du journal et occupé tous les sièges possibles » ce qui faisait qu'il avait décidé d'envisager son futur ailleurs.
Sur la question bretonne, un sujet sensible qui a valu au journal des critiques répétées et dernièrement une pétition, Didier défend Ouest France, affirmant par exemple, que le journal avait publié 2.500 articles sur Diwan uniquement. Il déclare « que les militants sont parfois injustes à l'égard du grand quotidien » car il y a bien une « page Bretagne » mais pas de « page Grand Ouest » . Par contre s'il avoue que certains ont raison de se plaindre d'une certaine compartimentation de l'information, il tient à préciser que le journal ferait 550 pages si tout devait être publié partout.
Didier Pillet a déclaré avoir « des tas de projets » , dont il nous parlera plus tard. Il précise que cela ne sera « malheureusement pas en Bretagne » , une région qu'il aime pourtant énormément.
Philippe Argouarch