Pourquoi je ne signerai pas la pétition de l'UDB…
Oui, je sais, avec un titre comme ça je vais encore passer pour un jamais content et un emmerdeur. C'est pas grave j'ai l'habitude. Avant d'aller plus loin je tiens à préciser que je considère que tous les signataires de la pétition dont je vais parler et tous les militants de l'UDB œuvrent de façon désintéressée et sincère pour l'unité de la Bretagne.
Depuis quelques jours circule sur le net une pétition initiée par l'Union Démocratique Bretonne, elle est ainsi rédigée :
« Nous voulons une Bretagne réunifiée dans son intégrité
Signez l'appel de l'Union démocratique bretonne (UDB)
Les propos du président de la République sur l'identité bretonne de Nantes ne sont sûrement pas dénués d'arrière-pensées politiciennes et mettent manifestement dans l'embarras des responsables socialistes de premier rang, à commencer par le maire de Nantes.
Pour autant, ces propos dans la bouche même du chef de l'État donnent un écho considérable à la question de l'unité de la Bretagne, justifiant le long combat des militants de la réunification.
Mais dans le même temps, la Commission Balladur travaille à une refonte des collectivités locales et un redécoupage des Régions dont il est à craindre qu'elle ne réponde pas à notre exigence d'une Bretagne à 5 départements.
Nous voulons une Bretagne réunifiée dans son intégrité et dotée de pouvoirs semblables à ceux des euro régions, telles la Catalogne, le Pays Basque ou l'Écosse. »
Et certains de bien nous faire comprendre que signer un tel texte c'est beaucoup plus responsable, efficace et pédagogique que les peinturlurages nocturnes sur les bâtiments ou symboles de la région Pays de la Loire.
Une première remarque s'impose, on ne sait pas trop à qui cette supplique s'adresse… Elle réaffirme l'intégrité du territoire breton sur une surface correspondant à 5 départements. Bon ça, ça va…
Elle souligne que les propos du président français ne sont pas dénués de toute arrière-pensée pour mettre le Parti Socialiste dans l'embarras. Et l'UDB de taire que le Parti Socialiste est son principal allié dans les institutions, et qu'il est traversé de contradictions entre partisans d'une Bretagne unie et défenseurs du statu quo (souvent pro départementalistes). Contradictions soulignées avec brio par Romain Pasquier (chercheur à Rennes 2) dans Ouest-France ( (voir le site) ) et dénoncées par Jan Mai Salomon dans une prose nettement moins politiquement correcte ( (voir le site) au nom de la gauche indépendantiste.
Il y exprimait nos craintes quant à l'éventualité d'une refonte territoriale qui noierait la Bretagne dans un grand ouest fumeux ou dans tout autre découpage non respectueux de notre territorialité historique.
Notons que Patrick Mareschal (le champion de la Bretagne unie au PS de Loire-Atlantique où il doit cohabiter avec le très tricolore Joël Batteux) avait d'ailleurs reconnu dans le numéro du magazine « Bretons » sorti fin novembre qu'il ne voyait pas d'inconvénient à ce qu'une future Bretagne réunifiée intègre la Mayenne…No comment… C'est sûr au PS, eux ils n'ont pas d'arrière-pensée… Bon on a des craintes en commun donc… Pas sur que cette pétition éclaircisse le débat avec le PS. Et quitte à radoter, rappelons que les Verts et le PCF (partenaires de l'UDB) votent le budget de la région Pays de la Loire, celui qui sert entre autres à des opérations de propagande afin de débretoniser le pays Nantais.
Le texte précise que les signataires désirent « …une Bretagne à 5 départements…» … Euh bah là… Pas d'accord ! Et je ne dois pas être le seul… Des conseils généraux on en a déjà quatre… Pas besoin d'un cinquième ! Ce dont on a besoin c'est d'une collectivité territoriale Bretonne unique correspondant à notre territoire historique qui est cohérent socialement, culturellement et économiquement ! Une collectivité avec des compétences larges pour construire des nouvelles solidarités, faire face aux défis environnementaux, lutter contre la spéculation immobilière, imaginer un aménagement de l'espace Breton le rendant plus accessible à tous, être représenté en tant que peuple dans les instances internationales pour y défendre nos intérêts et choix économiques…
Yann Rivalain, rédacteur en chef de la très chic et décidément très décomplexée revue « Ar Men » ne dit pas autre chose dans son édito de janvier/février 2009 : « Ne pas saisir l'opportunité de la réunification pour demander l'expérimentation d'un statut spécial pour la Bretagne serait laisser passer une chance historique » …Voilà qui est bien dit.
Cette revendication d'une collectivité territoriale unique dotée de larges compétences (un Parlement quoi !) ferait voler en éclats les contradictions à gauche comme à droite. Si mes souvenirs sont bons les initiateurs de cette pétition oeuvrent en faveur d'une Bretagne autonome…Il serait tant de le réaffirmer !
De plus soyons francs, beaucoup de Bretons (même si ils ne contestent pas les arguments historiques) ne comprennent pas en quoi le retour du pays nantais dans un espace breton changerait leur quotidien. En cas de référendum, le fait de couper la question de l'unité territoriale d'une revendication plus large en faveur d'une collectivité territoriale bretonne unique (qui pourrait rapprocher la démocratie du peuple) laisserait beaucoup de sceptiques dans le camp de l'abstention ou du non.
C'est surtout la fin de la pétition qui m'a laissé pensif : « Nous voulons une Bretagne réunifiée dans son intégrité et dotée de pouvoirs semblables à ceux des euro régions, telles la Catalogne, le Pays Basque ou l'Écosse. »
Prendre le Pays Basque et la Catalogne comme exemple pour parler d'unité territoriale c'est simplement hors propos.
Le Pays basque se divise en 3 entités administratives : la communauté autonome basque (également dénotée « País Vasco » en Espagne), est une communauté autonome espagnole composée des trois seuls territoires historiques d'Alava, Guipuzcoa et Biscaye et qui constituent 72% de la population totale. La Navarre qui représente plus de 50% du territoire, et le Pays basque français inclus dans les Pyrénées-Atlantiques sont les deux autres entités administratives. C'est trouvable sur Wikipedia par n'importe qui et de plus on sait quel conflit interminable est suscité par cette situation. Bref c'est pas un exemple, et le Pays Basque incluant les 7 territoires historiques est celui qui sert de référence à Eusko Alkartasuna (ce parti se veut présent dans tout "euskal herria", le Pays Basque , c'est-à-dire tant les trois provinces basques espagnoles du Guipuzcoa, de Biscaye et d'Alava, la communauté forale de Navarre que l'Iparralde, pays basque français, indique Wikipedia) qui est le partenaire politique de l'UDB au sein de Régions et Peuples Solidaires ! Dommage…
Pour les pays Catalans, c'est encore pire, ils sont divisés en cinq ! - l'actuelle Communauté autonome espagnole de la Catalogne (catalan : Catalunya) ; - la Catalogne Nord (ou Pays catalan), dans le département français des Pyrénées-Orientales ; - la Frange d'Aragon en Aragon ; - l'ancien royaume de Majorque : les îles Baléares (catalan : Illes Balears) ; - l'ancien royaume de Valence : Valence (catalan/valencien : País Valencià ou València).
Et là encore c'est ces Pays Catalans là qui servent de cadre de référence à Esquerra Republicana de Catalunya qui est partenaire de l'Union Démocratique Bretonne au sein de Régions et Peuples Solidaires.
Euro régions ?
J'avoue que je n'étais pas très sûr (comme pas mal de monde sans doute) de savoir ce qu'était une Euro région…Voilà la définition qu'en donne le Conseil de l'Europe :
« L'association des Régions Frontalières Européennes (ARFE) donne les critères suivants pour l'identification des euro régions:
Une association d'autorités locales et régionales d'un côté ou de l'autre d'une frontière nationale, parfois avec une assemblée parlementaire;
Une association transfrontalière avec un secrétariat permanent et une équipe technique et administrative avec ses propres ressources;
De nature de droit privé, basée sur des associations à but non-lucratif ou de fondations d'un côté ou de l'autre de la frontière en accord avec les juridictions nationales en vigueur.
De nature de droit public, basée sur des accords interétatiques, qui s'occupent, parmi d'autres, de la participation des collectivités territoriales. »
Je ne vois pas trop le rapport avec le retour du pays nantais dans un espace institutionnel Breton. Même si bien sûr on peut imaginer ce genre de coopération entre la Bretagne et d'autres autorités ».
Dans la liste des Euro régions disponibles sur le même site : (voir le site) on ne trouve pas trace d'une euro région Basque ou Catalane, encore moins d'une Écossaise.
Je ne suis peut-être pas tombé sur la bonne définition d'une euro région. Peut être l'auteur des lignes de la pétition voulait-il simplement évoquer la nécessité d'une Bretagne réunifiée dotée de compétences larges, d'une taille comparable avec d'autres pays européens parfois moins peuplés que la Bretagne ayant accès à un degré de souveraineté et de démocratie locale plus ou moins aboutit ?
Et bien dans ce cas il fallait le dire tel quel ! Beaucoup de Bretons sont capables de s'entendre dire cela ! Il faut arrêter de tergiverser dans notre façon de communiquer, s'assumer et appeler un chat un chat… Le débat sur le déficit démocratique en Bretagne ne s'en trouvera qu'enrichit, il progressera, ce que, je pense, souhaitent bien des signataires de cette pétition.
« Bretagne = colonie » , écrivaient les militants de l'UDB sur les murs (hou la la c'est pas bien et ça fait pas progresser le débat nous diraient certains maintenant) dans les années 60… Désolé d'être un peu brutal dans mes propos mais il est temps de décoloniser certains cerveaux. Il faut cesser les circonvolutions sémantiques, la Bretagne a changée, les Bretons aussi, ils savent comment s'appelle leur pays.
Il y a quelque temps j'écrivais avec un camarade Basque (Xabi larralde de Batasuna) : «46 % des citoyens de l'Union Européenne vivent dans des espaces locaux disposant de fort pouvoirs législatifs... Ce n'est bien sur le cas d'aucun des peuples sous domination française. Ajoutons à cela que le Danemark, L'Irlande, les trois pays Baltes, la Slovénie (et ce ne sont que quelques exemples) eux sont des états indépendants (par ailleurs membres de l'UE et donc susceptibles de la présider) ayant une population et des territoires souvent comparables (ou inférieur en nombre ou en surface) à celle de ... la Bretagne par exemple, ou encore à la Corse si l'on fait la comparaison avec Malte ou Chypre.... Le débat qui risque fort de traverser de façon centrale les élections de mai 2007 en Ecosse sur l'accession à l'indépendance, le récent accès du Montenegro à cette forme de souveraineté renforcent notre volonté de débattre et affirmer notre droit à décider chez nous de ce qui nous semble bon. Ces quelques faits incontestables viennent éclairer le formidable et sidérant déficit démocratique que nous dénonçons. »
Nous parlions déjà de l'Ecosse, un pays où jamais les partisans d'un Parlement autonome et maintenant les partisans de l'indépendance ne se sont adressé au peuple écossais avec un verbiage régionaliste complexé d'un autre âge. Un pays ou chaque organisation et individu avaient sa place dans une convention en faveur du Parlement hier et aujourd'hui dans la convention pour l'indépendance.
Il n'existe aucun modèle pour trouver notre chemin vers la démocratie bretonne, sans doute toutefois y –t-il dans l'évocation de l'histoire récente de l'Ecosse de quoi alimenter notre réflexion. Le temps est venu de construire une convention pour un Parlement Breton. La forme, le rythme, restent à discuter.
En attendant, je présente mes vœux complices, conspiratifs, rebelles et insoumis aux barbouilleurs qui commencent à avoir des cheveux poivres et sels pour avoir blacké victorieusement des panneaux routiers pour Stourm Ar Brezhoneg ou des TGV pour le DEUG de Breton…Qui osera prétendre que cela n'a pas fait avancer le débat ! ? Je n'oublie pas les plus jeunes dont l'initiative graphique récente provoquera plus de débats publics au sujet de l'unité territoriale de la Bretagne, j'en suis sûr, que la pétition qui m'a fait noircir tant de papier.
Gael Roblin , militant de la gauche indépendantiste.le 09 janvier 2009.