Polig Monjarret est un personnage-clef de la culture bretonne. Son nom mérite d'honorer nos rues, places et bâtiments publics.
Veuillez trouver ci-dessous le courrier adressé aux maires des 24 municipalités de Vannes agglo, communauté d'agglomération du pays de Vannes.
M. le Maire,
A l'instar des municipalités de Plescop, de Lorient, de Quimper, de Carhaix et probablement d'autres encore, nous venons vous transmettre par la présente le souhait de l'association Bemdez de voir attribuer le nom de Polig Monjarret à des rues, places ou encore bâtiments publics des communes de Vannes Agglo.
En effet, c'est pour beaucoup à Polig Monjarret que la Bretagne doit d'avoir conservé sa culture originale et c'est à lui qu'elle doit de vivre cette culture de manière sereine, ouverte et créative. Le musicologue Donatien Laurent écrivait récemment : « Polig Monjarret est la figure la plus marquante du renouveau culturel breton au XXème siècle ».
L'action de Polig Monjarret en faveur de la culture bretonne est unanimement reconnue ici comme à l'étranger. Le travail réalisé a constitué un « label » que s'approprient sereinement aujourd'hui les Bretons, leurs élus, des représentants de l'Etat mais aussi les industriels, entrepreneurs, et aussi bien les sportifs ou encore les artistes et bien d'autres... L'identité bretonne, sous tous ses aspects est présente dans notre quotidien, social, économique et culturel.
On peut définir plusieurs axes dans l'action de Polig Monjarret et constater à chaque fois la suite bénéfique de son action :
• La sauvegarde par le collectage, l'apprentissage et l'émulation, de la musique, des chants et danses traditionnels de Bretagne ainsi que le soutien à la langue bretonne. Puis, rassembler autour de ces projets, le développement de l'associatif, de l'esprit militant, la fierté d'être breton à la place des complexes d'infériorité d'autrefois ;
• L'ouverture vers le monde par les voyages et les échanges de groupes, le développement des jumelages avec différents pays et la création de l'interceltique ;
• Le développement économique, la création d'emplois et la recherche de la reconnaissance des collectivités publiques par le soutien et les subventions aux associations, aux festivals, aux conférences et colloques, à l'édition, aux échanges, aux cours de musique, aux formations diplômantes, etc.
Polig Monjarret, par son charisme, sa force de conviction et l'aspect visionnaire de ses idées a su intéresser et rassembler des milliers de personnes. Ces bénévoles à qui il faisait confiance et qu'il valorisait ont inventé et créé à leur tour, contribuant ainsi par la création de très nombreuses associations à développer et à faire rayonner la culture bretonne. De nombreuses personnalités qui ont fait connaître la Bretagne et sa culture aux quatre coins du monde, ont souvent été formées au départ par les bagadoù (Glenmor, Donatien Laurent, Alan Stivell...) ou influencées par les chanteurs, sonneurs, musiciens ou groupes musicaux bretons qu'ils ont entendus ou marquées par les fêtes, festivals ou événements divers auxquels ils ont assisté.
Voici un résumé chronologique sommaire de l'action de Polig Monjarret :
• les collectages personnels de Polig Monjarret (5000 airs instrumentaux) auprès des derniers sonneurs traditionnels de binioù et de bombarde de Bretagne. La sauvegarde et la mise en place de collectages personnels ou organisés collectivement d'airs instrumentaux et de chants traditionnels ;
• le développement des bagadoù et des cercles celtiques en Bretagne et ailleurs par la création d'associations ou de fédérations devenues importantes (BAS : l'Assemblée des sonneurs et sa revue Ar Soner (le musicien) – Kendalc'h (Cercles celtiques et sonneurs) - War 'l leur (cercles celtiques) ;
• l'incitation à la relance de la fabrication de binioù kozh, autres cornemuses et bombardes [par le luthier Dorig Le Voyer, membre fondateur de la KAV, (Kenvreuriezh ar Viniaouerien, Confrérie des Sonneurs)] à partir du choix d'une tonalité commune (si bémol) ;
• l'organisation de stages pour étudier les instruments, la danse et la musique (camps-écoles à l'époque) avec enseignement du solfège, l'édition de méthodes et de partitions, le travail avec Jef le Penven, censeur musical de la BAS, la découverte des styles et terroirs ;
• l'incitation à s'intéresser à nouveau aux instruments, à la danse et à la musique de Bretagne par la création des premiers spectacles de musique et de danse; (en utilisant les associations, les publications, les stages, les publicités). Par les défilés de sonneurs partout dès que possible, (kermesses, hospices, écoles, rues, foires, places de village, au sein de concerts, etc)... afin de montrer les sonneurs, de les faire entendre le plus possible pour faire des émules ;
• la relance du couple binioù kozh – bombarde et des anciens concours sous la forme de championnats (1949) ainsi que la création du championnat des bagadoù afin de susciter une émulation chez les sonneurs et futurs sonneurs ;
• la participation à la relance par Loeiz Ropars du fest-noz et du kan-ha-diskan ;
• l'incitation à la création bretonne dans différents domaines par la connexion entre les créateurs bretons de l'époque, écrivains, poètes, historiens, archéologues, musicologues, artistes-peintres, orfèvres, joaillers, céramistes, illustrateurs, brodeurs, designers de meubles, créateurs de vêtements, sculpteurs, et compositeurs, notamment par la multiplication des commandes (dans le cadre des festivals par exemple) ;
• la relance des anciennes fêtes bretonnes arrêtées pendant la guerre (Pardon de Toulfoën, Fêtes de Pont-Aven, Fêtes de la Saint Loup, Fêtes des Filets Bleus, Fêtes de Cornouaille, etc.) en leur redonnant leur caractère breton (et en remplaçant les chansonniers parisiens) avec le Triomphe des sonneurs, l'Abadenn veur (danse des Mille), la Grande Parade, etc. ;
• la relance des prénoms bretons ;
• l'organisation des quêtes au bénéfice de l'enseignement de la langue bretonne ;
• la création de l'Interceltique (rencontre des pays ayant gardé l'usage d'une langue celtique et plus largement des pays qui ont conservé un caractère ou une conscience celtique) et l'invitation des premières délégations des pays celtiques. (Voir vidéo : « INA Grandes Fêtes de Cornouailles 1950 ») ;
• la création de très nombreuses fêtes (73 en tout dont 51 en Bretagne) dans les villages, petites et grandes villes, dont le Festival Interceltique de Hyères (Carhaix) en 1949, la Fête des Cornemuses de Brest (1953), qu'il transfèrera à Lorient (1970) où elle deviendra le Festival interceltique de Lorient) ;
• l'échange de groupes de musiciens et danseurs bretons avec des formations de nombreux pays (un peu partout en Europe : en Scandinavie, dans les Balkans, en Europe Centrale ; et en Afrique noire) ;
• à partir des années 50, de par la présence de groupes bretons en concert et de par les nombreux contacts pris, l'incitation au collectage et à la sauvegarde des musiques et cultures traditionnelles, à la création de festivals (Conseils techniques à Henri Desaphie en 1958 à Confolens, festival qui a permis la création du Conseil International des Organisations de Festivals de Folklore et d'Arts Traditionnels ; à Michèle Fromenteau à Saint Chartier), aide à des groupes et à l'ouverture de Conservatoires Régionaux de musiques Traditionnelles préparant les esprits au mouvement folk des années 60-70 ;
• la création d'une centaine de jumelages entre la Bretagne et l'Irlande ainsi que la création du Secours Populaire Interceltique ;
• la naissance du Kan ar Bobl destiné à valoriser le répertoire traditionnel, l'interprétation, la création musicale et la découverte de nouveaux talents ;
• l'incitation par la demande de parents et d'élèves à l'enseignement des instruments traditionnels dans les écoles de musique et les conservatoires dont a découlé la mise en place de diplômes nationaux de pratique d'instruments traditionnels ;
• la construction du Conservatoire Régional de Musique, Chants, Danses et sports traditionnels de Bretagne à Amzer Nevez en 1981.
Il serait trop long d'énumérer précisément toutes les actions visionnaires qu'il a menées en faveur de la culture bretonne. Décoré tout jeune des palmes académiques et couronné du mérite civique, il s'avère que l'Etat a continué à reconnaître ses œuvres et actions par la suite. Par ailleurs, il serait vain de résumer ce travail à cet héritage car il s'agit du réveil d'une véritable conscience bretonne, faisant aujourd'hui notre fierté.
L'impact de cette image bretonne qu'il a patiemment façonnée est incalculable. La lisibilité de ce véritable label breton a dépassé largement les frontières. Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que votre municipalité compte parmi les villes bretonnes reconnaissantes de l'œuvre de ce grand homme, en lui rendant ainsi l'hommage qu'il mérite.
A l'avance, nous vous remercions de l'intérêt que vous porterez à cette demande, et nous vous prions de croire, Monsieur le Maire, en l'expression de notre considération distinguée.
Pour Bemdez,
Bertrand Deléon.