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- Communiqué de presse -
Le cauchemar d'Icare et la mégalopole Rennes - Nantes
Le cauchemar d'Icare et la mégalopole Rennes-Nantes. Un aéroport… La façon dont les engagements du Grenelle de l'environnement sont moqués révèle que les bonnes intentions sont éphémères. Alors que Nicolas Sarkozy avait annoncé le gel des autoroutes et aéroports, deux notables politiquement opposés s'associent pour fortifier leurs carrières et récolter la vanité des prestiges supposés naître des grandes réalisations auxquelles leur nom pourrait être associé
Par Jean Yves Quiguer pour Mouvement fédéraliste de Bretagne le 12/02/08 12:26

Un aéroport…

La façon dont les engagements du Grenelle de l'environnement sont moqués révèle que les bonnes intentions sont éphémères. Alors que Nicolas Sarkozy avait annoncé le gel des autoroutes et aéroports, deux notables politiquement opposés s'associent pour fortifier leurs carrières et récolter la vanité des prestiges supposés naître des grandes réalisations auxquelles leur nom pourrait être associé.

Jean-Marc Ayrault, grand pourfendeur devant l'éternel de la politique de François Fillon, qui n'a cesse de l'interpeller vivement dans le grand théâtre de l'Assemblée Nationale, contacte le Premier ministre et les deux compères s'accordent sur la construction de l'aéroport du Grand-Ouest à Notre-Dame-des-Landes.

Le second vient pourtant d'annoncer que la France est en faillite, relayé dans ses propos par le président de la République qui, dans sa conférence de presse du début de l'année, n'a pas hésité à parler de caisses vides.

La justification de la dépense pour ce projet n'est pas incertaine : elle est totalement inexistante. Et trouver 500 millions d'euros au bas mot, sans les infrastructures routières et ferroviaires, dans des caisses vides relève de l'exploit.

En juin 2006, Le Mouvement Fédéraliste avait déjà communiqué sur ce cauchemar d'Icare ( voir notre article ).

En deçà de 800 Km, le TGV est plus performant, plus rapide, plus régulier, plus sûr et beaucoup moins polluant. C'est pour ce motif qu'il n'y a plus de ligne aérienne Paris-Bruxelles !

Le transport aérien est devenu une activité de marché, alors qu'il était étroitement régulé, dans le cadre d'économies nationales. On a vu se multiplier les fréquences et diminuer l'emport moyen.

En 2002, sur les vols réguliers commerciaux l'emport moyen était de 38 pax/aéronef à Nantes Atlantique (passagers par vol). À titre indicatif, il est de 79 à Toulouse/Blagnac.

Ces vols représentent 85 % des mouvements et 67 % des passagers. 75 % de la clientèle est originaire de la Loire-Atlantique (65 %) et de la Vendée (10 %)

Certes il y a les vols vacances, emport moyen : 124 pax/aéronef, mais ils ne représentent que 15 % des mouvements et seulement 33 % des passagers. La baisse du niveau de vie, la modification du niveau des retraites et pensions dans un futur proche ne plaident pas en faveur du développement des vols charters.

L'accueil à prix fort de compagnies low-cost ne présente pas que des avantages. Ces compagnies à la recherche de profits immédiats sont très volatiles, socialement contestables et leurs bases de développement reposent sur la minimisation des contraintes.

Avec 2 millions de passagers, Nantes-Atlantique est très loin de la saturation qui serait atteinte aux alentours des 4 millions. L'UCCEGA, Union des Chambres de Commerce et Établissements Gestionnaires d'Aéroport, prévoit 3 millions de passagers à l'horizon 2020.

L'argument qui consiste à brandir le spectre de la saturation est fallacieux. Le caractère clientéliste des études aboutit à ce que le donneur d'ordre obtienne ce qu'il veut entendre. Les responsables d'ADP avaient anticipé la saturation d'Orly à 9 millions de passagers, il en est passé 30 millions, il en passe aujourd'hui 25 millions. Où est l'erreur entre les 9 millions pour la saturation d'Orly et les 25 millions qui passent aujourd'hui ? Essentiellement sur l'emport moyen puisqu'on raisonnait sur un nombre de 50 passagers par avion. Sur la capacité à terme de Nantes-Atlantique, la question principale est toujours l'emport moyen sur lequel on raisonne. Or cet emport est extrêmement bas. On doit raisonnablement s'attendre à une baisse d'activité de Nantes-Atlantique.

La baisse du pouvoir d'achat devient structurelle. La disparition de la classe moyenne se profile dans un horizon très rapproché.

Dans le Livre Blanc européen sur les transports on lit : « L'intermodalité avec le rail doit permettre des gains importants en termes de capacité en transformant la concurrence entre le train et l'avion par une complémentarité entre ces deux modes pour des connexions entre métropoles qui sont assurées par des trains à grande vitesse » . Il existe par ailleurs des accords entre la SNCF et certaines compagnies aériennes, sous la marque « TGV'Air » , visant à développer et faciliter les acheminements intermodaux air/fer. Ces accords permettent la commercialisation d'un billet unique pour la réalisation d'un trajet intermodal via la gare de Roissy Charles-de-Gaulle.

Le créneau des transports low-cost est illusoire et très éphémère.

Le secteur aérien révèle une grande fragilité. Il est très sensible aux évènements extérieurs et dégage une marge moyenne extrêmement faible. La recette unitaire par passager ne cesse de baisser depuis 30 ans, atteignant moins de 9 cents US aujourd'hui contre près de 21 cents en 1970. Le renchérissement du prix du kérosène, l'apparition de nouvelles taxes, la mise aux nouvelles normes environnementales vont générer des coûts.

Qui peut croire que l'actuel niveau des pensions et retraites va se maintenir et que les vols charter vers les Canaries ou l'Afrique du Nord vont rester accessibles ?

Du Grand-Ouest…

« La vraie grandeur consiste à être maître de soi-même » Daniel Defoe (Robinson Crusoë).

François Fillon et Jean-Marc Ayrault utilisent la même rhétorique. Il est question de l'aéroport du Grand-Ouest.

Il faut donc chercher à comprendre de quoi le Grand-Ouest est le nom.

Il ne s'agit pas d'autre chose que d'un puzzle territorial artificiel, d'une construction mentale asservie à l'idée de grandeur et de planification à la française.

C'est une idée assez bouffonne parce qu'en terme de grandeur, le Grand-Ouest demeure lilliputien, mais aussi parce que la taille, en elle-même n'est pas un critère pertinent.

Pour mieux comprendre, il faut se défaire des préjugés et des habitudes de langage. Nous sommes habitués à établir des comparaisons pays par pays, alors que les Etats-nations n'ont plus de rôle à jouer dans l'économie mondialisée.

Kenichi Ohmae, spécialiste mondial de la stratégie économique des entreprises et expert en géopolitique des affaires, surnommé Mr Strategy, précise : "Sous l'effet des flux transnationaux - Investissement, Industries, Information et Individus, les 4 I - l'Etat-nation est de plus en plus réduit à un rôle de figurant sur la scène économique. Ses rigidités structurelles jointes aux pressions qu' il subit de la part des différents groupes d'intérêt le rendent inefficace tant dans la création de richesses que dans leur redistribution. Parallèlement au dépérissement des grands Etats-nations, émergent de nouvelles entités économiques " naturelles " : les états-régions. Ces unités territoriales peuvent se situer à l'intérieur des frontières d'un État - par exemple, la Silicon Valley, Osaka et la région du Kansai - ou chevaucher les frontières politiques - comme la zone San Diego/ Tijuana, Hong Kong et le sud de la Chine, le triangle de croissance Singapour-Johore-Batam, etc. Ces régions sont aujourd'hui les moteurs de la prospérité mondiale."

Le mot anglais region, n'ayant pas le même sens que le mot français région, une confusion s'installe. Évoquer la Silicon Valley en tant qu'État-région a peu à voir avec une région Grand-Ouest. Il ne s'agit pas de la même chose.

On pourrait croire que l'état région de K. Ohmae s'approche de ce qu'Alfred Marshall appelait des districts industriels dans lesquels on trouve des grappes (clusters) de petites entreprises.

Anna-Lee Saxenian a comparé les deux districts les plus célèbres des États-Unis : la Silicon Valley et la Route 128 au Massachusetts. (La Massachusetts Route 128 est une route qui contourne Boston sur sa partie ouest. Le pôle de Boston-Cambridge héberge l'université de Harvard et le Massachusetts Institute of Technology (72 laboratoires). On y trouve des entreprises telles que Digital Equipment Corporation, Data General, Thermo Electron Corporation, Analog Devices, Computervision, Polaroid, Sun Microsystems, BEA Systems, Raytheon).

Les entreprises de la Route 128 sont indépendantes et vivent en autarcie. En revanche, les entreprises de la Silicon Valley travaillent en réseau, en conception- fabrication partagée. Une même firme a un comportement différent selon qu'elle est à Silicon Valley ou à Route 128. Anna-Lee Saxenian cite la firme Digital Equipment, présente dans les deux régions. Il existe bel et bien une donnée locale de la région-réseau.

L'espace n'est donc pas un plan homogène, un contenant prêt à recevoir n'importe quel contenu. L'espace est une dimension matérielle des rapports sociaux. L'espace régional est construit et tissé par un passé, une histoire, même s'il est sans cesse remodelé.

Le Grand-Ouest n'a aucune substance. Nos économies, aussi ouvertes soient-elles, restent marquées par une double proximité : proximité dans l'espace et proximité mentale et culturelle.

Ce n'est pas un scoop, mais peu de gens le savent. La Chine est en train de se développer en une entité de forme politique et économique entièrement nouvelle. Le double système chinois, gouvernement communiste centralisé et autocratique, et régime de marché décentralisé est en train de se fondre en seul par un mouvement de décentralisation de l'autorité centrale.

Bien qu'il ne s'agisse pas d'une décentralisation démocratique, l'est-elle en France ? La plupart des décisions sont aujourd'hui prises au niveau des états-régions semi-autonomes et autorégulés qui se font une concurrence acharnée.

Ce sont les régions les plus petites qui bénéficient du taux de croissance le plus élevé : Shenzen, Shangai, Dalian, Tianjin….. en comparaison avec la Mandchourie, par exemple.

La tentation de la Mégalopole

L'aéroport de Notre-Dame des-Landes va permettre à la rivalité Rennes-Nantes de s'estomper. Nous allons tout droit, à marche forcée, vers la réalisation d'une conurbation dont la Bretagne pourrait faire l'économie.

Il n'y a que 60 kilomètres ente la commune d'Orgères (Rennes-Métropole) et la commune de Saffré (aire urbaine de Nantes)

Sachant que la population se développe autour des grandes villes et que c'est le solde migratoire qui est le moteur de la croissance démographique bretonne, on doit craindre une accélération du phénomène. Les projections démographiques de l'INSEE établies en 2001 ont formulé des hypothèses qui ne correspondent pas à la réalité. Le nouveau scénario central retient 200 000 habitants de plus à l'horizon 2030. Il sera aussi très en-deçà de la réalité.

Du nord de Nantes au sud de Rennes la pression foncière va s'intensifier, accélérant la perte de territoires agricoles. Déjà entre 1989 et 2006, la perte annuelle de terres agricoles atteignait 3 600 hectares. Entre 1992 et 2002, la surface agricole a perdu 82 000 hectares.

Il est, hélas, certain que le type d'urbanisation correspondra à la construction de logements individuels, excessivement consommateurs d'espace et destructeurs de la biodiversité. Le logement individuel est 10 fois plus consommateur de foncier que le logement collectif. En moyenne, 1 100 m² pour une maison contre 100 m² pour un appartement. Il faut ajouter le maillage interurbain d'infrastructures de transports, sans compter les voiries et les parcs de stationnement dans les espaces urbanisés.

Dans une Bretagne B5 de 4 300 000 habitants, la Loire-Atlantique et l'Ille-et-Vilaine concentreraient à elles seules plus de 2 150 000 habitants dont 65 % pour la conurbation Nantes-Rennes.

En Europe, il n'existe que deux mégalopoles, toutes les deux très anciennes : Londres et Paris. Où sont aujourd'hui les Bretons qui ont critiqué Paris, son excessive concentration, sa suprême et son insolence, sa démesure ?

La capitale économique du bloc Europe n'est ni Londres, ni Paris : c'est Franckort, et ce n'est pas une mégalopole.

Le développement de l'Allemagne ignore la métropolisation.

Aux États-Unis il n'y a que deux mégalopoles : New-York-New Jersey et Los Angeles.

Des paradigmes bretons

Il ne suffit pas de parler de la Bretagne. Encore faut-il en parler avec la singularité bretonne.

Il est affligeant de devoir constater que la nature des études supérieures importe peu car, quelle que soit la matière, le formatage des esprits est efficace. Géographes, économistes vont parler de la Bretagne en pensant France, avec les mêmes réflexes : un mimétisme parfait.

Paris est grand, alors il faut une grande capitale pour la Bretagne. Paris a Roissy, alors il faut l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Rappelons que la capitale de l'état de New-York n'est pas New-York City, mais Albany. Que la capitale de l'Illinois n'est pas Chicago, (Chicago Métropole : 9 200 000 habitants) mais Springfield (116 000 habitants)

Il convient aussi de tenir compte des complémentarités, à la fois infra-régionales comme extra-régionales.

Nous pensons comme Pierre Veltz, que « l' écosystème relationnel, à la fois interne et externe, est devenu le facteur-clé de la performance » . Ceci est « démontré par l'existence de différences surprenantes de performance, y compris de performance-coût entre des unités dont les dotations en facteurs de production, en qualité et en quantité, sont très voisines ».

Le territoire est à l'évidence un fournisseur privilégié de ces ressources relationnelles.

Il s'agit dès lors de travailler à la bonne échelle. Et l'échelle de la Bretagne correspond parfaitement à ce qui se passe en Europe, à condition de ne pas s'enfermer dans une introversion localiste et de multiplier les diversifications.

Ce n'est pas dans un aéroport qui sera affaibli par la concurrence du TGV qu'il faut investir, mais dans nos ports et notamment dans un site portuaire capable de capter des flux internationaux de fret, de les redistribuer par feedering et par une desserte terrestre qui s'enfonce au cœur de l'Europe.

Le 12 janvier 2008
Jean-Yves QUIGUER Président du Mouvement Fédéraliste de Bretagne

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Cet article a fait l'objet de 1035 lectures.
Le Mouvement Fédéraliste de Bretagne plaide et milite pour l'adoption d'une architecture fédérale en Bretagne, en France et en Europe. Membre de l'Union des Mouvements Fédéralistes (UMF), il défend le concept de fédéralisme contractuel dans le cadre des institutions et celui du fédéralisme intégral dans le cadre de la société. LE MFB n'adhère pas à l'idée d'une fédération d'états-nations qui n'est qu'une forme de confédération conduisant aux mêmes échecs que l'actuel état-nation dont nous allons prochainement porter le deuil. C'est ce qui justifie un fédéralisme inspiré de la doctrine contractualiste en opposition avec la doctrine étatiste. Ce qui est bon pour le tout, l'est aussi pour les parties. Il ne saurait exister de fédéralisme européen sans un fédéralisme local, d
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