J’ai d’abord pensé, M. le président de la République, qu’il s’agissait d’un canular fabriqué par ce que l’on appelle aujourd’hui « l’intelligence artificielle » . Une vidéo bidouillée si vous préférez. Puis non c’est bien une déclaration authentique, produit de l’inintelligence. (1)
Cette déclaration en tant que président de la République devant l’Académie française, au cours de laquelle vous avez parlé de la langue française, semble être le produit d’une vision vieille de plus de 200 ans. On croyait avoir progressé depuis…mais non. Il est vrai que vous aviez déjà eu l’occasion de faire quelques sorties pittoresques sur le sujet depuis votre arrivée à l’Élysée.
J’ai cru, à vous écouter, entendre les condamnations à mort prononcées par l’Abbé Grégoire et par le député Barrère devant la Convention en 1794 ; ces deux là voulaient anéantir les «patois» . Auraient-ils imaginé que leur propos auraient, deux siècles plus tard, un héraut (2) aussi prestigieux que vous ?
Barrère disait, en parlant de nos langues, qu’elles étaient des « jargons barbares » et aussi des « idiomes grossiers qui ne peuvent plus servir que les fanatiques et les contre-révolutionnaires ».
Grégoire avait, comme vous, réponse à tout à propos de sa volonté d’anéantir toutes les langues différentes du français ( il ne parlait pas de langues mais de patois comme vous). Il disait : « Je crois avoir établi que l’unité de l’idiôme est une partie intégrante de la révolution ; et dès lors plus on m’opposera de difficultés, plus on me prouvera la nécessité d’opposer des moyens pour les combattre » . En clair plus on me dira que je pourrais avoir tort plus je penserai que j’ai raison. Voilà qui était une démonstration éclatante de tolérance. La faites-vous vôtre ? .
Barrère enfin enfonçait le clou et expliquait à propos de la suprématie de la langue française : « Il faut populariser la langue, il faut détruire cette aristocratie de langage qui semble établir une nation polie au milieu d’une nation barbare » . Il manquait un coup de marteau pour que le clou soit bien enfoncé…Vous avez su le donner.
Vous auriez pu terminer —afin de flatter cette Académie qui n’a jamais manqué de dénoncer les langues dites régionales comme un danger— qu’il serait bon de penser à faire du français « la langue universelle » . Barrère le disait ainsi. Vous auriez fait un tabac, et cela aux dépens de langues que votre politique condamne chaque jour un peu plus. Allons ! Ce sera pour la prochaine fois ! Parce qu’il devrait y avoir une prochaine fois si je me fie à ce qui pourrait apparaitre comme une contradiction dans vos propos. Vous parlez de langues régionales qui « existent encore » et juste après vous dites qu’elles « étaient un instrument au fond de division de la nation » . Alors elles « existent encore » ou « elles étaient » ?
C’est juste une question. Vous reste-t-il du travail de destruction à faire ou en avez-vous terminé ?
Si ça n’est pas terminé il faut s’attendre à de nouvelles déclarations de votre part ; ou peut-être une cérémonie pour fêter la mort de nos langues ?
David Grosclaude
(1) Selon le dictionnaire de l’Académie Française, voici deux définitions
Intelligence : Faculté de comprendre, de concevoir, de connaître, et notamment faculté de discerner ou d’établir des rapports entre des faits, des idées ou des formes pour parvenir à la connaissance.
Par métonymie. Connaissance approfondie, compréhension nette et facile qu’on a de quelque chose. Une parfaite intelligence d’un texte
Intintelligence :
Manque de clairvoyance, de jugement dans telle ou telle circonstance de la vie. Montrer une complète inintelligence des affaires, de ses intérêts, de la situation.
(2) Toujours selon le même dictionnaire : héraut, officier, civil ou militaire, chargé de porter des messages importants, de faire des proclamations solennelles et de remplir diverses fonctions dans des cérémonies, des fêtes publiques, des tournois.
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