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Photo : L’Académie Française (Ismael Zniber Wikimedia Commons )
- Chronique -
Emmanuel Grégoire et l’abbé Macron 
C’est juste une question. Vous reste-t-il du travail de destruction à faire ou en avez-vous terminé ?
Par pour David Grosclaude le 23/11/24 21:28

J’ai d’abord pensé, M. le président de la République, qu’il s’agissait d’un canular fabriqué par ce que l’on appelle aujourd’hui « l’intelligence artificielle » . Une vidéo bidouillée si vous préférez.  Puis non c’est bien une déclaration authentique, produit de l’inintelligence. (1)

Cette déclaration en tant que président de la République devant l’Académie française, au cours de laquelle vous avez parlé de la langue française, semble être le produit d’une vision vieille de plus de 200 ans. On croyait avoir progressé depuis…mais non. Il est vrai que vous aviez déjà eu l’occasion de faire quelques sorties pittoresques sur le sujet depuis votre arrivée à l’Élysée.

J’ai cru, à vous écouter, entendre les condamnations à mort prononcées par l’Abbé Grégoire et par le député Barrère devant la Convention en 1794 ; ces deux là voulaient anéantir les «patois» . Auraient-ils imaginé que leur propos auraient,  deux siècles plus tard, un héraut (2) aussi prestigieux que vous ? 

Barrère disait, en parlant de nos langues, qu’elles étaient des « jargons barbares »  et aussi des « idiomes grossiers qui ne peuvent plus servir que  les fanatiques et les contre-révolutionnaires ».

Grégoire avait, comme vous, réponse à tout à propos de sa volonté d’anéantir toutes les langues différentes du français ( il ne parlait pas de langues mais de patois comme vous). Il disait : « Je crois avoir établi que l’unité de l’idiôme est une partie intégrante de la révolution ; et dès lors plus on m’opposera de difficultés, plus on me prouvera la nécessité d’opposer des moyens pour les combattre » . En clair plus on me dira que je pourrais avoir tort plus je penserai que j’ai raison. Voilà qui était une démonstration éclatante de tolérance. La faites-vous vôtre ? .

Barrère enfin enfonçait le clou et expliquait à propos de la suprématie de la langue française : « Il faut populariser la langue, il faut détruire cette aristocratie de langage qui semble établir une nation polie au milieu d’une nation barbare » . Il manquait un coup de marteau pour que le clou soit bien enfoncé…Vous avez su le donner. 

Vous auriez pu terminer —afin de flatter cette Académie qui n’a jamais manqué de dénoncer les langues dites régionales comme un danger— qu’il serait bon de penser à faire du français « la langue universelle » . Barrère le disait ainsi. Vous auriez fait un tabac, et cela aux dépens de langues que votre politique condamne chaque jour un peu plus. Allons ! Ce sera pour la prochaine fois ! Parce qu’il devrait y avoir une prochaine fois si je me fie à ce qui pourrait apparaitre comme une contradiction dans  vos propos. Vous parlez de langues régionales qui « existent encore » et juste après vous dites qu’elles « étaient un instrument au fond de division de la nation » . Alors elles « existent encore »   ou « elles étaient » ? 

C’est juste une question. Vous reste-t-il du travail de destruction à faire ou en avez-vous terminé ?

Si ça n’est pas terminé il faut s’attendre à de nouvelles déclarations de votre part ; ou peut-être une cérémonie pour fêter la mort de nos langues ?   

David Grosclaude

(1) Selon le dictionnaire de l’Académie Française, voici deux définitions 

Intelligence : Faculté de comprendre, de concevoir, de connaître, et notamment faculté de discerner ou d’établir des rapports entre des faits, des idées ou des formes pour parvenir à la connaissance.

Par métonymie. Connaissance approfondie, compréhension nette et facile qu’on a de quelque chose. Une parfaite intelligence d’un texte

Intintelligence : 

Manque de clairvoyance, de jugement dans telle ou telle circonstance de la vie. Montrer une complète inintelligence des affaires, de ses intérêts, de la situation.

(2) Toujours selon le même dictionnaire : héraut, officier, civil ou militaire, chargé de porter des messages importants, de faire des proclamations solennelles et de remplir diverses fonctions dans des cérémonies, des fêtes publiques, des tournois.

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Vos 4 commentaires
Alan E. VALLÉE Le Lundi 25 novembre 2024 13:03
Oui, il faut relire les lumineux écrits de l'Abbé SEYES sur l'engeance principalement de la haute noblesse et de la haute Église, ces gens qui s'absentèrent de la Nation tant ils étaient dans le petit monde de leurs privilèges et de leur reproduction, et de leur domination des peuples de la France. On retrouve aujourd'hui des phénomènes assez voisins qui ne laissent présager que d'une terrible crise tant les inégalités et la surproduction d'élites hors sol font rage.
AV
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Naon-e-dad Le Mercredi 27 novembre 2024 15:44
Bon, réfléchissons.
Que disent sur le fond Barrère, l’Abbé Grégoire et tutti quanti (pardon pour l’italien, je choisis la tolérance linguistique !).
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Il me semble que tous ces Sieurs (des braves gens de la haute, expert en guillotine ou prêts à le devenir), à leur (triste) époque font le constat qu’il serait utile que les hommes (et les femmes) à l’intérieur d’un périmètre donné puissent disposer d’un code de communication commun. Bref, un standard.
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C’est utile en effet. Nul n’en disconviendra. Notons qu’il y a parfois plusieurs standards de fait qui se côtoient. Exemple, dans un tout autre domaine, celui de l’informatique personnelle : Microsoft et Apple. Historiquement, le premier n’a pas réussi à éliminer le second. Ils se partagent le marché. Et peut-être un jour y aura-t-il un troisième larron ?
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Aujourd’hui, en ces temps de mondialisation (hors périmètre défini, donc), leur plaidoyer irait très certainement (naturellement ?) vers l’anglais. Globish ou littéraire, je laisse aux linguistes le soin de gloser là-dessus.
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D’autres impétrants (tous avec leurs variantes dialectales ou patoisantes) figurent de fait dans la catégorie mastoc : espagnol, portugais, hindi, chinois, arabe, j’en oublie... Ah oui, le français se hisse de justesse dans le TOP10. Et parmi les langues africaines, certaines disposent d’un très vaste vivier de locuteurs.
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Une fois que l’on a dit celà, il reste une observation fondamentale à énoncer.
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En quoi, en matière de langage, le surgissement de fait de standards, sinon universels du moins à large périmètre géographique, devrait-il induire la destruction de tous les autres ? Réponse, en rien. La mort de ceux qui ne parlent pas comme vous (et éventuellement ne pensent pas comme vous) n’est pas au programme ni de la civilisation, ni de la démocratie, ni du bon sens, ni de tout ce qu’on voudra...
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Là est l’erreur de Barrère et Grégoire. Ils ont cru au crime, ils y ont aspiré, ils l’ont voulu. La suite les a renvoyés dans les poubelles de l’Histoire, où pataugent de sinistres personnages.
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Que le Président d’un système politique qui se veut démocratique (et qui parvient à l’être, mais pas toujours loin s’en faut) se glisse dans le sillage de ces odieux prédecesseurs, voilà qui inquiète...Emmanuel, vous qui portez en prénom le nom du gros bourdon de Notre-Dame de Paris, calmez-vous, revenez au sens commun et à l’intelligence ordinaire (sinon ordinale), au respect de vos contemporains. Nous avons déjà à l’autre bout de l’Europe – vous êtes assez au courant, il me semble - , un autocrate qui ne cesse de répandre la mort et la désolation. N’empruntez pas, à votre soft-manière, son chemin de perdition.
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Puisque vous voulez participer à la réouverture au culte et au public de la Cathédrale de Paris, dédiée à la Vierge Marie, et rescapée d’un funeste incendie, lisez ou faites vous commenter l’épisode biblique (Bible hébraique) de la Tour de Babel, dans l’Antiquité païenne. Vous comprendrez que l’hégémonie a des limites. Cela vous conduira (peut-être ?) à accepter la diversité linguistique, et donc pour ce qui concerne les limites « hexagonales » l’existence de langues dites « régionales ». La Bible, en son vaste corpus, ne véhicule pas d’idéologie, elle est sage. Elle témoigne d’une sagesse patiemment acquise ou reçue...
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Partout et toujours les peuples veulent vivre.
E pep lec’h hag e pep amzer e fell d’ar pobloù bevañ.
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De Anne Merrien à Naon-e-dadLe Mercredi 27 novembre 2024 20:53
L'abbé Grégoire repose au Panthéon, à l'initiative de Mitterrand.
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De Alan É. VALLÉE à Naon-e-dadLe Jeudi 28 novembre 2024 12:14
C'est une des modalités de l'hubris, dans les bagages du conquérant ou du vainqueur, sinon du dominant, il y a le plus souvent sa langue, sa religion, ses moeurs imposées au vaincu. AV
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