La France ou l’universalisme à géométrie variable
La manifestation en Corse à l’appel des indépendantistes et autonomistes a été un succès ce samedi 3 février, et tout le monde a les yeux rivés sur le Président de la République pour tenter de savoir quelle va être la réponse de l’État. Les îles voisines de la Corse, Sardaigne, et au-delà Sicile, plus loin encore les Baléares jouissent toutes d’un large statut d’autonomie, mais quand on appartient à la république une et indivisible, c’est une autre histoire.
Et c’est sûrement à ce statut d’unicité et d’indivisibilité que le Président va d’abord faire allusion, à cette fameuse constitution française à laquelle les hommes d’état de ce pays font référence comme si elle était un texte sacré, inspiré par un « être suprême » non moins sacré sans doute.
On oublie ici que les constitutions sont écrites par les hommes, et pour les hommes, et qu’elles peuvent se modifier en profondeur, cela s’est vu ailleurs. On rappellera à l’occasion que la Corse indépendante avait une constitution adoptée en 1755, et que ce texte initié par Pascal Paoli est considéré comme la première constitution démocratique. La France était encore à l’époque gouvernée par un monarque de droit divin...
Ici comme ailleurs ?
Mais, au-delà du côté sacré de la Constitution française, on voit les zélés défenseurs parisiens de l’unicité prendre leur plume, tels Jacques Julliard dans « Marianne » qui fait lui référence à l’universalité de la République. Et le journaliste de nous expliquer qu’un statut en Corse pour la langue corse amènera les Bretons et les Basques à demander la même chose et, toujours selon Julliard, on aboutira alors à des communautarismes ethnicisés, ni plus ni moins.
On regarde alors avec effroi vers les Baléares, où la langue catalane possède un statut, et on s’étonne de l’excellent accueil fait aux étrangers dans toutes ces îles, d’Ibiza à Majorque. Pourquoi ce qui n’a pas débouché sur un repli sur soi sur ces îles amènerait-il une dérive identitaire, les mots sont lâchés, dès qu’il s’agit d’une île faisant partie de la fameuse patrie des droits de l’homme ?
La répression universelle
On se demande finalement si tout ce cirque autour de la constitution sacrée ou encore du message d’universalité de la République, ne serait pas juste un prétexte pour que Paris puisse garder la main un peu plus longtemps sur des territoires qui ne lui ont pas toujours obéi. On remarquera d’ailleurs que lorsque d’autres parties de cette République ont voulu faire sécession, la réponse de l’État dont le siège est à Paris n’a rien eu d’humaniste, et relevait plutôt d’une barbarie universelle.
Rappelons ainsi le massacre de Sétif, en 1945, quand les Algériens, citoyens de seconde zone sur leur propre terre, avaient voulu un peu trop tôt songer à l’indépendance vis-à-vis de la République des droits de l’homme... Mais la même République a aussi eu la main lourde devant les velléités d’émancipation à Madagascar, où elle massacra avec fougue plus de 50 000 autochtones en 1947. Plus près de nous il y eut les cent morts en Guadeloupe en 1967 ou encore l’épisode peu glorieux de la grotte d’Ouvéa, en Nouvelle Calédonie, en 1988.
On conseillera donc aux zélés éditorialistes parisiens de cesser de nous prendre pour des billes, et aux Corses de faire bien attention. En tous les cas, tous nos vœux les accompagnent sur la voie, qui s’annonce dangereuse, de la liberté.
Frank Darcel, président de Breizh Europa