La retraite de l’armée russe de Kherson, ville de deux cent mille habitants, capitale d’un oblast (région) d’Ukraine, principale conquête de l’armée russe durant les premiers jours de l’invasion lancée en février dernier, sera assurément une date historique. Elle le sera pour l’Ukraine, pour l’Europe et, a contrario, pour la Russie. Certes, la guerre n’est pas finie, et elle durera encore des mois. L’Ukraine voudra retrouver la totalité de son intégrité territoriale. Pour les territoires occupés depuis février dernier, l’objectif est désormais envisageable. Pour ceux qui ont été annexés il y a huit ans, la Crimée et le Donbass, il est plus difficile à envisager tant l’implantation russe y revêt un caractère stratégique, particulièrement en Crimée qui abrite l’essentiel de la marine russe en Mer Noire. Pour le Donbass, tout dépendra de la dynamique guerrière désormais favorable à l’Ukraine, et de l’attitude des populations qui y vivent, russophones et sous influence de Moscou depuis plusieurs années. Quels enseignements retirer de cette retraite de Kherson, après les défaites enregistrées autour de Kyiv (mai), puis de Kharkiv (septembre) ? L’armée russe, pourtant surpuissante et surarmée, est désormais en situation inférieure face à l’armée ukrainienne, pourtant modeste, mais largement soutenue par l’appui logistique (renseignements, lutte contre les cyberattaques, aide économique directe) et en armements sophistiqués par les Etats Unis et leurs alliés européens et britanniques.
L’objectif de Poutine était de vassaliser l’ensemble de l’Ukraine. Sa première défaite lors de l’offensive vers Kyiv a ruiné cette ambition, car la résistance inattendue menée par le Président ukrainien Zelinsky et son armée a sauvé l’Ukraine et sa capitale d’une occupation qui aurait remis en cause son existence même. Puis, après l’été, la reprise de la région de Kharkiv a validé la stratégie menée par les USA pour contrer les prétentions de Vladimir
Poutine : en armant de façon moderne et performante l’armée ukrainienne, elle a été capable de défaire l’armée russe lors des batailles d’artillerie sur le terrain. Cette stratégie vient de confirmer son efficacité à Kherson, l’armée russe préférant replier ses troupes d’occupation plutôt que de devoir faire face à une nouvelle défaite, avec de nombreuses pertes en hommes comme en matériels qui renforcent ensuite, comme à Kharkiv, l’arsenal à disposition des Ukrainiens. La retraite de Kherson sonne comme un aveu d’impuissance de l’armée russe face à la coalition Ukraine/USA/Europe constituée dans l’urgence créée par l’offensive surprise de Vladimir Poutine. Cela aura bien sûr des répercussions considérables. Première conséquence : la Moldavie échappe à l’invasion à laquelle elle était promise dans la suite de l’Ukraine, avec la circonstance difficile d’une partie de son territoire, la Transnitrie, déjà sous contrôle de paramilitaires russes dont l’implantation dans le territoire est un héritage de l’ancienne Union Soviétique. L’armée de ces supplétifs de Moscou était programmée pour marcher sur Odessa et assurer la domination russe sur toute la Mer Noire. Ce plan est désormais devenu obsolète.
Deuxième conséquence : l’adhésion de l’Ukraine et de la Moldavie à l’Union Européenne est désormais promise aux gouvernements de ces pays, alors que jusqu’à présent la crainte d’une réaction militaire de la Russie avait gelé tout projet en ce sens.
Troisième conséquence : les projets de la Chine contre Taïwan sont fragilisés dans la mesure où il est avéré désormais qu’une armée de résistance, opérant sur son territoire et soutenue comme l’a été l’armée ukrainienne par les USA et leurs alliés, peut défaire les plus grandes puissances militaires adverses. Ces constats désormais validés dans les faits risquent de reconfigurer favorablement un monde qui, en ce début d’année 2022, avait basculé soudainement à nouveau dans la
guerre !
Ce communiqué est paru sur François Alfonsi
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