Le front est calme aux alentours des prés et des forêts, bien que les agriculteurs opposés au transfert de l'aéroport de Nantes, appuyés par les occupants aient mis en culture, samedi 5 octobre, 6 hectares de terrains qui appartiennent à l'aménageur. Une enquête publique pour l'extension d'une carrière de granulats, à Quilly, à 20 kilomètres, à l'Ouest, soulève l'attention, car, le demandeur mentionne les besoins à prévoir pour Notre-Dame-des-Landes.
La bataille des communiqués a repris. Une étude d'un cabinet néerlandais, C. E. Delft, qui examinait le coût d'une nouvelle orientation de la piste de l'aéroport de Nantes-Atlantique pour que les avions cessent de passer au dessus de la réserve naturelle du lac de Grand-Lieu et de troubler le sommeil de habitants de l'hypercentre de la ville a été, maintes fois brandie, par les opposants au transfert à Notre-Dame-des-Landes.
La principale association qui soutient le projet, «Des Ailes pour l'Ouest», répond, 18 mois après, dans un communiqué du 26 septembre, que l'étude contradictoire coûts/bénéfices confiée à un cabinet hollandais (CE Delft), a été réalisée en quelques semaines quand des mois sont nécessaires à la DGAC pour expertiser objectivement cette problématique. Leur «rapport» montre que les commanditaires étaient tous opposés idéologiquement au transfert, et que certains membres y contribuaient sous couvert d'anonymat. Le mot-clé est, évidemment, idéologie, et quelques élus verts (pas tous) sont visés.
Les opposants viendraient de demander une nouvelle expertise au cabinet Cosynergie. Ce cabinet avait déjà effectué, en 2003, des études qui avaient été utilisées par la commission du débat public.
La nouvelle étude voudrait contredire les études faites par la Direction générale de l'Aviation civile (DGAC) qui ont servi de base au projet soumis à l'enquête publique en 2006. La DGAC, d'une part, prévoyait la saturation de Nantes-Atlantique, dès que 5 millions de passagers seraient traités, d'autre part que le trafic ne souffrirait pas de limitation à Notre-Dame, puisqu'on pouvait y construire une deuxième piste. Elle indiquait un horizon de 7 millions de passagers en … 2042.
Comme indiqué dans la thèse de Michel Carrard ( ( voir notre article )), la législation française et le contrôle aérien, tel qu'il est pratiqué, n'autorisent pas autant de mouvements d'avions que, dans d'autres pays (pas plus de 70 par heure). C'est pourquoi Gatwick (Londres) avec 9 millions de passagers n'est pas encore jugé saturé, même si un projet de seconde piste pour... 2025 vient d'être dévoilé.
Jamais, les opposants n'ont demandé que les restrictions françaises soient levées (pour ménager les pilotes? Les contrôleurs et leurs syndicats? Les habitants?). Cosynergie a estimé que le nombre maximum de mouvements d'avions possibles, à législation française constante, à Nantes-Atlantique est entre 90 000 et 110 000, soit, entre le double et 240%, ce qui permettrait de porter la capacité entre 6,4 et 7,8 millions de passagers. Si l'Europe réalisait son projet de contrôle aérien unifié, la question de la saturation deviendrait obsolète. Mais, les contrôleurs aériens français ne feront pas tout de suite des concessions.
C'est sur vingt ans que Cosynergie avait lissé le trafic aérien, ne le voyant pas dépasser sa courbe de croissance de 5,5%. Sur les dernières 5 années, elles'est élevée à 7,4%.
Les partisans de l'aéroport de Notre-Dame font plus confiance à la DGAC, reconnue au niveau international et dont toutes les prévisions de trafic sur Nantes se sont avérées exactes et ont même parfois été légèrement en deçà des trafics effectivement constatés. (Des Ailes pour l'Ouest, 26/09/13).
En 2012, le trafic des aéroports français s'est élevé à 168 millions de passagers, un nouveau record (+2,7% par rapport à l'année précédente). Les aéroports de Paris ont vu leur trafic passagers stagne (+1%), alors qu'ils concentrent la moitié du total. Ce sont donc les aéroports provinciaux qui ont connu une nette progression de leur activité, comme Marseille-Provence (+12,7%), Nantes Atlantique (+11,9%) ou encore Toulouse (+8,2%), Bordeaux (+7,7%) et Nice (+7,4%).
Bordeaux avait enregistré 12% de passagers en plus en 2011, grâce à son investissement dans un terminal adapté aux compagnies low-cost, mais, Nantes, avec une aérogare ancienne génération, force un peu l'allure avec 11,9% en 2012 contre 7,7% à Bordeaux. Justement, avec 390 000 passagers de plus (+55,2%) sur les compagnies à bas coût, la marge de progression importante reste importante pour Nantes-Atlantique.
Plus de passagers aériens à Nantes, mais résultats inégaux ailleurs en Bretagne
Le nombre de passagers de Nantes-Atlantique a donc atteint 3 631 893 en 2012. Pour le moment, les destinations intercontinentales (Montréal, Toronto, Punta Cana (République dominicaine), Salvador de Bahia (Brésil), Le Cap-Vert) ou lointaines (Moscou, Prague, Innsbrück, Tallinn et Saint-Pétersbourg) ne sont offertes, qu'une partie de l'année (printemps-été et, parfois, début de l'automne), ce qui réduit leur utilité pour les affaires. Bizarrement, avec 86 493 passagers en transit, Nantes-Atlantique dépasserait Lyon et surclasserait Bordeaux et Toulouse. Brest, qui a dépassé le million de passagers, est en hausse (+8% et 5,2% sur 5 ans) , tandis que Lorient (176 331) et Quimper (110 000) sont en légère baisse. Rennes reprend quelques couleurs (452 000 passagers) et Dinard-Saint-Malo (138 478), après une chute verticale en 2009-2010, est convalescent grâce au sa spécialisation low cost, mais, le déjà très faible trafic de Vannes chute lourdement. Celui de Saint-Nazaire est surtout orienté vers le fret. Lannion baisse encore (32 635). Les aéroport bretons gérés par des filiales de «Vinci aéroports» (Dinard, Nantes, Quimper, Rennes, Saint-Nazaire) ont donc des résultats globalement satisfaisants.
On peut donc dire que le transport aérien de passagers continue à croître, surtout hors région de Paris, malgré la crise et la désaffection pour les destinations est-méditerranéennes (effets de la crise et du «printemps arabe»).
Certains semblent croire que les nuisances dues au bruit se mesurent en se mettant dans la rue ou en laissant ses fenêtres ouvertes, la nuit. Plus d'avions dans le ciel de Nantes ne serait pas forcément insupportable par les Nantais, d'autant que le trafic aérien tend à utiliser moins d'avions pour transporter le même nombre de passagers. On resterait loin de la pénible situation des écoles proches d'Orly dans lesquelles il est devenu inconcevable de faire sortir les enfants lors des récréations.
Mais, accroître les mouvements d'avions aurait un coût caché : des zones de plus en plus grandes seraient rendues inconstructibles, ou plus exactement, la construction et l'extension des logements y seraient interdites. Parmi les motivations des élus pour soutenir l'envoi au loin de l'aéroport, celle-ci n'est pas la moindre. Pour eux, la saturation n'est pas celle des avions, mais, celle des règlements d'urbanisme ( ( voir notre article )).
Le journal, «Les Échos» avait titré en novembre 2012 : «Nantes n'a pas besoin d'un deuxième aéroport». Bruno Trévidic, le spécialiste aérien maison, reprenait, pas tout à fait innocemment, l'argument porté dans les médias (à France-Inter, entre autre) par Pascal Durand (secrétaire national d'Europe-Écologie Les Verts).
Car, même si la piste de Nantes était conservée quelque temps pour un vol affrété, une ou deux fois par semaine, au profit de l'usine d'Airbus proche, il ne resterait plus de l'aéroport qu'une bande de ciment. Tout le reste serait transformé, à terme, en constructions nouvelles. On peut même prévoir la fermeture de l'usine Airbus-Nantes, quand le cycle actuel d'investissement sera devenu caduc, au profit de la plate-forme Airbus à Gron, en Montoir-de-Bretagne, près de Saint-Nazaire, laquelle a l'énorme avantage d'être contiguë à l'aéroport, proche d'un port et sans route urbaine entre les deux. Deux usines Airbus si proches, c'est un héritage encombrant qui sera liquidé, un jour ou l'autre. Mais, faut-il en parler aux syndicats et aux habitants de Bouguenais au risque de les émouvoir?
Ne (presque) pas parler de quoi que ce soit à propos de Notre-Dame-des-Landes est la stratégie adoptée depuis novembre dernier par les politiques au pouvoir. Il n'est même pas sûr que cela change lors des campagne élections municipales et régionales de 2014 et 2015. Il sera répété en boucle que le débat a déjà eu lieu et qu'il a duré 8 ans. Prochain épisode : l'arrêté préfectoral sur la compensation des zones humides fera l'objet d'un recours en annulation, mais, en principe, non suspensif.
Ce n'est pas de la Commission européenne que peut venir le blocage : la mauvaise forme électorale des écologistes en Allemagne, en France et ailleurs, sera mise à profit pour lever les obstacles à la relance des grands travaux jugée indispensable au relèvement du PIB. Celui-ci reste toujours la mesure reconnue par les dirigeants, les marchés et, bon gré, mal gré, la population qui y voit la clé de l'accès à l'emploi.
Source pour les statistiques : Union des aéroports français http://www.aeroport.fr/fichiers/Rapport_activite_2012.pdf
Christian Rogel