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La redadeg de Gérard
Nous avons reçu ce joli texte et nous ne résistons pas à l'envie de vous le faire lire
Par Fanny Chauffin pour ABP le 10/06/12 18:52

Déjà quatre semaines que la grande et joyeuse fête de la redadeg a eu lieu (Redadeg evit ar brezoneg, la grande course pour la langue bretonne : 1.540 km à travers toute la Bretagne, de Brest à Nantes et de Rennes à Quimper). Il s'agissait, ainsi que tout le monde ne le sait peut-être pas, d'une course-relais décrivant ce long circuit kilomètre par kilomètre. J'ai couru mon kilomètre de Plounévez-Moëdec à C'houerc'had (Vieux Marché) aux côtés de Karin (bretonne de père kabyle) et sa fille Aoussa, et accompagné par les joyeux enfants de l'école Diwan de Plounévez.

Plounévez-Moëdec est le pays de ma mère. Parmi les souvenirs qu'elle m'a livrés de son enfance miséreuse, il y a celui d'une certaine honte. La règle était à l'époque, dans la plupart des écoles bretonnes de la république, que lorsque un enfant était surpris à parler breton dans l'enceinte de l'école, il recevait un "symbole" (sic). Cette année-là, elle avait 11 ans, le symbole était une patate pourrie que les écolières se refilaient afin d'éviter la punition qui attendait la dernière prise à parler breton à la fin de la journée. Et la punition consistait à traverser le bourg en exhibant publiquement sa patate.

C'était la première fois que ça lui arrivait. Je l'entends encore me dire : " Je n'ai jamais eu aussi honte de toute ma vie ". Je pensais à elle en courant mon kilomètre de redadeg accompagné par la joyeuse bande des écolière et écoliers de Plounévez. Et je me disais que ça valait le coup d'avoir vécu 80 années pour connaître la joie d'une telle revanche...

Pour autant, les choses sont loin d'être réglées. Souvenons-nous, en cette période d'élections législatives, qu'une certaine idéologie nationale-républicainiste a été l'un des vecteurs de l'uniformisation de la société française - et le ferment de son colonialisme. Cette idéologie est toujours vivace. Elle a longtemps gangrené la gauche française. N'oublions jamais que c'est le gouvernement socialiste de Guy Mollet qui, avec le soutien du stalinien Maurice Thorez, a boosté en 1956 la guerre d'Algérie. François Mitterrand, alors ministre de la Justice, a participé à cette intensification de la répression en proclamant " L'Algérie c'est la France " : 45 patriotes algériens guillotinés durant son ministère. Certes, c'est du passé, et on doit se réjouir de ce qu'une grande partie de la gauche a bien évolué. Mais on ne peut qu'être consterné par les prises de position d'une certaine gauche radicale qui proclame aujourd'hui encore son refus de signer la Charte européenne des Langues minoritaires, et insulte publiquement l'enseignement de ces langues (" L'école diwan est une secte "). Il s'agit là du lourd héritage du nationalisme français - ce national républicanisme - qui a contaminé durablement la gauche française dès la fin du XIXe siècle, en l'amenant à opérer une dichotomie entre le combat pour l'équité sociale et le combat pour l'équité culturelle. Alors que les deux sont indissociables. Au même titre d'ailleurs que le combat pour l'équité générique.

A partir de l'expérience de ma mère évoquée plus haut et celle d'autres proches parents, le sociologue que je suis avait entamé une recherche en 1994 sur les méthodes d'apprentissage du français dans les régions de langues minoritaires, plus particulièrement la Bretagne.

Ces recherches ont fait l'objet de plusieurs publications : dans Langage et société (MSH Paris), n° 72, 1995, Lengas (Toulouse Mirail), n° 38, 1995, n° 43, 1998, et dans La revue internationale d'ethnographie, n° 1, 2012. Relisant ces travaux avec le recul, force m'est de considérer que l'ouvrage de Morvan Lebesque Comment peut-on être breton, essai sur la démocratie française, (1970), n'a rien perdu de son actualité. Que de la droite à l'extrême-droite la question de l'équité culturelle soit balayée au même titre que celle de la justice sociale, quoi de plus "naturel". Mais qu'elle le soit aussi à l'extrême-gauche est une offense au bon sens, en même temps qu'une blessure éthique intolérable

Certes, chez les tenants de cette gauche radicale, il est de bon ton de stigmatiser les injustices culturelles lorsqu'elles se manifestent en dehors des frontières de l'Hexagone : On y est solidaire des droits de toutes les minorités : Kurdes, Tchétchènes, Palestiniens, Tibétains, Indiens d'Amérique etc. Mais lorsque ces différences ont lieu à l'intérieur des frontières hexagonales, elles deviennent un condamnable et inadmissible "identitarisme", "communautarisme", etc.

Mon amie Fathia Folgalvez, veuve de mon compagnon de combat et internationaliste breton, Per Folgalvez, Algérienne native de la région de Constantine, professeur d'espagnol et d'arabe au lycée Diwan de Carhaix, me demandait récemment, alors que nous évoquions ces questions : " Mais comment ça se fait qu'ils en soient toujours là ? " That's the question. Et c'est une bonne question.

Cet article a fait l'objet de 1045 lectures.
Youtubeuse, docteure d'Etat en breton-celtique à l'Université Rennes 2 / Haute Bretagne, enseignante, militante des droits humains à Cent pour un toit Pays de Quimperlé, des langues de Bretagne avec Diwan, Aita, GBB, ...., féministe, enseignante, vidéaste, réalisatrice, conteuse, chanteuse, comédienne amateure, responsable depuis vingt ans du concours de haikus de Taol Kurun, des prix littéraires Priz ar Vugale et Priz ar Yaouankiz, ...
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Vos 6 commentaires
Jak le Dreuzic Le Dimanche 10 juin 2012 19:20
Ils ont fait pire. Ils ont dit que La Méditerranée traverse la France comme la Seine traverse Paris. Les Algériens les ont envoyé bouler (avec l'appui d'une partie de la classe politique française, De Gaulle en tête, qui n'a pas hésité à "trahir" les partisans de l'Algérie Française en envoyant les barbouzes aider le FLN à "finir" l'OAS, d'ailleurs, c'est cela l'histoire de France, rien de glorieux).
Bref, les Algériens les ont envoyé bouler, les suivants seront peut-être les Corses... et nous, quand est-ce que on pourra envoyer bouler ceux qui disent que le Couesnon traverse la France comme la Seine... hein?
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YouennB Le Dimanche 10 juin 2012 19:58
Pourquoi en sont-ils encore là? Parce qu\'ils sont français d\'abord avant toute chose, férocement français et qu\'ils sont imbus de la supèriorité de la France. Quand ils défendent les minorités à l\'extèrieur de l\'hexagone, c\'est par souci de donner des leçons aux autres et de faire illusion; ne sont-ils pas les héritiers d\'une culture qui a une vocation universelle ?(enfin ils en sont persuadés même si leur culture n\'a rien d\'universel). Par contre les minorités de l\'intèrieur sont une offense car dans leur esprit ce sont des sous cultures et aussi des menaces pour la France qui a déjà dégringolé de statut d\'empire à celui de puissance seondaire. Imaginez si un jour la Corse ou la Bretagne devenait indépendante! Quelle dégringolade!!.
En fait nous sommes en plein colonialisme intèrieur. L\'esprit colonisateur des français est toujours à l\'oeuvre mais vis à vis des premièrs pays conquis (Bretagne, Corse, Alsace etc...).
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Alwenn Le Dimanche 10 juin 2012 20:23
Gérard est donc sociologue et a publié des travaux, mais on a que le nom des revues dans lesquelles il a publié et pas le nom des articles eux-mêmes.
Ce serait bien d'en dire plus.
J'ai trouvé une piste :
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Naon-e-dad Le Dimanche 10 juin 2012 22:32
pour Alwenn
Anamnèse d'un dommage ou comment le français est venu aux Bretons [résumé] [abstract]
Gérard PRÉMEL
www.revues.msh-paris.fr/modele1/nospebook2.asp?id_nospe=230&id_perio=61
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Tidzandiouf Le Lundi 11 juin 2012 10:35
pour Alwenn:on a publié les références de GP ds l\'article consacré au breton sur Wikipedia: il a aussitôt été viré par le lobby révisionniste jacobin qui noyaute cette \"encyclopédie\":
voir l\'historique: impossible de citer une autre source que Fanch Broudic! Bcp de gens papotent sans fin sur le site de l\'ABP, qui ne prêche que pour les convertis, mais si seulement il pouvait s\'en trouver un assez grand nombre pour créer un contre-lobby aux révisionnistes qui empêchent la diffusion, de la vérité et du savoir, qd celle-ci gêne leur vision du monde.... J\'imagine de plus que leur action ne s\'arrête pas là! Ajoutons que G.Prémel a écrit des articles passionnants ds la revue Hopala, dont il fut lgt le directeur:http://www.hopala.asso.fr/
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Alwenn Le Lundi 11 juin 2012 15:35
Merci à Tidzandiouf pour ces informations.
Je suis allé voir sur Wikipedia. Il ne s'agit pas forcément d'un lobby mais d'individus isolés qui viennent effacer ce qu'ils n'ont pas envie de lire et de laisser lire par les autres.
Mais ça revient au même !
Les citations et les références à G. Premel devraient quand même pouvoir être rétablie.
Si j'ai bien compris elles ont été suprimées par un certain Lydio.
Il n'est pas toujours facile de comprendre qui fait quoi sur Wikipedia : une bonne chose à faire serait d'identifier et de lister les "révisionnistes", pour mettre au clair leur position.
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