Déclaration du Centre d’Histoire de Bretagne/Kreizenn Istor Breizh.
A-t-on aujourd’hui le droit d’enseigner l’histoire de Bretagne en Bretagne ? L’urgence de la situation réclame une intervention en proportion. En effet, il y a urgence. Cela fait longtemps que les Bretons et les Bretonnes n’ont jamais été aussi influents, tant au point de vue politique – regardez le nombre de ministres d’origine bretonne ou ayant des attaches avec la Bretagne -, économique – il suffit d’énumérer le nombre de grands industriels bretons ou le succès très envié de Produit en Bretagne, et bien sûr culturel – la culture bretonne et de Bretagne est reconnue ; très vendable car très appréciée. Il est vrai que les Bretons hors de Bretagne l’ont véhiculée.
Et pourtant ? Si la langue bretonne reste très en danger, que dire de l’histoire de la Bretagne ? Bien sûr, les bouquins sur l’histoire de la Bretagne se vendent comme des petits pains. Il suffit de mettre le portrait d’Anne de Bretagne sur la couverture d’un magazine pour voir les tirages s’envoler. Les associations – surtout les plus récentes et les moins « institutionnelles », pour l’histoire de Bretagne marchent très bien. Et les adhérents s’y comptent par centaines, voire milliers. On peut donner ici comme exemple le Centre généalogique et historique du Poher, mais aussi le petit et très récent Centre d’Histoire de Bretagne/Kreizenn Istor Breizh. Comme je l’ai mentionné, au nom du CHB-KIB au plus haut responsable politique de Bretagne, la demande est présente et forte, mais si l’offre « privée » est là, les établissements « publics » sont les grands absents.
Ni l’État, ni les collectivités régionales ou locales, ne semblent vouloir y toucher que du bout des doigts. Et pourtant un nombre incroyable de politiques sont des historiens, ou ont des formations historiques, et connaissent l’histoire de la Bretagne. Ils écoutent, mais … alors que plusieurs projets s’appuyant sur la diffusion de l’histoire de la Bretagne sont aujourd’hui à l’origine d’activités économiques de grande ampleur (Vallée des saints, Projet Diorren, etc.).
Lorsque le CHB-KIB s’était rendu au ministère de l’Éducation nationale en mai 2014 pour parler de l’histoire de la Bretagne, la conseillère du ministre (alors à l’époque un Breton historien formé à l’université de Brest) m’avait dit, je la cite « je suis outré d’apprendre qu’il est très difficile d’enseigner l’histoire de la Bretagne dans l’Académie de Rennes ». En novembre 2014, le CHB-KIB rencontre, à la demande du recteur de l’Académie, trois inspecteurs, affaires culturelles, breton histoire-géographie. Il nous a fallu tout notre sens de la diplomatie pour que la réunion ne tourne au fiasco. Nous avons eu le droit – et il semblerait que le Recteur de l’époque lui-même ait mis la touche finale – à la diffusion d’un communiqué mentionnant que les enseignants d’histoire du Primaire et du Secondaire avaient le droit d’enseigner l’histoire de la Bretagne dans le cadre des programmes.
La bras droit du ministre de l’EN nous avait mentionné : « avec la réforme des collèges en préparation, les professeur d’histoire auront plus de souplesse dans leur enseignement et donc… ». Et c’est vrai que dans la réforme, on voit arriver les EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires), avec l’option langues et cultures régionales. Mais des témoignages de nos membres enseignants d’histoire nous arrivent. Que se passe-il ? C’est le grand flou…. Il semblerait que l’EPI langues et cultures bretonnes doit se faire en breton. Comme on n’a jamais parlé partout le breton en Bretagne… On n'avance guère.
Quant aux universités de Bretagne, s’il y a quelques actions dont celle organisée par Laurent Le Gall à l’université de Brest, c’est bien maigre. Quelques heureux élus qui ont fait quelques recherches sur l’histoire de Bretagne parviennent à y enseigner. Beaucoup d’autres, - et là le CA du CHB-KIB m’a demandé de le mentionner, de rompre mon silence - dont votre serviteur - même s’ils ont été au CNRS, n’y ont pas accès, leur dossier de candidature n’étant même pas « examiné » par le Conseil national des universités.
Pourquoi ? En fait la vraie question est de quoi a-t-on peur ?
Certains ont peur pour leur carrière s’ils enseignent l’histoire de Bretagne car on dit que c’est mal vu. D’autres, cadres de la fonction publique, pensent que cela ne peut que favoriser le nationalisme identitaire breton, participant ainsi à l’affaiblissement de la République. Et pourtant on dit que les Bretons constituent un des principaux pivots de cette République.
Pour le CHB-KIB, Frédéric Morvan, son président.