Le combat mené par l'ANVVEN depuis 10 ans, entre dans une nouvelle phase.
Le 5 novembre 2012, à l'occasion du débat sur le budget des Anciens combattants, plusieurs députés se sont inquiétés de l'inefficacité de la loi Morin destinée à reconnaître et indemniser les victimes. A la date du 30 novembre 2012, seules 9 indemnités ont été accordées par le CIVEN sur un total de 628 dossiers examinés. Le taux de rejet est de 98,5%. Madame Patricia Adam, présidente de la commission Défense à l'Assemblée nationale, a décidé de mettre en place une mission d'information pour analyser les causes du dysfonctionnement constaté et apporter des solutions. L'ANVVEN a souhaité participer à l'analyse et a demandé qu'une délégation soit entendue par les députés membres de cette mission (rapporteurs Sylvie Pichot et Marc Laffineur) Rappelons que l'ANVVEN se voit contrainte de conseiller à ses adhérents et sympathisants, de ne pas envoyer leur dossier de demande d'indemnisation au CIVEN car le risque de rejet est trop élevé. C'est la seule association à utiliser le « boycott » du CIVEN, unique moyen de pression disponible et efficace pour faire évoluer la situation. La victime souvent âgée et fatiguée, n'a ensuite qu'un seul recours devant le tribunal administratif de son domicile et c'est une nouvelle épreuve à affronter. Les cancéreux des essais nucléaires et les veuves, ne cherchent pas à profiter d'un quelconque effet d'aubaine; ils préfèreraient rester en vie et en bonne santé.
Plusieurs questions restent sans réponse et la dernière réunion de la commission consultative de suivi, présidée par le nouveau ministre Jean-Yves Le Drian n'a pas permis d'apporter des réponses satisfaisantes. Les victimes s'interrogent sur le faible montant des indemnités proposées par le CIVEN. On ne sait pas sur quel barème s'appuient les « experts » consultés : Dinthilliac ou ONIAM ? Le bénéficiaire ignore les charges qui sont déduites du montant initialement fixé, à destination de divers organismes (service de santé, sécurité sociale…) De tels prélèvements/remboursements sont-ils opérés dans d'autres affaires comme l'amiante ? Comment sont rémunérés les membres éminents du CIVEN et les experts extérieurs ? A quel niveau se situe la ligne budgétaire des 10 millions le 31 décembre de chaque année? Pour approfondir ces questions légitimes, l'ANVVEN a demandé qu'une réunion de travail se tienne au CIVEN…dont on apprend par hasard, qu'il est dissous à Arcueil pour se reconstituer à La Rochelle ! La transparence n'est pas au rendez-vous.
Par ailleurs, le 20 décembre 2012, le sénateur Richard Tuheiava vient de déposer une proposition de loi n° 256 portant actualisation de certaines dispositions de la loi 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français.
L'article 1er de cette proposition est de nature à modifier en profondeur le dispositif mis en place par la loi Morin. Le sénateur demande la suppression de la notion de risque négligeable mentionnée à l'article 4 II de la loi. Depuis octobre 2009, l'ANVVEN, trop souvent seule, n'a pas cessé de contester cette disposition perverse qui vide la loi de sa substance. C'est fort de cette mention que le CIVEN utilise une méthodologie contestable qui s'appuie sur le logiciel NIOSH-IREP pour calculer une probabilité de risque relatif supérieur ou non à 1% Le résultat est catastrophique pour les victimes car, même celles qui remplissent les 3 conditions restrictives de la loi Morin sont injustement déboutées. En sa séance du 22 juin 2012, le TA de Papeete a sanctionné cette méthode et annulé les 6 décisions de rejet prises par le ministre Gérard Longuet. D'autres jugements analogues sont attendus dans l'hexagone.
De plus, l'article 2 de la proposition étend la zone contaminée à tout le territoire de Polynésie. L'ANVVEN a toujours contesté le découpage au scalpel des territoires supposés contaminés et en particulier la portion d e « vache qui rit » délimitée par les azimuts 15 et 115 sur une distance de 560 kilomètres de Moruroa. Cette nouvelle rédaction mettra fin aux doutes concernant la position des bâtiments de la force alfa dont on ne connaît pas avec exactitude, la situation au moment des tirs atmosphériques entre 1966 et 1974.
L'année 2013 débute sous de bons auspices même si beaucoup de chemin reste à parcourir avant que l'initiative prise par le sénateur Tuheiava arrive à son terme. L'ANVVEN rappelle que les parlementaires de l'actuelle majorité présidentielle, n'ont pas voté la loi Morin l'estimant incomplète et inadaptée. Ils trouvent ici une occasion de montrer leur cohérence en appuyant le texte proposé par le sénateur. Il y va de leur crédibilité.
Pierre Marhic
Président de l'ANVVEN