François de Rugy est député Vert en Loire-Atlantique sur Nantes, Orvault et Sautron. (voir le site)
Extraits de son intervention à l'Assemblée nationale le 16 septembre sur la réforme des collectivités territoriales.
Monsieur le président, mon intervention porte sur les deux articles 12 et 13, qui relèvent de la même logique.
Nous sommes un certain nombre de collègues de toutes les tendances politiques à être particulièrement sensibles à la question du redécoupage des départements et des régions.
Comme c'est toujours le cas sur ses projets de réformes, le Président de la République a fait de grandes déclarations : « Vous allez voir ce que vous allez voir. Tous les autres ont reculé sur les collectivités locales ; moi, je ne reculerai pas… ». Et je me souviens très bien qu'à l'époque, il a parlé du redécoupage. Cela nous avait d'ailleurs surpris qu'il évoque l'Ouest, la Loire-Atlantique et la Bretagne. Et de justifier sa réforme devant une association d'élus en ces termes : « Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Je vois à Nantes le château des ducs de Bretagne, et on me dit qu'on est dans la région des Pays de la Loire ! Il faut changer cela. »
Entendant cela, nous avions été un certain nombre d'élus à espérer qu'un vent réformateur soufflerait sur le découpage des régions. Enfin, les choses allaient bouger : nous étions prêts à saisir la balle au bond. Et tout cela n'avait rien à voir avec des positions partisanes : la gauche et la droite n'ont rien à faire là-dedans – même si on peut rappeler que le découpage de la Bretagne en deux, et le rattachement d'une partie de son territoire au Pays de la Loire ont d'abord été le fait du régime de Vichy. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).
Autre extrait
Ne vous énervez pas, mes chers collègues !
Se pose d'abord un problème de forme. Les articles 12 et 13 abordent la question des fusions entre départements ou entre régions. Question intéressante : des projets se sont fait jour en Alsace ou en Corse. Le Président de la République, alors qu'il était encore ministre de l'Intérieur, avait d'ailleurs organisé un référendum sur le sujet en Corse, qu'il avait perdu. La question des regroupements entre une région et les départements qui la composent est également posée à l'article 13 bis.
Seulement, pour toutes ces procédures, le regroupement ne pourra avoir lieu que s'il recueille, lors d'une consultation populaire, une majorité représentant au moins 25 % des inscrits, ce qui suppose un niveau de participation assez élevé. Je suis très étonné que l'on mette un tel un verrou à la réforme des cartes départementales et régionales. Jamais une telle obligation n'a été imposée pour aucune élection – heureusement d'ailleurs car bon nombre de cantons se retrouveraient sans conseiller général ! – ni pour aucun référendum. Où va-t-on si l'on commence à prévoir un taux de participation minimum pour les référendums ? Jamais la réforme du quinquennat proposée par Jacques Chirac et Lionel Jospin n'aurait été adoptée dans de telles conditions.
Je souhaite que le rapporteur et le ministre s'expriment sur cette question de forme. Mon groupe n'est pas représenté à la commission mixte paritaire, mais nous aimerions qu'elle puisse revenir sur ce point.
Les articles 12 e t 13 posent aussi un problème de fond. Plusieurs cas de figure sont examinés : celui de la fusion de plusieurs départements et celui de la fusion de deux régions – on pense à la Normandie coupée en deux régions. En revanche, on n'envisage pas la possibilité d'un redécoupage régional dont je veux donner deux exemples.
Il existe une ancienne revendication des deux départements savoyards qui souhaitent constituer une région Savoie. Il ne s'agit pas de fusionner deux régions, mais de créer une nouvelle région à partir de deux départements. Ce n'est pas possible dans l'état actuel du projet de loi.
En Bretagne, région que je connais mieux et qui m'intéresse encore plus,…
– Mme Fabienne Labrette-Ménager l'interrompt : Déménagez en Bretagne !
– M. de Rugy continue : la question qui se pose n'est pas de fusionner, mais de redécouper des régions existantes.
Mon but n'est pas de débattre ce matin du redécoupage de la région Bretagne, mais de savoir si l'on pourra, demain, avoir ce débat dans le cadre de l'application du projet de loi que nous examinons ou s'il sera interdit. Il me semble que texte, dans son état actuel, offre comme seule solution au problème de l'Ouest la fusion des régions Bretagne et Pays de la Loire. Or le problème n'est pas celui-là ; c'est celui du redécoupage, débat récurrent et qui, malgré le temps qui passe, intéresse de plus en plus de monde, contrairement à ce que l'on aurait pu croire. Au demeurant, cela n'a rien d'anormal : dans ce contexte de mondialisation accélérée, on a envie d'avoir des points de repères, chez nous comme partout dans le monde, et l'identité régionale est un de ces points de repère.
À noter que cette quête d'identité n'a rien d'exclusif ; cela ne se fait pas contre l'identité nationale, par exemple. Il existe un sentiment d'appartenance à la commune, on l'a dit, et parfois même au département. Il existe aussi un sentiment d'appartenance à la région lorsqu'elle n'est pas artificielle et qu'elle correspond à quelque chose. Cela est vrai pour la Bretagne, où un mouvement existe très longtemps sur ce fondement. Pour ma part, j'avais pris l'initiative d'un appel de parlementaires au moment des travaux du comité Balladur : des députés et des sénateurs issus de l'UMP, du Nouveau Centre, du parti socialiste et des Verts avaient signé ce document.
Ce n'est donc pas une question d'appartenance à la droite ou à la gauche ; il s'agit simplement de ne pas interdire le débat. Aussi bien, certains membres de l'UMP ou du PS sont contre ce redécoupage de la Bretagne : manifestement, le débat traverse les familles politiques.
Je crois me souvenir que le comité Balladur avait prévu de s'exprimer sur ce sujet et qu'il a préféré y renoncer sous l'effet de pressions extérieures. Peut-être M. Perben acceptera-t-il de nous éclairer sur ce point. ?Quoi qu'il en soit, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, avait déclaré pour sa part qu'il fallait changer cela. Or, si l'on en reste à la rédaction actuelle des articles 12 et 13, ce sera impossible.
M. le rapporteur pourrait-il nous dire si la commission mixte paritaire étudiera à nouveau cette question, afin, le cas échéant, de modifier la rédaction de ces articles, en vue non pas de supprimer les possibilités existantes, mais d'en offrir une de plus ?
(L'article 12 est adopté.)
Pour l'intégralité des débats :
(voir le site) de l'Assemblée nationale.
Maryvonne Cadiou