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Tous ceux qui s'intéressent aux langues celtiques, et particulièrement à celles de la branche brittonique, vont apprécier et célébrer la parution d'une nouvelle édition de An Gerlyver Meur : Kernewek - Sowsneg, Sowsneg – Kernewek (1).
On prétend qu'un poète sommeille dans le cœur de tout Gallois et un grammairien dans celui des Bretons. On peut étendre cela aux Cornouaillais de Grande-Bretagne qui sont des gens pratiques, imaginatifs, durs au travail, qualités nécessaires aux rédacteurs de dictionnaires, y compris celui-ci.
Les dictionnaires ont la beauté des objets à usage intensif. Ce ne sont pas des livres que l'on délaisse après une première lecture. Ce sont des fournisseurs de matières premières indispensables et des outils de travail forgés par des personnes minutieuses et méticuleuses au profit d'écrivaillons en tout genre comme moi-même.
Depuis la première édition de 1993 l'étude du cornique s'est développée, notamment en raison de la découverte de nouveaux manuscrits, dont le plus important est une pièce de théâtre médiévale, Bywnans Ke (La Vie de Saint Quay) retrouvée parmi d'autres documents, en 1999, dans le bureau de feu le Professeur J. E. Caerwyn Williams à Aberystwyth.
Une étude détaillée de ce manuscrit a permis d'agrandir considérablement le corpus de littérature cornique médiévale. Deux cent cinquante mots nouveaux y ont été découverts, dont certains concernent la vie contemporaine, tels que kedhlow (information). Grâce à l'addition de mots, proverbes et dictons provenant d'autres sources similaires, An Gerlyveur Meur est trois fois plus épais que la première édition.
Cette langue, qui a cessé d'être parlée sur la plus grande partie de son territoire dès le début du 19e siècle pour ressusciter au 20e siècle, a profité de la créativité des lexicographes, qui se manifeste bien sûr dans toutes les langues, mais particulièrement en breton et gallois. Une des innovations intéressantes de ce dictionnaire est le fait que le nom de l'inventeur d'un nouveau mot est mentionné à l'article en question.
J'ai particulièrement apprécié de découvrir des mots comme hweger (belle-mère, chwegr en vieux gallois) et hwegron (beau-père, chwegrwn en vieux gallois). De même, en ce qui concerne gourel (viril) qui me rappelle le mot gallois gwrol entendu dans mon enfance avec ce même sens et non au sens habituel de courageux. On note évidemment la similarité avec le mot breton. Je retiens aussi Maria Wynn désignant la Vierge Marie.
Le vocabulaire se rapportant à la mer et à la vie marine est impressionnant. Mention est faite des mots similaires qui existent en breton et gallois, ce qui est très utile pour toute personne qui, comme moi, est peu au fait du vocabulaire se rapportant à la nature.
C'est donc là un livre à consulter pour le plaisir, pour les similarités avec les mots des autres langues brittoniques, mais aussi évidemment pour son usage courant en tant que dictionnaire.
Il faut féliciter le Docteur Ken George pour ce travail de compilation et de rédaction, travail d'une vie entière. C'est un esprit universel, un homme de science qui a consacré tout son temps libre et son énergie à l'étude du cornique. C'est également un poète, qui a été l'un des premiers à ressusciter l'art des rimes internes en poésie cornique en utilisant les règles du cynghanedd, comme Maodez Glanndour l'avait fait lui aussi en breton.
C'est aussi lui qui a préparé la première édition de Bywnans Ke publiée par Kesva an Taves Kernewek (Le Conseil de la langue cornique) en 2006. Il s’agit là d’une organisation regroupant des bénévoles, qui n’a rien à voir avec le Conseil de la langue galloise (Welsh Language Board).
Félicitations aussi à Kesva an Taves Kernewek pour avoir publié ce superbe et important volume qui devrait pouvoir résister sans problème à l’usage constant associé aux dictionnaires.
Gwyn Griffiths. Traduction Jacqueline Gibson.
(voir le site) de BBC Cymru avec un article à peu près équivalent, publié par Gwyn Griffiths, en gallois : Geiriadur Cernyweg - argraffiad newydd o “An Gerlyver Meur”.
Prix de An Gerlyver Meur : £29.99. En vente chez Tor Mark Press,
United Downs Industrial Estate,
St Day, Redruth,
Cornwall, TR16 5HY, Grande-Bretagne.
(voir le site) de l'éditeur.
Son courriel : office [at] tormark.co.uk