Réforme des universités
La France a des universités que personne au monde n'envie. Elle a aussi le triste privilège d'avoir un ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche : la puissance tutélaire de l'Etat est partout.
La loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) aurait pu mettre en place une véritable réforme en profondeur en libérant les lieux de savoirs. Certes les contenus sont laissés à la discrétion des enseignants-chercheurs qui imposent des types de savoir à des étudiants captifs, mais le succès ou l'insuccès des enseignants-chercheurs se cache derrière l'apparente autorité du discours universitaire.
L'Etat n'a plus les moyens d'entretenir cet instrument de pouvoir qu'a été l'université, mais il en conserve le contrôle après l'avoir détruite.
Jusqu'en 1969, l'Université de Rennes comprenait quatre Facultés : Droit, Lettres, Sciences, Médecine. En 1969, cette structure a fait place à une organisation en plusieurs Universités. Dans la capitale bretonne l'Université de Rennes I (droit, économie, gestion, santé, sciences) et l'Université Rennes 2 - Haute Bretagne (langues, sciences humaines et sociales, arts, lettres, communication, sports) se partagent les anciennes Facultés.
Gilbert Béréziat, ancien président de l'université de Paris VI souligne l'incohérence de cette fragmentation des universités : « La fracture qui existe en France entre facs de sciences et facs de lettres et de sciences humaines est unique au monde. Elle est préjudiciable aux secondes, qui manquent cruellement de moyens. »
La réforme du gouvernement qui s'inspire des universités américaines ne concerne que les moyens et fait silence sur leur organisation.
Les universités américaines sont de vastes ensembles agglomérant des départements d'enseignement en sciences et en humanités. On y enseigne aussi les « Liberal Arts » : littérature, philosophie, sciences politiques, anthropologie, sociologie……
Les mécanismes qui contrôlent le fonctionnement des universités américaines ont institué un cercle vertueux qui explique leur succès.
Que l'université soit publique ou privée, l'autorité ultime est détenue par un Conseil d'Administration qui nomme son Président. Ainsi à Rennes il n'y aurait plus qu'une seule université sous l'autorité d'un Président, les facultés dépendantes de l'université étant dirigées par des doyens qui secondent le Président.
Le recours à une puissance tutélaire étant inexistant ou quasi-inexistant, le budget de l'université dépend du succès des enseignants-chercheurs aux appels d'offres et autres financements extérieurs. Pour survivre, l'université n'a pas d'autre choix que de recruter les meilleurs enseignants-chercheurs capables de ramener des contrats extérieurs.
Grâce aux deniers dégagés par les départements recherche et développement, l'université peut maintenir un enseignement de qualité dans le domaine des Humanités. Ce sont tous les domaines de savoir qui sont pris en compte. Les budgets obtenus par les sciences servent aussi aux lettres car il s'agit de rester fidèle au fondement historique et philosophique de l'université.
Cette organisation permettrait aux facultés actuellement regroupées sous l'appellation Rennes 2 de fonctionner, alors qu'elles apparaissent condamnées avec cette réforme à ne survivre médiocrement qu'avec de l'argent public. Un argent qui se raréfie. La réforme du gouvernement néglige l'enseignement des humanités au profit d'une adaptation au monde professionnel. Il existe un enseignement professionnel : les IUT, les écoles d'infirmières, les IUFM, les facultés de médecine, les écoles vétérinaires, d'architecture, les Beaux-Arts….
La vocation « universelle » de l'université, sa raison d'être, ne peut être sacrifiée sur l'autel d'une économie à cour terme et mal gérée.
A défaut d'un fédéralisme que nous réclamons, une régionalisation de l'enseignement imposerait aussi une redéfinition des moyens. Le désengagement financier de l'Etat n'est pas autre chose qu'une adaptation de ses crédits à une baisse de ses recettes. Toute proportion gardée, la Bretagne ne serait pas plus argentée pour financer des universités publiques.
L'autonomie et la responsabilisation des universités sont une bonne chose. Elles encouragent l'émulation et la performance des enseignants qui font la réputation de l'université et lui apporte une grande partie de ses crédits. Chaque université recrute ses enseignants en négociant avec l'intéressé. Il n'y a plus de pantouflage statutaire.
Mieux encore. Il ne s'agit plus d'acquérir des connaissances et un diplôme et penser que les quarante années d'activité qui suivent seront réglées à l'aune de cette courte parenthèse universitaire, mais de savoir que ce qui est important n'est pas d'avoir appris, mais de pouvoir sans cesse apprendre et réapprendre.
Le 23 novembre 2007
Jean-Yves QUIGUER
Président du Mouvement Fédéraliste de Bretagne