Mein Kampf au secours des centralisateurs
Alors que le fédéralisme se développe partout dans le monde, il est, en France, l'objet d'une certaine ironie. Le Français est une espèce particulière. Etre Français, c'est faire partie de cette exception qui ne saurait se laisser comparer au reste de l'humanité. Entre l'âge d'or des ancêtres et la misère du présent il a dû se passer quelque chose pour que la France soit devenue si impuissante. On a déjà pu lire des propos de la même teneur qui évoquaient la supériorité d'une race.
[... Qu'est-ce qu'un Etat fédératif ?
Par Etat fédératif, nous entendons une association d'Etats souverains, qui s'unissent de leur propre volonté et en vertu de leur souveraineté, et qui se désaisissent, en faveur de la fédération, de ceux de leurs droits souverains dont l'exercice lui est nécessaire pour exister et subsister.
Cette formule théorique ne trouve, dans la pratique, son application sans réserve chez aucune des confédérations, existant actuellement sur la terre. C'est à la constitution des Etats-Unis d'Amérique qu'elle convient le moins, car on ne pourrait dire que le plus grand nombre, et de beaucoup, des Etats particuliers qui composent cette confédération aient jamais joui primitivement d'une souveraineté quelconque, attendu que beaucoup d'entre eux ont été, pour ainsi dire, dessinés au cours des temps sur l'ensemble du territoire que dominait la confédération. C'est pourquoi, lorsqu'il est question des Etats particuliers composant les Etats-Unis d'Amérique, il s'agit, dans la plupart des cas, de territoires plus ou moins grands, délimités pour des raisons techniques et administratives, dont souvent les frontières ont été tracées avec une règle sur la carte, mais qui ne possédaient et ne pouvaient posséder auparavant aucun des droits de souveraineté propres à un Etat. Car ce ne furent pas ces Etats qui fondèrent la confédération, mais ce fut la confédération qui forma d'abord une grande partie de ces soi-disant Etats. Les droits indépendants, très étendus, qui furent laissés, ou, pour mieux dire, reconnus, aux différents territoires n'ont rien à voir avec le caractère spécifique de cette association d'Etats ; ils correspondent à l'étendue de son domaine, à ses dimensions dans l'espace qui sont presque celles d'un continent. On ne peut donc parler de la souveraineté politique des Etats composant l'Union américaine, mais des droits qui leur ont été constitutionnellement définis et garantis, ou, pour mieux dire, de leurs privilèges.
La formule donnée ci-dessus ne s'applique pas non plus exactement à l'Allemagne, bien que les Etats particuliers aient, sans aucun doute, d'abord existé en Allemagne en qualité d'Etats, et que le Reich soit sorti d'eux. Seulement, le Reich n'a pas été formé par la libre volonté et l'égale collaboration des Etats particuliers, mais par les effets de l'hégémonie d'un d'entre eux, la Prusse. Déjà la grande inégalité qui règne entre les Etats allemands en ce qui concerne l'étendue de leurs territoires ne permet pas de comparer le mode, de formation du Reich avec celui des Etats-Unis. Il y avait un tel disparate, au point de vue de la puissance, entre les plus petits des anciens Etats confédérés allemands et les plus grands, surtout le plus grand de tous, que les services qu'ils pouvaient rendre à la confédération étaient de très inégale importance et qu'ils n'ont pu prendre la même part à la fondation du Reich, à la formation de la confédération. En fait, on ne pouvait parler, au sujet de la plupart de ces Etats, d'une véritable souveraineté et l'expression : souveraineté de l'Etat, n'était pas autre chose qu'une formule administrative et vide de sens. En réalité, le passé, et aussi le présent, avaient mis au rancart beaucoup de ces prétendus « Etats souverains » et avaient ainsi prouvé de la façon la plus claire la fragilité de ces formations politiques souveraines .
Ce n'est pas ici le lieu d'exposer dans le détail comment ces Etats se sont constitués au cours de l'histoire ; il suffit de signaler que, presque en aucun cas, leurs frontières ne coïncident avec l'habitat d'une race allemande déterminée. Ce sont des créations purement politiques et dont la plupart remontent à la plus triste époque du Reich : à celle de son impuissance et du morcellement de notre patrie qui était à la fois la conséquence et la cause de cette impuissance. A. Hitler- le Fédéralisme n'est qu'un masque ...]- Mein Kampf
Les partisans du grand rassemblement national autour de la Patrie, de la Nation et de la France ne disent pas autre chose. L'Ile de France n'est pas autre chose qu'une Prusse pour un Chevènement ou un Pasqua, mais aussi pour la grande majorité des socialistes et umpistes.
Le communautarisme Breton ou Corse serait une menace pour l'unité nationale qui n'accepte que le communautarisme dominant, celui de la République
[...Un Reich national et vigoureux, qui sait reconnaître et protéger dans toute leur étendue les intérêts de ses citoyens au delà des frontières, peut leur offrir la liberté à l'intérieur, sans avoir à craindre pour la solidité de l'Etat. Mais, d'autre part, un gouvernement national énergique peut se permettre d'empiéter largement sur la liberté des particuliers aussi bien que sur celle des Pays, du moment que chaque citoyen se rend compte que de pareilles mesures sont nécessaires à la grandeur de la nation...] A. Hitler- le Fédéralisme n'est qu'un masque - Mein Kampf
Assurer la grandeur de la nation aux dépens des libertés des particuliers et des pays, privilégier le tout sur la partie, est aussi une rhétorique qui ne nous est pas inconnue.
[... Il est sûr que tous les Etats du monde s'acheminent, par l'évolution de leur organisation intérieure, vers une certaine centralisation. L'Allemagne ne fera pas non plus exception à cet égard. C'est déjà aujourd'hui une sottise de parler de la « souveraineté d'Etat » des pays, car elle ne convient pas, en réalité, à la taille ridicule de ces formations politiques. A. Hitler- le Fédéralisme n'est qu'un masque -...] Mein Kampf
On retrouve cette conviction dans la pensée de la Datar et des maîtres en aménagement et planification qui ne font jamais l'économie de leur suffisance.
« Nos vingt-deux régions ne sauraient concevoir valablement une politique de la recherche pour prendre le relais de la centralisation parisienne. Nos onze régions littorales ne sauraient pas davantage concevoir une politique portuaire. Il nous faut de grandes régions centrées sur de véritables métropoles. Retrouvant sans le savoir un chiffre publié sous la Révolution, Raymond Barre en voyait neuf. » Loeiz LAURENT
Le critère de taille minimale n'a jamais été démontré. En revanche, les petits états fédérés ont souvent un niveau de vie supérieur aux états de plus grande dimension. Par habitant, le Vermont est plus riche que la Californie. Les cantons suisses ne sont pas pauvres et Hambourg n'est pas un état très étendu. Si ces auteurs s'éloignent de la rigueur des faits, c'est que leur pensée est dominée par une idéologie au service d'intérêts inavoués.
Insérer la Bretagne dans un Grand-Ouest informe, c'est nier sa réalité, sa singularité, son histoire, ses ambitions. Et de quel droit quelqu'un peut-il prétendre dessiner les contours d'une région qui serait le produit de sa seule imagination ? Quelle légitimité justifierait un tel jeu ? Car il s'agit d'un jeu machiavélique de quelques apprentis sorciers qui, autour d'une table, un soir d'hiver, découperaient des territoires comme si ceux-ci n'étaient pas habités. Habités, ils le sont, et c'est aux populations à décider de leur avenir, et à elles seules.
La taille d'un état fédéré n'a guère de sens dans un état fédéral, car c'est au niveau de la Fédération que le critère de surface et de population peut éventuellement être considéré. La Bretagne a autant de possibilités de s'enrichir dans une Europe fédérale que le Vermont au sein des Etats-Unis.
Ce qui nous sépare d'Hitler, c'est sa haine du fédéralisme. (Evidemment, pas que ça…). Ce qui rapproche les centralisateurs de l'auteur de Mein Kampf, c'est cette négation de la démocratie, le mépris des populations toujours repoussées dans espaces où la pensée ne peut prendre forme, cette certitude délétère qu'un peuple ne pense pas, qu'il est décidément trop bête pour penser. Un découpage de l'hexagone en puzzle de 6 ou 9 pièces, n'est pas autre chose qu'un avatar de la centralisation, quand bien même on change le nom pour mieux tromper.
Le 26 octobre 2007 Jean-Yves QUIGUER Président du Mouvement Fédéraliste de Bretagne