6 septembre 2005
La SNCF a confirmé, le jeudi 4 août, que les lignes Quimper-Toulouse, Nantes-Lyon et Caen-Le Mans-Tours, dont la perte cumulée avoisine 20 millions d'euros par an, risquaient d'être moins alimentées en trains, voire arrêtées, lors du passage au service d'hiver mi-décembre.
Plusieurs questions viennent à l’esprit :
La nouveauté du langage de la SNCF, habituellement peu enclin à parler de déficit. La transversalité de certaines lignes serait-elle elle-même génératrice de la faiblesse du taux d’utilisation ? Pourquoi le réseau ferré est-il un réseau radial ? Qui en tire profit ? Que signifie une politique d’aménagement du territoire ? Qui l’organise, qui la finance ? Quelle est l’autonomie de la Région dans le développement de certains modes de transport ?
1) Le seul train qui fonctionne bien à la SCNF est un train spécial dont on parle peu, le train du gaspillage de l’argent public. A chaque gare, le contribuable paie et ce train emprunte, hélas, une ligne sans terminus. La réalité de la SNCF dépasse sa propre caricature.
Il est même impossible de connaître le montant exact des deniers publics engloutis chaque année par la SNCF qui tient une comptabilité opaque et ne joue pas la carte de la transparence. Il existe un véritable déni de démocratie de la part de la SNCF. Pour information, le lecteur doit savoir que la SNCF, c’est bien autre chose qu’un service public de transport ferroviaire.
La société immobilière des chemins de fer possède environ 80 000 logements et des filiales HLM (SICF et La Sablière). La SNCF possède 44,19 % du groupe Géodis (Calberson…etc)
Quand Louis Gallois, président de la SNCF, claironne que l’entreprise sort du rouge, il oublie tout simplement d’évoquer les milliards de subventions reçues annuellement et il reste muet sur la dette (SNCF + RFF, un trou de 40,5 milliards d’euros). Réflexe logique d’un énarque qui apprend à vivre aux dépens de l’Etat et non à gérer une entreprise.
Un regard porté sur le compte d’exploitation de 1999 est suffisamment éloquent : les produits du trafic et activités annexes s’élèvent à 57 milliards de francs, pour des charges qui grimpent à 118,5 milliards. La différence, 61,5 milliards) est supportée par le contribuable à qui on demande, en sus, de verser 14 milliards de francs pour équilibrer le compte retraite. (ils n’apparaissent pas dans le compte de résultat). Le contribuable aura donné 75,5 milliards de francs aux cheminots en 1999. Une bagatelle qui ne représente que trois fois et demi le budget de la justice. Il existe un lien direct entre cette dépense inconsidérée et insolente de l’argent public avec la persistance d’un taux de chômage élevé. Quand un rmiste finance la retraite surévaluée d’un cheminot, ne serait ce qu’en payant la TVA, on est en droit de s’interroger.
2) La SNCF annonce que les trains inter-régionaux Corail généreraient un déficit de 124 millions d’euros. Les trois lignes qualifiées d’ultra-déficitaires sont des lignes atypiques dans le réseau national. La transversalité de ces lignes est sans doute à l’origine de leur négligence. Quiconque a déjà utilisé le Quimper-Toulouse connaît la lenteur excessive des trains. Le réseau ferroviaire français est organisé d’après un schéma de radialité organisé en arborescence au départ de Paris. C’est ce réseau qui bénéficie de l’attention et des investissements. Le développement du TGV s’est réalisé aux dépens des lignes secondaires et de la desserte des gares intermédiaires. Les trains de grande ligne qui assurent le cabotage entre les centres urbains du parcours sont supprimés.
La comparaison avec l’Allemagne met en évidence deux logiques. La logique centralisatrice de la France et la démarche fédéraliste de l’Allemagne. La France gomme le territoire et pense en vitesse/itinéraire. Un jour, Quimper-Paris en moins de 3 heures en TGV ! On ne dira plus j’habite à Rennes, mais je vis à moins de 1 heure 45 de Paris, car tout, on le sait, se rapporte à la Capitale de la France. Est-il possible de penser autrement ?
La grande vitesse détériore la densité des relations de proximité inter et intra-régionales. Elle bénéficie sans surprise à Paris. L’Allemagne développe la desserte territoriale et utilise l’ICE (équivalent allemand du TGV) comme un accélérateur de l’ensemble du réseau.
3) L’aménagement du territoire n’a pas à être l’affaire de l’Etat. L’action publique en Bretagne doit être conduite par la région. Ceci est d’autant plus pertinent dans le domaine des transports que la mobilité quotidienne est avant tout régionale. L’échelon territorial en termes de mobilité, c’est la région, car il est à la charnière entre le global et le local et de plus il colle au mieux à l’éloignement des relations domicile/travail qui augmente avec la périurbanisation
D’autre pays, comme l’Allemagne ou la Suisse, ont placé le transport régional ferroviaire au centre de l’offre de mobilité alternative à la voiture, très souvent avec succès, comme c’est le cas avec le tramway ferroviaire de Karlsruhe (Allemagne) qui fait office à la fois de tramway urbain et de train léger express régional dans les communes environnantes. Pourquoi ne pas s’inscrire dans cette même voie en Bretagne ?
Cet exemple montre l’avance des pays fédéralistes en matière de bien-être collectif.
Le défi à relever est immense car le transport ferroviaire est largement sous utilisé après des décennies d’une gestion centralisée et monopolistique qui l’a coupé des attentes et préférences régionales des citoyens.
Il s’agit moins d’aménagement que de ré-aménagement de l’espace régional. On a vu se construire des cités entières, non seulement en péri-urbanité, mais aussi dans des espaces plus éloignés. Non seulement le paysage rural s’en trouve perturbé, mais la pollution s’accélère, et on en perçoit aujourd’hui la gravité des conséquences. Cette véritable anarchie de l’occupation de l’espace, plébiscitée par les élus ruraux qui accueillent avec délectations ces nouveaux « rurbains » ne serait-ce que parce qu’ils vont sauver l’école de l’ancien village, génère des effets pervers redoutables.
Pour la Bretagne, il y a en effet urgence à relancer l’attractivité du mode ferré en termes de bien-être collectif si l’on se place maintenant dans une optique plus dynamique car le rôle du transport ferroviaire ne cesse de décliner sur longue période face à la voiture particulière.
La régionalisation n’a pas un impact sur les seules régions : elle signifie aussi un mutation du métier de la SNCF qui devient un prestataire de services de transport régional ferroviaire :
« Cette réforme là où elle est expérimentée constitue un facteur de développement pour nos activités. Mais cela suppose aussi une mise en mouvement de l’offre avec une culture de proximité, d’écoute et de résultats » reconnaît Christian COCHET, directeur du transport public régional et local. Afin de se préparer, la SNCF a nommé dès 2000 un directeur délégué TER dans chaque région en contact direct avec le conseil régional. Il y a encore beaucoup à faire, en particulier du côté de la qualité de services – défaillance du service en cas de grève, non respect de la ponctualité, qualité de services en gare, affichage et information…
En termes de coûts, certaines études scientifiques pointent du doigt le surcoût d’une gestion SNCF du transport régional, que les régions supportent. Ainsi la gestion d’un autorail par un seul conducteur-contrôleur, impensable aujourd’hui car il faut statutairement deux agents SNCF, amène des baisses importantes de coûts : selon une étude de CROZET et HÉROUIN (1999), les coûts TER-SNCF s’établissaient à la fin des années 90 à 57 FF/km, contre 25 FF/km pour des services TER-SNCF potentiellement optimisés à 1 agent et 16 FF/km pour des services du type CFTA (en regard, le coût d’un service de bus interrégional s’élève à 10 FF/km environ).
De surcroît, le jeu d’acteurs entre la Région et la SNCF est biaisé puisque la SNCF se présente aux régions comme une « force de proposition » et « un exploitant-conseil » ! Comment en effet imaginer une indépendance de choix publics, de gestion, de stratégie si un agent de la SNCF en détachement gère le transport régional ferroviaire au sein du Conseil Régional ? Les régions doivent accroître leur pouvoir de marché et leur marge de manœuvre face à la SNCF et, à tous prix, garder la maîtrise de l’évolution de leurs finances publiques régionales, en s’affranchissant de l’influence de la SNCF sur leur compétence propre.
Derrière ce débat se profile l’enjeu de la régionalisation, à savoir l’ouverture à la concurrence des services régionaux ferroviaires. L’enseignement des réformes suédoises est clair de ce point de vue: les appels d’offre pour la franchise régionale d’exploitation de réseaux ferroviaires régionaux, comme celui de la région de Stockholm (géré indirectement par la SNCF via des filiales (Via GTI en particulier), ont amené en moyenne une baisse immédiate de 20 % de la facture globale, à offre constante, simplement par la mise en concurrence de différents opérateurs potentiels.
Des économies importantes sur les coûts sans dégradation de l’offre et des gains importants de productivité, d’efficacité et de qualité de service devraient pouvoir être accomplis du côté de la SNCF. Nous avons là un des enjeux pour un succès à terme de la régionalisation. En réalité, chaque avancée vers une véritable régionalisation n’est qu’un pas lent et lourd vers le fédéralisme qui s’impose comme la solution aux nombreux problèmes et défis que nous rencontrons. Cette marche lente et lourde, donc coûteuse, pourrait être alerte et légère.
Que va faire notre Président de Région, lui-même fonctionnaire ?
Défendra-t-il l’intérêt général des Bretons ou la corporation des cheminots ?
Affaire à suivre…
Mouvement Fédéraliste de Bretagne 12 rue d'armorique St Grégoire JY QUIGER