L'injustice de proximité
Le projet gouvernemental de réforme de la carte judiciaire suscite des émotions assez surprenantes.
La première d'entre elles est celle des avocats qui sont marris d'être soudainement dans la même situation que des employés à qui on apprend que leur entreprise va se délocaliser. On comprend mieux pourquoi le libéralisme de la profession est suspect.
La seconde est celle du Président du Conseil régional qui s'émeut de la réponse apportée aujourd'hui qui « sans concertation ni étude d'impact n'est pas acceptable : une approche globale, intégrant les conséquences économiques et sociales des suppressions et transferts proposés sur le tissu local, devra être prise en compte » .
La troisième est celle de Madame Lebranchu qui citant une étude réalisée en 2000, nous apprend qu'elle avait montré deux choses : « que le nombre de postes « récupérés » était infime au regard des traumatismes créés, que le premier travail doit être celui de l'organisation judiciaire parce qu'il est vrai qu'il y a beaucoup à faire ».
Au lieu de s'interroger sur la justice et ses pratiques, sa façon de dire le droit, au lieu de questionner sa légitimité, on réclame de la proximité, en n'y voyant, pour une fois, que des vertus. C'est oublier que la proximité n'est pas exclusivement spatiale : elle est aussi temporelle et humaine.
Une justice de proximité, c'est aussi une justice rendue par des proches, à l'extérieur de tout Palais qui privilégie une relation horizontale entre le citoyen et le juge.
On voit moins les avocats manifester dans la rue pour demander que l'on change de type de procédure et que l'on abandonne la procédure de type inquisitoire pour adopter la procédure accusatoire. Il en va pourtant des libertés individuelles.
Doit-on s'étonner que nos concitoyens n'aient pas confiance dans la justice ?
Où sont ces voix pour exiger que la justice ne soit plus une autorité judiciaire, soumise à l'exécutif, mais un pouvoir judiciaire indépendant ?
Que peut signifier une proximité quand elle est vide de légitimité ?
Une justice rendue au nom du peuple ne tient sa légitimité que de lui, et de lui seul. Dans une démocratie, le juge doit être élu et c'est son mandat électif qui établit sa légitimité et garantit son indépendance.
L'absence de pouvoir judiciaire indépendant ouvre la porte d'un pouvoir disciplinaire qui signe la fin du droit.
Il existe des proximités trompeuses et il n'est pas forcément souhaitable de voir le diable de plus près.
Le 29 octobre 2007
Jean-Yves QUIGUER Président du Mouvement Fédéraliste de Bretagne Membre de l'Union des mouvements fédéralistes