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- Interview -
Kreiz Breizh : Pour avoir le droit d'être malade, prière d'être mourant

Enfant malade au milieu de la nuit. Comme tout parent : la voiture, l'enfant sur les genoux de la mère et zao ! Mais où trouver un service d'Urgences dans le Centre-Bretagne ? Selon Google, il y a un hôpital au Faouët. Pas trop loin ! 15-20 mn à peine. Hélas...

F. Lécuyer pour ABP le 8/09/11 17:04

Témoignage d'un couple venu passer une semaine de vacances en Centre-Bretagne cet été.

Enfant malade au milieu de la nuit. Comme tout parent : la voiture, l'enfant sur les genoux de la mère et zao ! Mais où trouver un service d'Urgences dans le Centre-Bretagne ?

Selon Google, il y a un hôpital au Faouët. Pas trop loin ! 15-20 mn à peine. Hélas, arrivé sur place notre petit patient est trop jeune d'à peu prêt 80 ans. L'hôpital du Faouët est en effet plus un mouroir qu'un hôpital. Ici, pas moyen de s'y faire soigner à moins d'être déjà dans le 4e âge bien tassé et d'arriver sur les genoux.

A défaut d'avoir pu offrir un service de santé correct aux habitants du Faouët, les autorités sanitaires ont bien fait les choses : le foyer logement, l'hôpital et le crématorium sont dans un alignement parfait. D'ailleurs, il n'est pas rare d'entendre les pensionnaires qui regardent le sinistre bâtiment situé de l'autre côté de la route soupirer «d'ici peu, je serai là-bas».

Quoi qu'il en soit, l'hôpital public dans ce bout de Cornouaille a désormais choisi son public : les personnes (très) âgées. Pour les jeunes incongrus habitants encore le Centre-Bretagne, prière d'aller agoniser ailleurs. Et dire qu'il fut un temps où l'hôpital comptait un service radiologie et même une maternité de 10 lits !

Donc, exit Le Faouët, l'équipe médicale nous indique le prochain service d'Urgences : Carhaix. 34 km. Faut pas être un pressé de la blessure !

Arrivée aux urgences de la cité du Poher au milieu de la nuit avec la petite qui va de plus en plus mal. Bâtiments flambants neuf ! Nous sommes accueillis par une secrétaire. Humaine, sympa. En fait, au fil du temps, nous allons nous apercevoir qu'en plus d'être secrétaire elle est également brancardière, infirmière, aide-ménagère, technicienne de surface, etc., une vraie petite entreprise à elle seule !

De notre côté, nous respirons, nous voilà dans un service hospitalier ! La petite, qui n'arrête pas de pleurer depuis des heures, va enfin aller mieux... «On va enfin s'occuper d'elle rapidement»... Mais rapidement on va revenir de notre rêve d'opaline. Un coin de couloir nous est alloué. Et un brancard. «Toutes les chambres sont occupées Monsieur». Même pour une gamine de 2 ans. Les employés vont et viennent. Il n'y a qu'un médecin apparemment. Autour de nous, 4 autres brancards. Un vieil homme à l'agonie. Ah lui au moins est dans le tempo ! Un ado qui vient de faire une tentative de suicide, une dame âgée avec une vilaine plaie à la jambe et un homme allongé visiblement bien mal en point.

La secrétaire multi-fonctions passe régulièrement nous demander si la petite va bien. Elle finira d'ailleurs par s'endormir. Le personnel est charmant mais débordé par la tâche. Des éclopés arrivent toute la nuit. Et on leur invente des nouveaux coins. Les brancards finissent par s'accumuler ça et là. Entre eux, un drap ou une sorte de paravent. Bien entendu, nous savons tout des divers afflictions du vieillard et de la triste vie familiale de l'ado suicidaire puisque le médecin qui l'interroge paraît être sur mes genoux. Aucune confidentialité, aucune intimité.

Après deux heures et demi d'attente, un médecin se penche enfin sur le cas de notre petite. Malgré l'accumulation de misère et l'indigence en matière de personnel, celui-ci réussira à garder une certaine humanité à l'encontre d'une enfant. Une radio et une prescription plus tard, nous voilà sortis. Ce soir-là il aura fallu pas moins de 4 heures et 60 kms pour trouver un service de santé capable de traiter une gamine de deux ans.

A croire que ce coin de Bretagne a été promis à la désertification par les autorités de santé !


Témoignage de Sabrina, employée à l'hôpital du Faouët, dont l'Agence Bretagne Presse a recueilli le ressenti face à la situation précaire du service public de santé en Centre-Bretagne :

Noyés sous la paperasse

La situation est de plus en précaire en ce qui concerne les services de santé en Bretagne, c'est évident. On nous demande de plus en plus, à nous personnel de terrain, d'utiliser l'informatique, notamment mais pendant ce temps nous ne pouvons être auprès des patients. Or c'est notre place. Aujourd'hui, par exemple, on met de plus en plus l'accent sur la traçabilité. C'est une bonne chose en théorie, mais comme il n'y a pas d'embauche de personnel, c'est à nous de faire le travail supplémentaire. Il nous faut donc remplir des tonnes de papiers pour le moindre geste médical ou para-médical. Mais nous nous ne sommes pas formés pour faire ça. De plus, avec la surcharge de travail on arrive à une situation paradoxale où il y a de plus en plus de traçabilité et en même temps il n'y a jamais eu autant de fautes faites dans les hôpitaux.

Les gens sont stressés, sous pression, alors parfois ça va “a-dreuz” (de travers).

Dernièrement, il a été fait une scintigraphie à la place d'une radio des poumons par exemple. Et hop tout va être à refaire ! Les gens qui travaillent dans les hôpitaux sont fatigués. On peut leur demander de remplir des tonnes de tableaux et faire des comptes-rendus à la chaîne, ça ne changera rien. Nous maintenant, on met des haricots dans des boîtes, le patient est devenu une marchandise, une “chose”. Quand on s'occupe de personnes âgées, il faut savoir prendre le temps de les écouter, chercher à comprendre ce qu'elles veulent, surtout que beaucoup ne communiquent plus qu'en breton. Mais comme on nous demande d'aller de plus en plus vite, on n'a plus de temps à leur consacrer. Où est-ce qu'est le respect de la personne humaine dans tout ça ?


La co-direction : Le nouvel Ankoù des hôpitaux ruraux

Au Faouët, où la fusion de la direction de l'hôpital avec celle de Quimperlé a été annoncée, l'inquiétude grandit. Sabrina nous explique pourquoi :

Jusqu'à maintenant, nous avions, à l'hôpital du Faouët, une cantine «familiale» pour nos patients. Les anciens ont besoin de ce genre de cuisine, vous savez. Si la fusion a lieu, tous les matins, les repas seront apportés de Quimperlé en plats lyophilisés et nos anciens n'auront qu'à avaler sans avoir leur mot à dire.

Mais ce n'est pas encore le plus inquiétant.

Fusionner Le Faouët et Quimperlé signifie fusionner les personnels. Donc quand il y aura trop de mondes au Faouët, on vous enverra à Quimperlé, pour une journée, une semaine, un mois, qui sait ? Et comment voulez-vous avoir une vie de famille comme ça ?

Pour les anciens ce sera pareil, s'il y a un manque de places ici, les nouveaux arrivants seront expédiés à Quimperlé. S'il leur reste de la famille ici, comment se feront les visites ? Au-delà de 70 ans, il est parfois dur de prendre le volant surtout pour aller jusqu'à Quimperlé ! Alors quand l'époux ou l'épouse sera hospitalisé comment fera celui qui reste ? Il s'abstiendra d'aller le visiter ou attendra que quelqu'un veuille bien le conduire. Ça, les grands penseurs de la Santé n'y ont sûrement pas réfléchi. Est-ce que cela fait partie de leurs préoccupations d'ailleurs ?

Au niveau de l'hôpital rural, tous les petits hôpitaux locaux sont rattachés à un autre hôpital plus important (Carhaix rattaché à Brest par exemple), donc c'est la fin des hôpitaux de campagne. Nous, on ne servira qu'à s'occuper des personnes qu'on ne voudra plus ailleurs. Les vieux vraiment vraiment vieux. Ceux qui ne coûteront pas cher longtemps en gros, eh oui c'est comme ça qu'ils raisonnent, il ne faut pas se faire d'illusion.


En 2003, les hôpitaux de Guérande et du Croisic ont été fusionnés, en 2009, c'était au tour des hôpitaux de Dinan, Saint-Malo et Cancale de subir le même sort.

Même peine pour Brest et Carhaix la même année.

Un projet de fusion des hôpitaux de Guémené-sur-Scorff et de Loudéac/Pontivy est en cours.

Voir aussi :
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Cet article a fait l'objet de 1278 lectures.
Fabien Lécuyer est spécialisé dans l'enquête journalistique, les mouvements "en marge" du bipartisme et les mouvements indépendantistes .
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Vos 5 commentaires
  Louis-Benoît GREFFE
  le Vendredi 9 septembre 2011 21:45
Bonsoir,
C'est malheureusement un mouvement ancien : le pic en matière d'équipement / km² a été atteint en Bretagne dans les années 30, lorsque les hospices construits dans les deux dernières décennies du XXe se sont conjugués avec les fondations "modernes" de l'immédiat après-guerre (je laisse hors classement les hopitaux complémentaires de 1916/1918).
Pour donner un exemple, en Loire-Atlantique, il y avait alors un hospice à BLAIN (devenu maison de retraite), un à GuEMENE, un à PLESSE (pour tous ces cantons très étendus il n'y a aujourd'hui le choix qu'entre Redon et Nantes), plusieurs dans la campagne autour de Nantes, dans le Vignoble (VERTOU, le LOROUX, CHATEAU-THEBAUD), plusieurs dans le pays de Retz, notamment PAIMBOEUF dont j'évoquais le triste sort de la chapelle récemment, etc. + les sanas de la côte.
Aujourd'hui, quand on habite "au milieu" de la partie nord du département, on fait facilement 40 à 50 km pour trouver un hôpital ou aller chez un médecin spécialisé... pas le choix ! idem quand on habite dans le pays de Retz... et cela pour un département qui n'a pas connu rééllement d'exode rural ni de déclin industriel marqué (Castelbriantais mis à part).
Alors j'imagine le centre Bretagne ! Il est probable, fort probable, que cette désertification fusse volontaire, sans doute justifiée par des projections par trop pessimistes de déclin de la population des campagnes et des vues économiques d'hyper-rationalisation.
La même rationalisation fut appliquée dans le centre de la France, où je suis expatrié. Là-bas, la désertification a été conforme aux prévisions, voire les a dépassé. Des régions très rurales, mais à portée de l'Ile de France ou de Tours, comme la Sologne et le pays de Racan, étaient suréquipées d'hopitaux et de sanatoriums. Il n'y a aujourd'hui plus rien, et cela paraît normal là où il y a à peine 2 habitants pour un km² de forêt.
Dans les régions rurales de Bretagne, du fait de l'afflux des urbains et surtout des français venus se réfugier dans notre pays, afflux que même Libé se plaît à souligner (http://www.liberation.fr/societe/01012358084-la-bretagne-pays-de-cocagne) il y a eu, de fait, un plantage généralisé des politiques à long terme, ce qui souligne une fois de plus l'inanité des prévisions à long terme et surtout de l'application stricte, centralisée et irréversible de celles-ci.
Aujourd'hui, rééquiper les régions rurales coêterait des millions et prendrait des années, plus que ce que aurait coûté le maintien de tous ces petits hopitaux de campagnes et de leurs services.
C'est le coût de la bêtise.
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  Jean-Marc
  le Vendredi 9 septembre 2011 22:25
"Quand on s'occupe de personnes âgées, il faut savoir prendre le temps de les écouter, [...] surtout que beaucoup ne communiquent plus qu'en breton"
Que veut donc bien dire cette phrase? Quand on est vieu et déficient (mental?) on ne parlerait plus que le breton? Le breton signe de dégénérescence cognitive?
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  Louis Le Bras
  le Dimanche 11 septembre 2011 11:28
Mon grand-père qui vit à Sant-Brieg est arrivé aux urgence avant-hier à l'Hôpital Le Foll a 20 heures a été pris en charge à 6 heures le lendemain !!
Donc ceci n'est pas valable que pour le Kreiz-Breizh...
Le système de Santé est en train de s'effondrer de partout hors Métropoles de plus de 300 000 habitants.
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  Renée Mazé
  le Dimanche 11 septembre 2011 15:05
Allons Jean Marc, vous êtes bien susceptible.
Vrai il faut prendre le temps avec les personnes âgées. On ne peut pas les brusquer. Ce n'est pas de leur époque. De surcroît si elles entendent mal. On ne peut pas leur parler en style télégraphique en passant vite fait comme entre deux portes pour un petit "coucou"... Quelle que soit la langue dans laquelle on s'exprime, quel que soit le pays où cela se passe.
Pour moi la phrase veut seulement dire que pour le personnel, pas forcément parfaitement bilingue, la conversation est plus lente avec les personnes âgées qui ne parlent que le breton, ou qui, étant devenues vieilles y reviennent, pensant mieux s'exprimer ainsi. C'est arrivé à mon père... Aucun rapport avec votre supposition.
C'est la même chose dans les banques. Un jour j'étais à Lanrivain. Au bistrot du bourg un employé du Crédit agricole ou mutuel (en tournée avec le camion) expliquait justement cela, la durée des tournées du fait des Bretons monolingues et du personnel pas toujours assez bretonnant.
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  jean Thomas
  le Lundi 12 septembre 2011 13:33
La règle aux Urgences de tout hôpital est de traiter les patients par ordre d'urgence et pas par ordre d'arrivée ou par âge. S'il y a du monde ce peut être long.
Aller au Faouet n'était pas une bonne idée. En cas de problème réellement urgent, mieux vaut appeler directement le 15. Il aurait au moins pu conseiller, voire envoyer les pompiers ou le SMUR en cas de vraie urgence.
Ceux-ci sont aussi souvent encombrés du fait de l'absence de médecins de garde.
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