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- Reportage -
Le Livre des Saints Bretons
Aujourd'hui plus personne ne croit aux miracles et nous nous étonnons même que nos ancêtres aient pu y croire avec une telle ferveur, une telle dévotion. Bernard Rio a essayé
Par Philippe Argouarch pour ABP le 8/11/16 17:42

Aujourd'hui plus personne ne croit aux miracles et nous nous étonnons même que nos ancêtres aient pu y croire avec une telle ferveur, une telle dévotion. Bernard Rio a essayé de comprendre les mécanismes de cette vénération dans son nouveau livre : Le Livre des Saints Bretons sorti aux éditions Ouest-France.

Prisonniers de structures sociales verrouillées dès la naissance, il n'y avait pas trop de portes de sorties pour les petites gens du Moyen-Âge. Les hérétiques étaient brûlés vifs et les rebelles pendus. Dans un monde d'autre part décimé par les épidémies, les invasions et les guerres incessantes entre seigneurs, il ne restait plus comme protection que la transcendance spirituelle et la promesse d'une vie meilleure dans l'Au-delà. Le peuple n'attendait que des saints à qui se vouer devant une insécurité généralisée et une forte probabilité de mourir avant l'âge de 30 ans.

Des individus atypiques capables de miracles ou de sainteté visibles aux yeux de tous ont semblé pouvoir échapper à un destin misérable. Certains furent des leaders lors des migrations de la grande vers la petite Bretagne et on s'en remettait facilement à ces fondateurs. D'autres furent des disciples de l'ascétisme prôné par St Colomban. Ces sidhartas bretons admirés de tous, vénérés et sanctifiés par la vox populi finirent par être reconnus par l'Eglise romaine mais les saints bretons étaient déjà entrés dans la mémoire collective de tout un peuple.

Chaque génération de Bretons semble vouloir recompiler ce trésor du patrimoine à mesure que des sources et des analyses nouvelles apparaissaient. L'ouvrage magistral de Bernard Rio arrive en complément de la nouvelle Vallée des Saints où des statues de ces héros nationaux sont érigées à un rythme qui défie toutes les prévisions. La résurrection au coeur des croyances chrétiennes semble avoir été devancée en Bretagne pour ces quelques milliers de saints et de saintes.

logo Philippe Argouarch est un reporter multi-média ABP pour la Cornouaille. Il a lancé ABP en octobre 2003. Auparavant, il a été le webmaster de l'International Herald Tribune à Paris et avant ça, un des trois webmasters de la Wells Fargo Bank à San Francisco. Il a aussi travaillé dans des start-up et dans un laboratoire de recherche de l'université de Stanford.
Vos 3 commentaires
Naon-e-dad Le Mercredi 9 novembre 2016 10:42
Cher Philippe,
Merci beaucoup pour cette longue et intéressante, notamment d’un point de vue sociologique, interview de B. Rio.
Quelques remarques me viennent à l‘écoute du propos enregistré :
. un saint ne détient pas de capacité en lui-même – c’est une évidence qui mérite d’être rappelée -, sinon celle d’intercéder, c’est-à-dire d’agir comme médiateur, en apportant son concours à la prière montée jusqu’à lui. En vocabulaire fonctionnel moderne, on pourrait dire qu’un saint agit comme un déflecteur (vers l’unique Divinité) et un amplificateur. Ou, si l’on préfère, comme un soutien dans l’amitié divine.
. « vouer la Bretagne à tous ses saints ». Mais c’est déjà fait. L’auteur rappelle opportunément que Ste Anne (personnage biblique, il s’agit de la mère de la Vierge) est la patronne des Bretons ou de la Bretagne, que St Yves Hélori de Kermartin est le patron des Bretons ou de la Bretagne (ainsi que celui des avocats du monde entier). Il oublie une autre figure : Sainte Marie, mère de Jésus -et aux yeux de la si singulière Foi chrétienne, mère de Dieu (Concile d’Ephèse en 431) - ,à laquelle la Bretagne a été consacrée (1954) par l’ensemble des Evêques de la péninsule bretonne. Indiquons au passage que les conciles dit « œcuméniques », dont le but était à chaque fois de préciser et donc de définir un point de Foi mis au jour par la réflexion et les circonstances, et qui se sont succédés au cours du premier millénaire de notre ère, n’ont pas fait l’unanimité, ce qui a donné lieu à chaque fois à la création d’Eglises chrétiennes spécifiques (séparées de la communion avec Rome) que l’on retrouve aujourd’hui dans cet Orient si tourmenté.
. enfin, une dernière remarque sur les miracles. Il serait utile de regarder ce qui est enregistré à Lourdes. Les critères sont très restrictifs. Il faut en particulier que la guérison soit inexplicable aux yeux de la science la plus avancée, et – plus difficile à établir – il faut pouvoir comparer un avant et un après. En conséquence, si les miracles constatés le sont en petit nombre, ils sont particulièrement bien documentés. Mais plus généralement et plus modestement, je me demande comment l’on peut avoir traversé une large partie de sa propre existence terrestre humaine sans avoir observé des circonstances qui semblent porter la trace de la bienveillance divine. Je pense ici aux activités à risque, en particulier aux activités de nature, assez largement accessibles de nos jours. Invoquer le hasard peut paraître légitime pour la première fois, c’est encore faisable à la rigueur pour la deuxième fois. Au-delà, et à mon sens, il y a véritablement une erreur d’analyse sur le vécu et une non-prise en compte de la réalité, dans sa profondeur.
Il y aurait bien d’autres choses à dire encore sur le sujet.
« Kalz traou all a zo bet graet c’hoaz gant Jezuz, ha ma vefent skrivet hini hag hini, ne c’hellfe ket ar bed a-bez, a gav din,rei plas d’al levrioù a vefe ret skrivañ » (Aviel Sant Yann 21, 23).
« Il y a encore bien d’autres choses que Jésus a faites ; si on les écrivait une à une, je pense que le monde lui-même ne pourrait contenir les livres qu’on écrirait. » (finale de l’Evangile johannique , Yann 21, 23).
A galon deoc’h
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Jacques-Yves Le Touze Le Jeudi 10 novembre 2016 07:08
@Philippe
Juste une remarque: ta vision du Moyen-Age est trop noire je trouve et même trop désespérée. Or, ça fait bien longtemps maintenant que cette période est jugée bien différemment et bien plus positivement. Il serait temps d'arrêter avec ces clichés sinistres.
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Naon-e-dad Le Jeudi 10 novembre 2016 09:21
Pour compléter et préciser (voire infléchir) mon précédent commentaire :
.1 Orient
Ci-dessous, extrait d’un feuillet diffusé par la paroisse ND de Nantes, à l’occasion d’une célébration dominicale selon le rite chaldéen (6 novembre 2016), en union avec les chrétiens d’Orient (réfugiés nantais ou non)
../…
Aux commencements de l’Eglise, il n’y a jamais eu de « liturgie primordiale », unifiée, identique pour tous les chrétiens. Des communautés se sont formées sur le pourtour de la Méditerranée, dans les grands centres de l’époque. – Alexandrie, Jérusalem, Antioche, Constantinople, Rome,… Dans cette période de persécution, chaque centre s’est constitué une « ritualité » propre, autonome, à partir de son expérience de la prière juive, nourri par la fo au Christ mort et ressuscité, et influencé par la culture locale.
C’est de ces différents centres que découlent toutes les liturgies orientales actuelles : les liturgies « copte » et « éthiopienne » viennent d’Alexandrie. La liturgie « byzantine » et la liturgie « melkite » de Constantinople, la liturgie « syro-occidentale » d’Antioche de Syrie…
.../…
Tout au long de l’Histoire, au gré des questions théologiques débattues par les conciles, les communautés chrétiennes de ces différents centres liturgiques se sont trouvées reliées ou non à l’Eglise de Rome et au pape.
…/…
Fin de l’extrait
L’élément le plus important à retenir est celui-ci : la culture orientale est différente de la culture latine. Une église chrétienne peut être catholique (théologiquement, elle s’inscrit dans la communion avec Rome) tout en étant (du fait de son origine géographique et culturelle) de culture orientale. Il s’agit de deux concepts différents.
Voilà pour l’Orient.
.2 Occident
Du côté de l’Occident, nous retrouvons nos saints bretons et les pays celtiques (Irlande, Ecosse, Galles, Cornouailles). Avec par exemple la règle monastique de St Columba/Columcille, connue initialement en Bretagne armoricaine puis remplacée plus tard par celle de St Benoît. Nous retrouvons aussi l’organisation en « plou », qui est spécifique de l’organisation de la société des migrants venus de l’autre côté de la Mer de Bretagne (Mor Breizh).
Ceux qui voudraient creuser ces pistes pourront se rapprocher de l’Abbaye de Landevenneg (réseau des Compagnons de St Gwenole) ou consulter les nombreuses publications bilingues (brezoneg/galleg, mar plij) du Centre diocésain bretonnant du Minihi-Levenez, ces deux structures se situant bien entendu en Finistère.
Hon sent kozh a zo ken bev ha biskoazh !
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