Un peu occultée par les célébrations autour du 70e anniversaire du débarquement en Normandie, la réponse du président des États-Unis à un journaliste qui le questionnait le 3 juin à Bruxelles au sujet de la demande de Francois Hollande d'intervenir à propos des sanctions financières énormes envisagées contre la BNP Paribas par les autorités de régulation de l'Etat de New York, a vite été oubliée par les médias français ou alors brièvement résumée. Dommage.
Accusée d'avoir violé, via ses succursales aux USA, l'embargo de Washington contre l'Iran, le Soudan et Cuba, la banque française, BNP Paribas essaye d'éviter un procès en négociant directement avec les agences de régulations américaines qui demandent 10 milliards de dollars (1).
La réponse d'Obama vaut pourtant son pesant d'or et on ne peut qu'être surpris que le Chef de l'État ait cru un moment que les Etats-Unis puisse fonctionner sur d'autres principes que ceux définis par Montesquieu (2), principes qui sont régulièrement foulés aux pieds par la République. La séparation des pouvoirs ne semble pas faire partie des valeurs de celle-ci, bien que le concept ait fait partie des promesses électorales du candidat Hollande et même si personne ne peut nier qu'il y ait eu un certain progrès depuis la présidence Sarkozy.
Barack Obama : "My answer on the banking case is short and simple : the tradition of the United States is that the president does not meddle in prosecutions...I do not pick up the phone and tell the attorney general how to prosecute cases.…That is not a unique position on my part. Perhaps it is a different tradition than exists in other countries, but it is designed to make sure that the rule of law is not in any way impacted by political expediency.''
Soit : "Ma réponse au sujet de cette affaire (le cas des infractions de la BNP) sera courte et simple : la tradition des États-Unis est que le président ne se mêle pas de poursuites judiciaires... Je ne prends pas mon téléphone pour dire au ministre de la Justice comment orienter les poursuites... peut-être est-ce une tradition différente que celle qui existe dans d'autres pays, mais c'est fait pour s'assurer que l'Etat de droit n'est en aucun cas impacté par des expédients politiques".
Francois Hollande et Montebourg sont scandalisés du montant de l'amende, mais quand Jérôme Kerviel, un simple citoyen et non pas la première banque d'Europe, a été condamné à payer 5 milliards d'euros, ils n'ont pas du tout crié au scandale. Silence total aussi quand Kerviel demandait récemment l'immunité pour certains témoins. En France, la séparation des pouvoirs, c'est surtout quand cela arrange l'Etat. La vérité, c'est que l'État français est le premier actionnaire de BNP Paribas avec 17 % du capital et comme disent les Américains "Money talks". On pourrait dire mieux "Money give the orders". Quand on dirige un Etat aussi endetté, qui doit emprunter 800 millions d'euros par jour pour payer les intérêts sur la dette et pour pouvoir fonctionner, on comprend mieux que l'on veuille ménager les fournisseurs : la BNP et la Société Générale.
(1) Si la BNP Paribas estime la négociation injuste, elle peut toujours aller au procès. De quoi a-t-elle peur ?
(2) Les semaines de discussions qui ont précédé la ratification par les états, en 1786, de la constitution de Philadelphie, ont été conservées. Le philosophe le plus cité est Montesquieu.
Philippe Argouarch