En dix ans d'assemblées générales hebdomadaires, le collectif n'a pas à rougir de son action : manifestations (centre ville de Rennes, centre de rétention de St Jacques de la Lande); occupations innombrables, recherche de logements, visites au centre de rétention...
ABP - A quoi ont abouti ces dix années de lutte ?
CSP35 - Nous arrivons à une situation d'équilibre dans le rapport de forces entre la Mairie, la Préfecture et nous. Notre mission est d'alerter l'opinion, les gens sont surpris d'apprendre qu'il y a des enfants enfermés en France. En dix ans la situation des personnes sans-papiers a évolué dans le mauvais sens : des problèmes de logement de plus en plus accrus (à Rennes entre 300 et 400 demandeurs d'asile et personnes sans-papiers dans la rue aujourd'hui), des demandeurs d'asile de plus en plus nombreux à Rennes a cause de la centralisation des services.
ABP - Et dans vos interventions auprès des familles ?
CSP35- Là aussi on assiste à un changement ... en pire. A une époque, on pouvait occuper un lieu quand une famille n'avait pas de logement et qu'elle venait nous voir lors d'une AG, et on obtenait souvent un relogement. Aujourd'hui, la mairie ne reloge plus, on est viré par la police, mais on intègre ça, en fait, on assiste à une banalisation de cette violence quotidienne. Le curseur a évolué. Le fait qu'un demandeur d'asile doive faire la queue devant la préfecture à partir de 4 heures du matin pour avoir une chance d'être reçu à 9 heures ne choque plus personne ...
ABP - La possible arrivée de Hollande représente-t-elle un espoir ?
CSP35 : Sa proposition n°50 : "Je mènerai une lutte implacable contre l'immigration illégale" n'est pas faite pour nous rassurer. Pour l'instant ils valident la peur de l'étranger chère à Sarkozy. Lors du meeting de Hollande à Rennes, on a voulu rentrer avec une bannière "Régularisation de tous les sans papiers", on n'a pas pu et les gens du PS nous ont dit : "vous vous trompez d'ennemi". Un espoir tout de même, localement : 6% des Rennais seulement ont voté Front National...
En décembre 2001 , une vingtaine de personnes proposent de collectif de soutien aux personnes sans-papiers à Rennes.
Il se réunit tous les 15 jours pendant plusieurs mois au squat l'Ekluserie de Rennes. Quelques jours avant le 22 avril 2002, ils ne sont que 4 et et hésitent à déclarer le collectif moribond. Le Pen est alors qualifié au second tour tandis qu'un sans-papiers kurde est placé en rétention. Le collectif lance des rassemblements devant la préfecture de Beauregard pour demander sa libération. Des dizaines d'étudiant-e-s rejoignent l'action et la préfecture est bloquée à plusieurs reprises.
Les assemblées générales organisées réunissent dorénavant plus de 50 personnes. Le collectif a finalement réussi sa naissance sous l'effet du choc "Le Pen au second tour"...
En juin 2007 , juste après l'élection de Sarkozy, se fait interpeller Vedat Yilmaz. Il a 20 ans, est kurde de Turquie, débouté du droit d'asile. Son père a déjà été expulsé en 2005 vers la Turquie, Vedat et sa mère sont toujours en France, sans nouvelles du père. Vedat a entamé en 2005 un CAP de maçonnerie, et suite à la mobilisation contre l'expulsion de son père, a obtenu l'autorisation tacite de la préfecture d'Ille et Vilaine de rester en France, au moins le temps de sa formation. Néanmoins, lui et sa mère ne sont pas réguliers et se cachent plus ou moins pendant deux ans.
En juin 2007, en pleine période d'examens de fin d'année, Vedat se fait interpeller et est retenu au CRA de Nantes...
Tout son lycée se mobilise avec le collectif pour demander la libération de Vedat.
Pendant des semaines, le collectif manifeste, communique sur la situation, dénonce l'absurdité de s'acharner sur ce jeune homme en fin d'études, qui est malgré la non reconnaissance du statut de réfugié toujours en danger dans son pays, qui n'a aucune nouvelle de son père expulsé deux ans auparavant.
Face à cette mobilisation et à sa médiatisation, la préfecture de Loire Atlantique accepte de recevoir une délégation de militant-e-s le 6 juin 2007, écoute longuement leurs arguments, leur explique qu'ils
vont réétudier le dossier.
Deux jours plus tard, dans la nuit, Vedat est réveillé et emmené à Roissy, d'où on l'expulse.
Sans qu'entre temps personne n'ai réussi à reparler à la préfecture, qui avait déjà réservé l'avion lors de l'entretien!
En 2008 un jeune lycéen rennais d'origine angolaise pris en charge par le Conseil général, est contrôlé par la Police aux Frontières (PAF) lors d'une sortie scolaire. La PAF l'arrête et le suspecte de
cacher son âge réel pour échapper à une expulsion car en France les mineurs ne peuvent pas être expulsés. Il est envoyé au Centre de Rétention de Rennes. Des tests médicaux sont pratiqués sur lui et le déclarent majeur : le juge ordonne son expulsion.
Ceci n'est qu'un exemple d'une pratique courante avec des dizaines de jeunes qui chaque année subissent de tels tests.
Or ces tests ne sont pas fiables scientifiquement et le collectif a depuis constamment dénoncé cette utilisation des tests osseux pour déterminer l'âge de jeunes étrangers. Le collectif a fait plusieurs actions depuis l'année 2008 auprès du Conseil Général, de cabinet de radiologie et auprès de Conseil de l'ordre des médecins.
Malgré ces actions, il n'y a eu aucune restriction à cette utilisation. En revanche, Le Comité d'éthique du CHR de Rennes, saisi par un médecin connaissant cette pratique, a déclaré que l'utilisation de ces tests pour déterminer l'âge de jeunes étrangers n'est pas éthique. Le collectif essaie toujours de porter cette revendication pour que l'on puisse en France abroger l'utilisation de ces tests pour « trier » les jeunes étrangers.
En 2009 le collectif est attaqué en justice par le ministère de l'intérieur (dirigé par Michelle Alliot-Marie) pour diffamation envers la Police Aux Frontières, à cause d'un tract distribué lors d'une action devant les locaux de la PAF. Le collectif gagne en première instance. Le ministère fait appel et 3 personnes du collectif sont condamnées.
Le collectif récolte de l'argent pour se pourvoir en cassation. Après 3 ans de procédures, le procès est cassé par la cours de cassation. Le collectif sort victorieux de ce combat pour la liberté d'expression et la liberté de critiquer les agissement de la police, mais est épuisé
par la procédure.