Preder fut fondée en 1958 sous forme d'une revue de sciences et de philosophie, devenue en 1970 les Éditions PREDER. Association culturelle loi 1901, ses buts furent définis ainsi :
- se réapproprier les richesses linguistiques du breton et des autres langues
- celtiques,
- promouvoir le breton comme langue moderne en exploitant ces richesses dans
le cadre de la vie contemporaine,
- proposer des manuels d'enseignement dans cette langue moderne,
- publier des textes scientifiques, philosophiques, linguistiques et philologiques
mettant à profit ce travail de réappropriation et de développement.
Quel est le contexte socio-historique de PREDER ?
Le breton a subi depuis dix siècles une désaffection continue : il a cessé d'être la langue de la noblesse dès le Moyen Âge, la bourgeoisie l'a progressivement abandonné au cours de l'époque moderne, enfin la paysannerie, à partir de 1920, a troqué ce qui restait de parlers bretons contre le français, langue avérée de sa survie économique. Il n'est pas inutile d'ajouter que les gouvernements successifs n'ont rien fait pour enrayer la déchéance du breton (à la fois sa dégradation linguistique et son extinction sociale), mais au contraire, surtout au XXème siècle, ils se sont appliqués à l'accélérer - avec l'assentiment des Bretons eux-mêmes. Aussi bien, ce n'est pas à la société politique de décider de l'avenir d'une langue, mais d'abord à la société civile. Si dans les aspirations du gros de la société civile bretonne, le breton tient peu de place, il faut faire état d'une minorité qui, depuis le XVIIIème siècle, œuvre activement et continûment pour ramener le breton parmi les langues vivantes. Elle forme une filière relayée de génération en génération, d'écrivains, de grammairiens, de lexicographes, chacun se fondant sur le travail de ses prédécesseurs : Grégoire de Rostrenen et Dom Le Pelletier au XVIIIème siècle, Le Gonidec et La Villemarqué au XIXème siècle, François Vallée et Roparz Hemon au XXème siècle ont chacun donné leur nom à un moment de l'essor du breton moderne - chacun suscita la vocation d'une pléiade de nouveaux écrivains. Le mérite de Preder est d'avoir pris le relais dans la seconde moitié du XXème siècle. Il s'enracine dans les travaux de François Vallée qui jeta au début du siècle passé les fondements d'une langue de pensée scientifique et philosophique, il reprend à son compte le projet révolutionnaire d'une société brittophone moderne défini par Roparz Hemon dès 1925.
Le projet d'une société moderne de langue bretonne, utopique si l'on considère le fait que la langue de tous les Bretons est le français, est-il sans fondement ? Deux évolutions jouent en sa faveur :
- la première a pour résultat un breton aujourd'hui pratiquement fonctionnel. Il répond à toutes les exigences de la vie sociale, économique, politique, scientifique - les groupes qui travaillent autour de Preder depuis bientôt un demi-siècle ont mis au point quelque 120 000 termes ;
- la seconde est le retournement qui s'opère sous nos yeux dans l'opinion bretonne, en résonance avec des transformations analogues survenant dans le monde entier. Ce qui se passe en Bretagne est pour l'instant confus : si presque tout le monde se déclare favorable au breton, bien peu encore s'engagent, même en pensée, sur la voie d'une société moderne de langue bretonne, et beaucoup de ceux qui le font ne voient qu'un retour à la situation linguistique de 1920, ou encore souhaitent simplement figer en l'état les derniers vestiges des parlers locaux. Cette poussée confuse faite de mouvements contradictoires, irréalistes, voire absurdes ne durera pas. Ou bien elle retombera et le projet restera utopique, ou bien elle prendra la voie d'une réalisation cohérente et efficace - et l'utopie aura cédé la place à un pari.