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Zygmunt Blazynsky et Arthur Joulie, d'origine brestoise qui assure la régie (son et lumière)
Zygmunt Blazynsky et Arthur Joulie, d'origine brestoise qui assure la régie (son et lumière)
Zygmunt et Achille à Ouessant
Zygmunt et Achille à Ouessant
Affiche du spectacle poétique de Zygmunt Blazynsky à Ouessant
Affiche du spectacle poétique de Zygmunt Blazynsky à Ouessant
Texte de Présentation du Spectacle de Zygmunt Blazynsky à Ouessant
Texte de Présentation du Spectacle de Zygmunt Blazynsky à Ouessant
- Chronique -
De Ouessant en Crète en passant par Assise : le voyage merveilleux de Zygmunt Blazynsky :
Avec son allure de pâtre grec, Zygmunt Blazynsky a le goût du large, du mysticisme et du merveilleux. Il ne recule devant rien et surtout pas devant l'inconnu, lorsqu'il y
Sylvie Le Moël Par Association Grèce-Bretagne le 27/12/14 1:05

Avec son allure de pâtre grec, Zygmunt Blazynsky a le goût du large, du mysticisme et du merveilleux. Il ne recule devant rien et surtout pas devant l'inconnu, lorsqu'il y a quarante ans, il approuve le choix de son épouse d'acquérir sans pourtant avoir eu l'occasion de la visiter, une petite propriété au large de Brest, à Ouessant. Il tombe alors éperdument amoureux de cette île qui devient son lieu de villégiature privilégié, restaure sa maisonnette avec ferveur, adopte un compagnon à quatre pattes, un mouton domestique Achille qui le suit comme un petit chien, et communiant avec la nature bretonne, déclare : « Lorsque j'arrive dans ma petite maison au nord de l'île et que je vais avec mon compagnon Achille me promener vers la pointe de Cadoran, c'est l'océan et l'infini que je découvre et le poème de Rimbaud surgit : Dès que j'arrive à Ouessant, les petits chats sauvages de la lande viennent quémander leur nourriture à ma porte. Elle est retrouvée. Quoi ? L'éternité. C'est la mer alliée avec le soleil. » La région entière l'inspire : « Pour moi la Bretagne est l'extrémité Ouest du continent qui mène vers l'Amérique et vers l'infini. C'est aussi un pays de légendes, des fées, des druides, des monstres, des sirènes… Tout ce merveilleux que j'aime ». Cette vie insulaire le stimule. Il tisse des amitiés sincères et crée deux spectacles poétiques d'une immense beauté et d'une grande originalité, qu'il propose en Août 2008 au Phare du Creac'h, dans le cadre du dixième Salon International du Livre Insulaire d'Ouessant : « Ces deux spectacles que j'ai donnés dans le phare du Creac'h à l'invitation d'Isabelle Le Bal qui a lancé cette belle initiative et que je remercie profondément, constituent pour moi des souvenirs particulièrement inoubliables » évoque Zygmunt, fondateur du « Théâtre de la Fleur d'Or ».

A cette occasion, il présente de magnifiques textes d'auteurs (entre autres) crétois, grecs, écossais et bretons : Nikos Kazantzaki, Constantin Kavafis, Kenneth White mais aussi Henri et Yann Queffelec, Gérard Le Gouic, Charles le Quintrec, Henry Le Bal, Jean-Pierre Boulic...

Épris de liberté, Zygmunt chemine spirituellement avec des auteurs intemporels qui lui inspirent, selon ses propres termes, « une totale admiration doublée d'une adhésion indéfectible. Ce sont des êtres libres qui se sont affranchis des tous les conditionnements, aussi nombreux soient-ils. Et cela leur a permis d'écrire en toute liberté ».

Parmi ces écrivains, figure l'auteur de « Zorba le Grec », le crétois Nikos Kazantzaki, dont la tombe sur les remparts d'Heraklion face au Mont Louktas, porte la fameuse phrase de l'écrivain, qui prend là toute sa dimension : « Je n'espère rien, je ne crains rien, je suis libre ».

C'est à cet homme né en 1885, que Zygmunt rend hommage dans un émouvante interprétation du « Pauvre d'Assise », proposée en novembre dernier à la Crypte du Martyrium Saint Denis, rue Yvonne Le Tac à Montmartre. A la régie, une autre coopération bretonne se déroule, entre son et lumières, avec Arthur Joulié d'origine brestoise qui assiste Zygmunt lors de ses représentations.

Animateur culturel et Responsable depuis plus de vingt ans de la Crypte du Martyrium Saint Denis à Paris, Zygmunt Blazynsky est aussi le Président de l'Association des Amis de Nikos Kazantzaki, branche hexagonale de la Société Internationale des Amis de Nikos Kazantzaki (la S.I.A.N.K qui compte plus de 6 000 membres dans 122 pays) présidée par Georges Stassinakis, Ambassadeur de l'Hellénisme qui en dirige le Comité de coordination situé en Suisse.

Nikos Kazantzaki est connu du grand public de manière indirecte, à travers les adaptations cinématographiques de ses oeuvres comme « Alexis Zorba » (film produit par Michael Cacoyannis en 1964, avec Anthony Quinn, Iréne Papas et Alan Bates), du « Christ recrucifié » et de « La dernière tentation ». L'on connaît beaucoup moins son oeuvre poétique, son théâtre, ses récits de voyages, sa correspondance. Il présente aussi la particularité d'avoir fait connaître Jules Verne aux Grecs en traduisant un nombre impressionnant des oeuvres de l'écrivain breton comme « Les tribulations d'un Chinois en Chine », « Le tour du monde en quatre-vingts jours », mais aussi « L'archipel en feu » dont le récit se déroule sur fond de lutte entre Grecs et Turcs dans les îles de la Mer Egée dans les années 1830.

Kazantzaki est né en Crète à Candie, l'actuelle Heraklion, réputée pour avoir été le lieu du plus long siège de l'histoire (1648-1669), et où le vaillant fils du Comte de Kéroual, le brestois Sébastien de Kéroual, subit une blessure qui s'avéra mortelle. A la naissance de Kazantzaki, la Crète est encore sous le joug ottoman.

« Ascète, mystique, philosophe, romancier, poète, dramaturge, prophète, visionnaire. Voilà quelques qualificatifs positifs sur Nikos Kazantzaki. Il y a aussi des appréciations négatives et de nombreuses polémiques de la part des "establishments" politique, religieux et littéraire : communiste, élément antinational, Antéchrist, écrivain dépassé » comme le précise Georges Stassinakis.

Détenteur du Prix Nobel international de la Paix, décerné à Vienne en 1956, Kazantzaki fut nommé Ministre de l'Éducation Nationale en Grèce quelques dix années plus tôt (Cabinet Sofoulis) et dirigea en 1947 le Bureau des traductions classiques à l'Unesco.

Homme protée, infatigable travailleur doublé d'un poète, il entreprend une Odyssée qui comptera 33 333 vers de 17 syllabes, reprenant Ulysse au point où l'avait laissé Homère. Ce « Janus du monde moderne » multiplie non seulement les oeuvres mais aussi les expériences et les voyages en sillonnant l'Europe et le monde : Allemagne, Espagne, Angleterre, Chine, Japon, Russie, Palestine, Égypte...En Italie, à Assise il se réjouit particulièrement de l'atmosphère chargée de mysticisme et éprouve un attachement très fort pour le grand Saint de l'Ombrie, au point de lui consacrer un ouvrage : « J'avais une dette envers Saint François d'Assise. C'est pour cela que j'avais le grand désir d'exprimer ma reconnaissance en écrivant sur lui un livre. La première fois qu'il m'a sauvé la vie, c'était pendant l'Occupation allemande. J'étais dans une petite île tout près d'Athènes. Nous n'avions rien à manger. Et j'étais presque mourant de faim. Et tout le monde mourait autour de moi. Alors un jour, je reçois une lettre d'un frère Franciscain qui habite à Athènes. Il me dit : Si vous voulez traduire la biographie de Saint François d'Assise faite par Jurgensen, alors nous enverrons une caisse de vivres ! Alors je me suis tout de suite mis au travail et j'ai ensuite reçu une caisse qui contenait des choses merveilleuses, presque inconnues, et je les avais oubliés, c'est-à-dire du sucre, du café, macaroni, riz etc...Et j'ai écrit ce livre-là avec un grand prologue » explique l'auteur crétois dans un interview vidéo visible sur le site de l'INA (Institut national de l'audiovisuel).

Nikos Kazantzaki a effectué 3 voyages à Assise. En 1924, il y reste trois mois et y retourne deux ans plus tard. Il réalise son troisième voyage à l'été 1952 avec la femme Eleni. L'enthousiasme de l'auteur du « Christ recrucifié » pour cette ville d'Ombrie, rappelle l'engouement de l'auteur de « La vie de Jésus » pour cette même région. En effet, chargé de Mission en Italie en 1850, Ernest Renan dans ses lettres à son ami Lancelin Berthelot s'émerveille :  "Assise, mon ami, est un lieu incomparable et j'ai été récompensé des peines vraiment méritoires qu'il m'a fallu me donner pour le visiter ". A sa soeur Henriette, il écrit : " Assise est un éblouissement. J'aime mieux me taire que te parler à demi de ce lieu incomparable... C'est une émotion tout autant spirituelle qu'esthétique". Le Trégorrois voit dans le parcours de vie de Saint François "un accès de charmante folie, une perpétuelle ivresse d'amour Divin" et semble trouver dans cette ville le beau et de vrai réunis.

Cinquante années avant lui, au début du dix-neuvième siècle, un autre Breton, en périple vers la Terre Sainte s'arrête à Assise en 1806: François-René de Chateaubriand.

Comme le souligne Anne Verlet, Agrégée de Lettres Classiques et Maître de Conférence en Littérature française, l'image de Saint François d'Assise qui inspire l'auteur du « Génie du Christianisme » est celle du pèlerin, du voyageur en errance sur les routes, jusqu'à devenir pour lui un modèle d'autant plus prégnant qu'il est son Saint Patron. Saint François qui aimait les arbres, les insectes, les loups et les hirondelles à précédé de six siècles l'auteur Malouin, tant à Rome qu'à Jérusalem. Les « Mémoires d'outre-tombe » sont ainsi ponctuées de dates récurrentes que sont la célébration de la Saint François, le 4 octobre, jour de la fête de l'écrivain Breton , qu'il assimile parfois avec son anniversaire (4 septembre). Le début des « Mémoires d'outre-tombe » est d'ailleurs placé sous le patronage de Saint François. En date du 4 octobre 1811, l'enfant de Combourg écrit « jour de ma naissance et de mon entrée dans Jérusalem ». Le 4 octobre 1806 en effet Chateaubriand alla à Jérusalem pour y voir le tombeau du Christ et il y fut reçu par les franciscains du couvent St Laurent qui fêtaient le Saint Patron de leur ordre. A Bethléem, Chateaubriand visita la grotte de Saint Jérôme où le fondateur de l'Ordre des Franciscains s'était lui même rendu en son temps : « Mon patron aussi visita le tombeau » rappelle-t-il. De Saint-François, Chateaubriand constitue une image personnelle, à partir d'un imaginaire collectif qui s'est davantage propagé par une tradition orale puisque le Saint d'Assise a très peu écrit.

C'est la raison pour laquelle l'oeuvre de Nikos Kazantzaki présente un intérêt particulier, que Zygmunt Blazinsky a bien compris et qui anime sa démarche théâtrale.

En septembre 1952, l'auteur crétois écrit d'Antibes, en France, où il a vécu de 1948 à 1957, année de sa mort, à son traducteur suédois Knös : «Assis à nouveau devant la table de mon supplice et de ma joie, je tiens la plume et j'écris... J'ai vu de très belles choses en Italie, je me suis beaucoup réjoui, et j'ai beaucoup réfléchi et à Assise j'ai vécu de nouveau avec le grand martyr et le héros que j'aime tant: saint François. Maintenant je suis pris du désir d'écrire un livre sur lui. L'écrirais-je ? Je ne sais pas encore. J'attends un signe et alors je le commencerai. Comme vous le savez, la lutte en nous-mêmes de l'homme contre Dieu, de la matière contre l'esprit, est le constant leitmotiv de ma vie et de mon oeuvre. »

Nombreuses sont les raisons qui expliquent les affinités électives que Nikos Kazantzaki éprouve pour Saint François comme le démontre Georges Stassinakis dans sa conférence donnée à l'Institut italien de culture en avril 2007 : La première raison est que Saint-François représente, pour le traducteur de Jules Verne, l'un des plus grands poètes de la "première Renaissance". Il a su entendre auprès des créatures les plus insignifiantes et humbles une chose éternelle : la mélodie. La seconde raison est que l'âme de Saint-François, grâce à l'exercice et à l'amour, a vaincu la matière. Il a réussi à transmuer en joie la réalité la plus abjecte, la faim, le froid, la maladie, la persécution, la laideur. La troisième raison concerne la volonté de monter plus haut que nos forces présumées ne le supposent. Enfin la quatrième raison est la révolution sociale. Saint-François est, selon Kazantzaki, « un grand idéaliste révolutionnaire », car il a vu que la source de tous les maux était la propriété. C'est pourquoi il avait interdit à ses disciples de posséder quoi que ce soit.

À son époque, il y avait aussi de dures luttes sociales entre les grands, riches («les majores ») et les petits, pauvres («les minores»). Il a choisi de se ranger délibérément du côté de ces derniers. Le grand secret de ce choix réside, selon Kazantzaki, dans la foi, au sens large du mot, c'est-à-dire la conviction profonde à lutter.

Et le crétois conclut : « je dois suivre ce chemin de Saint-François qui renouvelle la vie, c'est-à-dire le chemin de la révolution sociale ».

Ainsi continue-t-on dans le monde entier, à aimer et à admirer l'oeuvre et la pensée de Kazantzaki, à la mettre en scène et à l'interpréter pour ne pas oublier qu'il faut toujours poursuivre la lutte pour ses valeurs !

Sylvie LE MOËL

Pour contacter Zygmunt Blazynsky et vous informer des prochaines présentations théâtrales, manifestations poétiques ou musicales organisées par ses soins sous l'égide de Théâtre de la Fleur d'Or : zygmunt.blazynsky [at] wanadoo.fr

(voir le site)

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Site d'Arthur Joulié: www.arthurjoulie.com

Remerciements à Iphigénie Botouropoulou de l'Université d'Athènes et spécialiste d'Ernest Renan.

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