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Henri Baron : la dignité paysanne m'interpelle
Les parents du " p'tit gars ", venu de sa campagne lointaine, sont relégués au fond de l'église pour laisser place aux gens de la ville, aux nobles, aux grands propriétaires de la commune. Les bonnes et les commis connaissaient le même sort.
Par bernadette Poiraud pour Journal La Mée le 24/12/06 9:34

Est-ce l'histoire d'un homme ? Oui. Mais pas seulement. Le livre " Henri Baron, paysan-citoyen " raconte à la fois son itinéraire personnel et l'évolution de l'agriculture dans les années 1945-2000.

Henri Baron est né en 1932. " Mes parents n'avaient que leurs deux bras, ils se sont installés sur une fermette de 5 à 6 ha ". Trois ou quatre vaches, le lait à livrer en porte à porte tous les matins. Et puis l'accident du père, l'articulation du genou complètement arrachée. 24 ans, infirme.

Le jeune Henri Baron est mis à l'école à moins de 2 ans. A 4 ans il lit déjà le journal. A 14 ans il quitte l'école. " J'avais déjà beaucoup lu. J'aurais voulu étudier. Cela n'a pas été possible ".

La maison à Châteaubriant, le père employé à la fonderie Huard, une ferme à Derval, puis au Grand-Rigné, l'école de Béré, les 9,5 km qu'il fallait faire à pieds, aller-retour, le certificat d'études …. Années d'errance, mais riches souvenirs d'une enfance très pauvre mais heureuse.

Le gamin aime la terre, et les vaches. A moins de 6 ans, faussant compagnie à un oncle, il s'en va, un bâton à la main et une corde à l'épaule, acheter une vache au marché, à 600 mètres de là.

A 11 ans, Henri commence à traire les vaches, pour seconder son père infirme et sa mère très malade. Mais il faut quitter le Grand Rigné. Une ferme à Soulvache : Henri Baron est jeune paysan, à 14-15 ans. Il découvre les travaux saisonniers, le chantier de bois l'hiver, la fabrication du fumier, les labours du printemps, la plantation des betteraves, les battages ...

Henri aime le métier de paysan. Dans tout le livre éclate son amour de la terre. Un amour charnel. " Charruer, herser, rouler, semer est tout ce que j'aime ". Ecole de vie . " Même seul - surtout si on est seul - il faut être tenace pour en arriver au bout, quels que soient sa fatigue ou son moral ".

Derrière !

De ces années d'enfance, Henri garde quelques images plus fortes, celle de sa Première Communion, où les parents du " p'tit gars ", venu de sa campagne lointaine, sont relégués au fond de l'église pour laisser place aux gens de la ville, aux nobles, aux grands propriétaires de la commune. Les bonnes et les commis connaissaient le même sort.

" Quand, dans un meeting politique " [ou même dans une inauguration ! ], " on remonte la salle vers la tribune, on constate la même situation. Les trente premiers rangs sont " réservés " . Le bon peuple se tient derrière jusqu'au fond. Les caméras remplacent aujourd'hui l'eau bénite, la Révolution n'a rien changé à cette situation. J'en suis toujours irrité et, soixante ans après, le souvenir de ma famille au fond de l'église me marque encore l'esprit ".

Une partie de la formation initiale d'Henri Baron se fait par l'intermédiaire du journal " Jeunes forces rurales ". " J'y découvre l'expression des adolescents et leur désir de prendre toute leur place au sein de leurs communes, de leurs familles, de leur profession, ne voulant plus être des ploucs qui se remarquent de loin. En un mot, comment être aussi bien habillé et faire un noeud de cravate comme les jeunes de la ville ".

A l'armée le jeune homme, avec son pécule de soldat, achète le livre " Nouvelles leçons d'agriculture ". 457 pages qu'il dévore : " il est ma première école d'agriculture ".

Passons sur toutes les péripéties de sa vie de jeune paysan, et sur la période d'Algérie où il découvre la torture. Pages qu'il faut lire pour mieux connaître l'homme de maintenant.

Le diable

Henri Baron est jeté dans le syndicalisme local à 26 ans, pour défendre les producteurs de lait, de viande bovine, de pommes à cidre, et aussi les fermiers. Face aux industriels de l'agro-alimentaire, face aussi, plus tard, à la CANA (coopérative agricole). Un engagement très prenant, plusieurs jours par semaine et souvent le soir. " Mais il faut que la ferme ne souffre pas de mes absences, au contraire. Les voisins nous observent, nous devons plutôt être meilleurs ".

Le livre raconte quelques actions agricoles symboliques qu'on suit comme un roman policier. Par exemple la bagarre contre Mamellor, poudre d'engraissement des petits veaux : " la croissance des veaux devient quasi nulle. Les veaux affaiblis crèvent. La composition de la poudre est devenue déficiente ". Un camion bloqué à La Guerche, un autre à Lusanger : l'action collective permet d'obtenir une indemnisation. Défense des fermiers face à leur propriétaire ou face aux banques, défense des cultures contre les sangliers. Mais il ne suffit pas de défendre, il faut proposer.

Henri Baron ne se met pas en avant. Ce sont les circonstances qui le propulsent à des postes de responsabilité qu'il n'avaient pas souhaités. Ainsi il devient Président de la Chambre d'Agriculture de Loire-Atlantique en 1976. " J'étais terrorisé. Je n'avais jamais mis les pieds à la Chambre. J'ignorais tout de son fonctionnement. Je ne savais pas que je m'engageais pour 17 ans "

" La Chambre d'Agriculture de Loire-Atlantique était la deuxième plus grosse de France. J'étais le petit nouveau ". 1976 c'est l'année de la grande sécheresse. Henri Baron raconte son baptême du feu : l'opération " paille de la solidarité ". Plus tard il impulsera le livre blanc de l'élevage. Beaucoup plus tard il travaillera à l'amélioration des retraites des petits agriculteurs.

La Chambre d'agriculture, ce sont aussi des salariés. Lui, le syndicaliste de base, est devenu patron, par la force des choses. Il se souvient d'avoir affronté des manifestations, vécu une séquestration, reçu des crachats de mépris. " Je reste de glace mais complètement anéanti ". Mais quel levier que cette Chambre ! Elle a permis des avancées importantes, par exemple l'identification des bovins lait et viande, à l'issue d'une violente confrontation, face à ceux qui voulaient être " libres " . Cette identification a permis de garantir la sécurité sanitaire des troupeaux et la traçabilité indispensable de nos jours.

Maire de Fercé, Conseiller Régional des Pays de Loire : le livre retrace presque tout, les forces comme les faiblesses du personnage. Presque tout parce qu'il ne prend pas en compte les engagements de la période actuelle, à Châteaubriant-Initiative ou à l'association ACPM (actions pour les chômeurs) où, encore une fois, il apporte ses compétences quand on les lui demande.

Ce qui frappe dans le livre, c'est l'honnêteté du personnage, sa puissance d'analyse des situations, sa force de proposition, de novation, son refus d'être un notable. Sa rapidité de réflexion, et ses talents de diplomate lui ont permis de faire face à des situations difficiles. Le tout avec une grande modestie.

Henri Baron ne se pose pas en donneur de leçons, il relate son expérience en espérant qu'elle servira aux jeunes. Il redit sa foi dans le travail en équipe, la nécessité d'actions de terrain, la tolérance et le respect des adversaires, l'ouverture à d'autres secteurs économiques. Il remercie aussi ceux sans qui il ne serait pas devenu ce qu'il est, notamment son épouse Thérèse.

Impossible de retracer tout le livre : il faut le lire. Henri Baron, paysan citoyen, Ed. Siloé, 300 pages, 19 €

Les Editions Siloé

Michel Thierry a créé les Editions Siloé " pour mettre en valeur, présenter les valeurs des hommes et des femmes de l'Ouest ". " Henri Baron m'a présenté deux gros cahiers de 192 pages grand format. Un manuscrit, un vrai, cela devient rare de nos jours. Il montre la qualité intellectuelle de quelqu'un capable d'écrire 400 pages d'affilée " dit-il. Signature

Henri Baron signera son livre samedi 30 décembre à la Librairie Lano¨é, Grand Rue à Châteaubriant - de 15 h à 18 h - 02 40 81 03 52

ABP/BP

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