Le processus d'autodétermination de la Catalogne est en marche, puisque le 25 janvier 2013, le Parlement de Catalogne a adopté une «Déclaration de souveraineté de la Catalogne» , pour le moment purement symbolique. Elle est le prélude à l'organisation d'un hypothétique référendum d'autodétermination, auquel s'oppose le gouvernement central.
Une pièce de théâtre politique très sérieuse se joue juste de l'autre côté des Pyrénées, mais entre le fracas des armes en Afrique et la récupération en fanfare d'une jolie et télégénique ressortissante, il n'y a pas beaucoup de place pour la mettre dans l'actualité en France.
Acte 1 : Suite à la censure en 2010 par le tribunal constitutionnel de 14 articles du Statut de la Catalogne approuvé par référendum en Catalogne et au refus, en 2012, de revoir les transferts d'impôts vers le gouvernement central, un million et demi de manifestants proclament dans les rues de Barcelone, le 11 septembre 2012, que la Catalogne est une nation et a droit à l'indépendance.
Comme en 2010 et en 2011, le thème officiel de la journée était : «Nous sommes une Nation» et «La Catalogne, nouvel État d'Europe» .
Le 11 septembre est la Fête de la Catalogne et commémore la résistance des Barcelonais, qui réussirent à tenir 14 mois lors du siège opéré par les troupes espagnoles en 1714.
C'est alors que furent abolies, pour deux siècles, les institutions catalanes.
Eu égard à la population totale de la Catalogne (7 million et demi), la mobilisation frappe les observateurs par son ampleur.
Beaucoup d'Espagnols sont opposés à l'évolution politique de la Catalogne, non seulement pour des raisons tenant à la conception du pays, mais, aussi, parce que le gouvernement catalan a demandé un prêt de 5 milliards d'euros au gouvernement central pour reconstituer sa trésorerie et qu'ils craignent de devoir payer pour une région réputée riche.
La Généralité répond que Madrid tire beaucoup plus d'argent de la Catalogne qu'il ne lui en donne et réclame l'indépendance fiscale qui est celle des Basques et des Navarrais.
Acte 2 : Le 24 septembre 2012, après une entrevue tendue avec le président du gouverment espagnol, Artur Mas, président de la Généralité, déclare qu'il dissout le Parlement catalan.
Il annonce qu'il fera campagne pour un référendum d'autodétermination sur une Catalogne souveraine, tout en ne parlant jamais d'indépendance, comme s'il voulait garder la possibilité d'une fédération d'États législateurs, proche du système américain.
L'Espagne est souvent décrite comme un État fédéral, mais, elle est loin de l'être au même niveau que les États-Unis.
Artur Mas a été accusé d'agiter la souveraineté pour couvrir ses échecs de gestion (44 milliards de déficit en 2011), mais, dès sa première élection, en 2010, il avait mentionné «le chemin de la plénitude nationale» .
Pendant la campagne, le pays se couvre de drapeaux catalans.
Acte 3 : Les élections catalanes du 25 novembre 2012 donnent une majorité écrasante aux 4 partis qui acceptent le principe de la souveraineté et, pour un d'entre eux, de l'indépendance.
On voit même apparaître des distinctions inédites, puisque les 3 élus de la CUP-Gauche alternative, issus de la mouvance des «Indignés» et des altermondialistes, récusent le nationalisme, mais citent la Charte des Nations-Unies qui prescrit que tout peuple a droit à l'autodétermination.
Le 18 décembre 2012, Convergence et Union passe un accord avec la Gauche républicaine de Catalogne, pour qu'Artur Mas soit reconduit comme président et qu'il mette en place un référendum en 2014.
La Gauche républicaine obtient une hausse d'impôts pour les plus riches, afin de résorber le déficit.
Acte 4 : Le 23 janvier 2013, le Parlement de Catalogne vote à une écrasante majorité une déclaration en deux points principaux :
- La Catalogne est un sujet politique et juridique souverain
- Le Peuple de Catalogne a le droit de décider de son destin
Ont voté pour la déclaration 85 députés contre 41 (50 députés de Convergence et Union, 21 députés de la Gauche républicaine de Catalogne, 13 députés d'Initiative pour la Catalogne-Verts, 1 député de CUP-EA). 2 CUP-EA se sont abstenus. 5 députés du Parti socialiste catalan, en rupture avec leur direction, n'ont pas pris part au vote.
Le gouvernement de Madrid a annoncé qu'il combattrait les initiatives souverainistes par voie de justice.
Que sera l'acte 5?
L'indépendance n'est pas la seule réponse possible, car les systèmes politiques et sociaux sont très imbriqués.
Artur Mas réclame à Madrid l'organisation d'un référendum pour confirmer que le Peuple de Catalogne veut obtenir la souveraineté et il ne pose pas la question de l'indépendance.
Le gouvernement de Madrid campe sur le fait que la constitution de l'Espagne proclame que la souveraineté est le monopole de l'Etat espagnol et qu'en conséquence, il n'est pas possible d'organiser un référendum qui aurait pour objet de la mettre en cause.
De plus, tout référendum doit être approuvé par le Roi et les députés des Cortes espagnoles.
Artur Mas prétend que des contacts privés et publics seront pris avec Madrid pour résoudre les questions pendantes, mais, l'opposition des deux grands partis espagnols sera dure, alors qu'ils ne font plus que de la figuration en Catalogne.
La situation politique est très proche en Écosse où le Parti conservateur, au pouvoir à Londres, est une relique historique et les bastions du Parti travailliste sont partiellement entamés par le Parti national écossais.
Dans le cas de la Catalogne et de l'Écosse, l'évolution politique défavorable aux partis centraux entraîne des réactions similaires.
Les opposants parlent d'un isolement économique et même d'une fuite des cerveaux qui handicaperait les États potentiels.
Par exemple, Volkswagen-Audi menace de transférer son usine à Madrid.
L'Europe est aussi utilisée comme Père Fouettard, car, on proclame qu'elle expulserait de facto les nouveaux États en les obligeant à refaire le processus d'adhésion.
S'agissant de régions où le sentiment pro-européen est plus vivace qu'ailleurs, ce serait un vrai paradoxe.
Dans la dizaine d'Etats créés depuis la fin du Rideau de Fer, un seul est réellement problématique, le Kosovo, mais, il a le malheur d'être proche d'une Albanie partie à la dérive.
Les questions régionales du Mali et, spécialement, les relations politiques entre les Touaregs, les Maures, les Songhaï et les Peuls sont une préoccupation du gouvernement français.
Mais, les questions politiques qui se posent à l'intérieur de l'Europe sont, pour le moment, balayées sous le tapis au nom du principe de la non-ingérence.
Toute question politique impliquant des millions de gens doit pourtant avoir une réponse, tôt ou tard.
Christian Rogel