Les forces de sécurité algériennes ont mené, mardi 12 janvier, une répression contre les habitants de la Kabylie qui s'apprêtaient à célébrer pacifiquement le nouvel an Amazigh.
En Algérie, les fêtes du nouvel an Amazigh 2960 avaient un goût amer. Les villes de Tizi-Ouzou et de Vgayet étaient en effervescence : des dizaines de milliers de Kabyles ont marché ce mardi 12 janvier pour réclamer l'autonomie de leur région. Dispersées à coup de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc, plusieurs personnes ont été blessées et d'autres, arrêtées par les forces de l'ordre, dont le sort reste toujours inconnu, selon le "Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie" (MAK), initiateur de la marche.
La violente réplique des autorités algérienne était prévisible. Elle s'inscrit dans le long registre de la répression menée par le pouvoir algérien à l'encontre des populations Kabyles depuis les années 80 en passant par les événements du printemps noir de 2001 qui ont fait des centaines de morts et de disparus.
Si la position des autorités n'a pas évolué, celle des militants Kabyles, si. Adoptée officiellement le 14 août 2007 par le Mouvement pour l'Autonomie de la Kabylie (MAK), le projet pour l'Autonomie de la Kabylie (PAK) se présente aujourd'hui comme l'une des alternatives les plus crédibles pour le règlement du dossier Kabyle en Algérie. « Le projet d'une autonomie régionale apparait comme le juste milieu, un compromis pouvant réconcilier les partisans d'une Kabylie devant demeurer comme n'importe quelle autre région d'Algérie, d'une part et de l'autre part, les assoiffés de son indépendance totale » explique Ferhat Mehenni, leader du mouvement autonomiste et président du MAK.
Black-out médiatique
Sur Facebook, Twitter et autres blogs, sympathisants et militants se tiennent informés de l'évolution de la situation, débattent ouvertement de l'option autonomiste et l'avenir de la région. Un récent sondage sur l'autonomie de la Kabylie recrute de dizaines de milliers de votes. Curieusement, en Algérie, mais aussi en Europe, les médias entretiennent un silence coupable sur les événements de mardi. Dans une tribune publiée sur le site d'informations "Vega Media Presse" sur les derniers événements en Kabylie, Chema Gil, directeur du site d'informations Noticias de Murcia et spécialiste des affaires maghrébines, fait remarquer que "L'Algérie terrorise les Berbères de Kabylie, qui font partie de l'authentique identité algérienne ".
C'est que le sujet dérange. Les services algériens DRS font tout pour diaboliser le MAK et son président. Le leader du mouvement autonomiste est régulièrement la cible d'attaques diffamatoires de la presse inféodée au pouvoir. Déjà sous le coup d'un mandat d'arrêt, il est régulièrement mêlé à des fantasmatiques histoires mêlant MOSSAD et autres ingrédients hollywoodiens.
L'attitude du pouvoir en place traduit au fond l'échec de toute la politique étatique menée pour régler le dossier Kabyle et de contenir le mouvement Amazigh et ses revendications : création d'un Haut Commissariat à l'Amazighité, un amendement constitutionnel en 1996. Une Commission (Sbih), chargée de proposer un schéma de régionalisation, a même rendu ses conclusions depuis cinq ans. Sur le terrain, l'engagement de l'État algérien en matière de réhabilitation et de promotion de la culture amazighe est resté au stade du vœu pieu. À l'image de la revendication démocratique du peuple algérien, la question amazighe n'a pas évolué.
C'est que la perspective d'autonomie donne du fil à retordre aux galonnés algériens qui s'opposent farouchement à la proposition du voisin marocain d'octroyer une large autonomie au peuple du Sahara occidental. Devoir s'y conformer pour le cas de la Kabylie et des Touaregs au sud de l'Algérie constitue un vrai péril qui peut saper les fondations même du régime. Inquiet, Ferhat Mehenni met en garde contre la politique du régime algérien, « calquée sur le modèle serbe en ex-Yougoslavie, qui va nous conduire à l'irréparable ».