Extrait audio
"Ma mije bet liou ha paper gwenn - Si j'avais de l'encre et du papier" (CD le chant des sardinières)
1 LIVRE "Le chant des sardinières" + 2 CD - Marie-Aline LAGADIC et Klervi RIVIÈRE - "Le chant des sardinières" et "Tout le monde sur le pont !".
Cette présente, double, pédagogique, historique, captivante publication littéraire et sonore que nous vous présentons sur cette page en ligne, prend pour origine la parution antérieure de deux substantiels disques par lesquels les chanteuses, Marie-Aline LAGADIC, petite-fille d’une sardinière de Saint-Guénolé et sa fille, Klervi RIVIERE, se sont révélées au public. En effet, en majeure partie, nourris d'un répertoire collecté auprès des femmes de leur famille, les deux bigoudènes ont publié et magnifiquement interprété, en breton, mais aussi en français, des chants gravés sur deux albums musicaux, titrés « Le Chant des sardinières » et « Tout le monde sur le pont ! ». Consacré aux chants des ouvrières des conserveries de poisson du Pays bigouden, connaissant un succès immédiat à sa sortie, générant, même dans son sillage, une large tournée, aujourd’hui, introuvable le premier opus édité en 2006, est, l’année suivante, primé « Coup de cœur du Jury de l’Académie Charles Cros ». A l’époque, déjà, il est envisagé d’écrire un livre qui accompagnerait cette mémorielle bande-son, mais le projet reste dans les cartons. « Le Chant des sardinières » évoque, bien évidemment, lors de l’hiver 1924, l’emblématique et victorieuse lutte des « penn-sardin » (« têtes de sardines »), nom des ouvrières des conserveries de Douarnenez que, par extension, l’on donnera, pour leur forme, à leur coiffe. Mais il relate, aussi, plus largement, les révoltes sardinières en Pays bigouden, comme à Concarneau, Lesconil, avec l’épisode, bien moins connu, des grandes grèves de 1926 à 1927, aboutissant, a contrario du précédent conflit social, pour une population affamée, à une défaite. Ce répertoire rend hommage au courage de ces femmes qui gagnaient, fort péniblement, leur pain au prix de conditions de travail épouvantables et qui, pour « tenir » cadences et moral, dans une odeur de friture et de restes de poisson imprégnant vêtements et cheveux, chantaient, spontanément, ou incitées par les contremaîtresses, des gwerzioù (sorte de complaintes) et des sônes (chansons satiriques). En 2016, le second disque susnommé est diffusé par Coop Breizh. « Tout le monde sur le pont ! » est, cette fois, consacré aux chants, entre 1860 et 1960, de Pont-l’Abbé Lambour, la « capitale » (vilajenn grañdez) bigoudène, particulièrement festive, de 1920 à 1950. Conformément au nouveau registre musical de l’époque, cet enregistrement, allie chanson, jazz musette et, seulement, quelques touches de traditionnel. Il apparaît comme un contre-pied au « Chant des sardinières », une façon délibérée de montrer que, malgré les profondes difficultés du moment, et, peut-être, pour mieux les supporter, les conjurer, les combattre, les bigoudens savaient, aussi, s’amuser. « Tout le monde sur le pont ! » met aussi, en exergue, les profonds bouleversements sociaux de l’entre-deux-guerres, période qui met un terme à la société traditionnelle. Il s’agit, en quelque sorte, d’un musical portrait historique et sociologique du Pays bigouden, de la fin du XIXe siècle, aux années 1960. Le premier CD titré « Le chant des sardinières » s’ouvre, délicieusement, émotionnellement, authentiquement, avec un document chanté a capella, par une aïeule voix, rappelant à nos oreilles plus contemporaines, l’expression vocale des Sœurs GOADEC. Celle-ci entonne un chant très ancien recueilli auprès de la tante Lisette LE FLOC’H, de Penmarc’h. Cette sœur de la mère de Marie-Aline LAGADIC avait commencé à travailler, avant 13 ans, l’âge légal, à l’époque, à la conserverie à Saint-Guénolé. Avec sa belle et puissante voix et la connaissance d’un large répertoire, elle était devenue meneuse de chant à l’usine, faisant partie de ces femmes auxquelles les contremaîtresses demandaient de chanter pour soutenir le rythme du fort difficile et ingrat labeur qui pouvait atteindre les 70 heures par semaine, sans la moindre prise en compte du travail nocturne ou des heures supplémentaires. Quelle belle idée d’avoir introduit, ainsi, cet « Ar Plac’h iferniet - La fille en enfer », air rappelant le mythe d’Orphée, où le jeune homme cherche à délivrer sa fiancée de l’enfer, souvent chanté à l’usine, par une seule femme… la meilleure chanteuse ! Par l’écoute de ces quelque 20 petites secondes documentaires, nous sommes, d’entrée, plongés dans l’histoire et l’émotion, avant que le piano ne vienne, en long fondu enchaîné, mêler, à contretemps, ses notes, pour, à présent, soutenir le fusionnel chant de Marie-Aline LAGADIC et Klervi RIVIERE. C’est le pianiste quimpérois, François GOUZIEN, co-titulaire, pour cet opus, du Coup de cœur de l'Académie Charles Cros 2007, par ailleurs, Premier prix du disque « produit en Bretagne » qui, au fil de l’enregistrement, accompagne les deux remarquables chanteuses bigoudènes, cosignant avec celles-ci, certains arrangements. Dès le deuxième titre, « Ar merc’hed yaouank - Les jeunes filles », oubliez toute mélancolie. Le vif accordéon du Scaërois, Alain TREVARIN, lui aussi, arrangeur ou co-arrangeur, qui a joué, entre autres, avec Line RENAUD, Yvette HORNER, Hervé VILLARD, Charles AZNAVOUR et, en duo, avec le célèbre pianiste breton Didier SQUIBAN, donne le ton. Ce court chant d’une minute et demie, daté de l’entre deux guerres, est typique de ce que pouvaient chanter les femmes. Ici une moquerie entre filles selon les quartiers où elles vivaient. Ces deux plages vous donnent, à elles seules, un prime et représentatif aperçu de l’alternance et de la variété des ambiances, des sujets véhiculés, tout au long du disque, par des mélodies et des paroles bilingues breton/français, souvent, simultanément usitées au sein de la même pièce. Les chants transitent du mélancolique à la légèreté, via le pamphlétaire ou le contestataire, en passant par le satirique ou le dramatique maritime. Puisque nous avons nommé les deux musiciens qui entourent, de près, les chanteuses, temps est venu de nommer les choristes : Josette CALVEZ et Erell TALLEC. Il faut dire que la présence des deux instrumentistes et des voix additionnelles apporte beaucoup de texture, de couleurs, de volume, à l’interprétation originelle de tels chants qui revêtent, souvent, dans le style traditionnel, un aspect mélodique récurrent. C’est, notamment, le cas pour « Pa voen ba’ »Brema ti ma mamm - Quand j’étais chez ma mère ». L’accordéon d’Alain TREVARIN et le piano de François GOUZIEN, respectivement, œuvrant en cascades de notes et tempos bien timbrés « jazzisent », en son « hémistiche » et à son terme, ce chant satirique, primitivement, ancré au Guilvinec, au sein duquel breton et français s’entremêlent. [.../...] « Bremañ pa’meus ka(vet) un’ Maintenant que j’en ai trouvé une) Elle fait que m’emmerder. » [.../...] [.../...] « Voilà pourquoi se marie-t-on Gwelloc’h ‘ve deoc’h goi, chom jeune garçon (Vaudrait mieux pour toi idiot, rester jeune garçon. » [.../...] « Côté Chœurs », qu’il s’agisse des chants de lutte ou de mélodies plus festives, ils soulignent le côté collectif de l’expression vocale. Outre l’aspect, documentaire, historique, sociologique, ces 14 pièces revêtent un intérêt musical certain, très bien produit et présentant, durant 50 minutes, un aspect particulier de la musique et chanson bretonne et para-maritime, qui ne découle ni de la veine néo-celtique ni de la houle du chant de marins, mais, sur un siècle de création, du registre des chants traditionnels d’ouvrières en basse Bretagne, comme le précise le sous-titre donné au programme. Parmi les chants qui figurent sur l’opus, sa 9e plage vous propose une chanson anarchiste particulière, datant de la Belle Epoque, non initialement liée au conflit breton, mais née au cours de mouvements sociaux. Il s’agit de la chanson de lutte sociale « Saluez riches heureux », alors considérée comme une expression vocale interdite. En effet, cette chanson a été reprise, comme un hymne, par toutes les sardinières en lutte dans les années 1920, sur toute la côte, à Douarnenez, puis dans le Pays bigouden, à Concarneau. Son interprétation menaçait de licenciement les ouvrières qui osaient l’entonner et certaines en ont payé le prix. « Chaque matin, au lever de l’aurore, Voyez passer ces pauvres ouvriers, La face blême et fatigués encore, Où s’en vont-ils ? se rendre aux ateliers, Petits et grands les garçons et les filles, Malgré le vent, la neige et le grand froid, Jusqu’aux vieillards et les mères de famille, Pour le travail ils ont quitté leur toit. » « Saluez riches heureux, Ces pauvres en haillons, Saluez ce sont eux Qui gagnent vos millions. » [.../...] Le second disque « Tout le monde sur le pont ! », sous-titré « Chansons de fête en pays bigouden », est, comme ce nom donné en appendice, résolument, plus enjoué, plus résilient, dirait-on, aujourd’hui, malgré le contexte de la « crise de 29 », partie des Etats-Unis qui se diffusera dans le monde entier sous la forme d’une grande dépression économique et sociale généralisée, prémices annonciateurs de la seconde guerre mondiale. L’entre-deux-guerres marque le temps d’un changement de monde. C’est la fin du village et l’avènement de la vie citadine. La société se prolétarise. Les nouvelles sciences et techniques bouleversent l’organisation sociale. Les ouvrières et ouvriers se libèrent du poids de la communauté et de la morale religieuse. On s’adapte, on mêle les parlers locaux au français, les tenues vestimentaires se modernisent... Et surtout, c’est la fête, l’engouement pour le bal : une véritable folie ! La séduction et la vie quotidienne se déploient ici, sur fond de tradition chantée. Artistiquement produits, enregistrés et mixés par le guitariste, compositeur, arrangeur et réalisateur briochin de naissance, quimpérois de résidence, Patrice MARZIN (Gérard MANSET, Hubert-Félix THIEFAINE) cité, à plusieurs reprises, sur nos pages en ligne, auprès de Jean-Charles GUICHEN, Soïg SIBERIL, Nolwenn KORBELL, GWENNYN… ce sont, aussi, 14 titres qui nous sont proposés par les deux talentueuses et expressives chanteuses Marie-Aline LAGADIC et Klervi RIVIERE. Pour cet opus, la distribution musicale est plus conséquente. Co-signant nombre d’arrangements avec les deux chanteuses, présent sur l’album « Le Chant des sardinières », nous retrouvons, néanmoins, Alain TREVARIN, à l’accordéon, mais aussi, de nouveaux instrumentistes et pas des moindres : - A la guitare : Yvonnick PENVEN (Gildas SCOUARNEC, Didier SQUIBAN…), - Aux saxophone et clarinette : Kevin RUELLAN, leader du groupe rock, non celtique, mais en langue bretonne, Ukan, - A la bombarde : Tangui SICARD (Penn soner du Bagad CAP CAVAL, - Au biniou-kozh : Yannick MARTIN (couple MARTIN/JOSSET, Ibrahim MAALOUF, BAGAD DU BOUT DU MONDE), - A la cornemuse écossaise ; Sylvain HAMON (BODÉNÈS-HAMON QUINTET, BODÉNÈS/HAMON, BODENES/HAMON/LE GALL), et pour la dernière plage, titrée « Gavotte bigoudène »… le Bagad CAP CAVAL. Ce second disque débute par un très court « Charivari - pot pourri », d’à peine plus d’une minute, où l’accordéon et la guitare accompagnent les véloces et nuancées voix des deux chanteuses bigoudènes, interprétant, sur une virevoltante mélodie, un texte truffé de langaj chon, argot local inventé par les tailleurs-brodeurs de Lambour, quartier ouvrier situé sur la rive gauche de la rivière de Pont-l’Abbé, afin de n’être compris de personne d’autre qu’eux-mêmes. Une grande partie du vocabulaire, de plus, osé, apparaît, de la conjonction de ces deux faits… et, certainement, par pudeur, intraduisibles. De nombreux sonneurs qui se sont professionnalisés et gagnent très bien leur vie, habitaient ce quartier singulier. C’est le deuxième titre « Mouscoul », cette fois, uniquement instrumental qui semble traduire, en trio cornemuse / biniou / bombarde, la présence de cette spécifique population artistique. Ce seront, avec la dernière plage « Gavotte bigoudène, créée arrangée et jouée par le Bagad CAP CAVAL, les seules sonorités intrinsèquement traditionnelles que vous entendrez. Dans une ambiance de bal, la suite du programme, nous vous l’avons indiqué plus haut, est, très largement teinté de musette aux accents de jazz et, tout simplement, de chansons narratives qui dépeignent les évolutions des us et coutumes de l’époque, dont les deux marqueurs principaux sont les costumes et la musique. L’accordéon n’est plus diatonique, mais chromatique, la clarinette et le saxophone, sur cordées de guitare, plus que pour lui répondre, interviennent, à part entière, pour conduire le pas des danseurs. « La bigoudène de Pont-l’Abbé » apparait enjouée, délurée. Elle travaille, assume sa condition de femme, s’en octroie les droits bien en amont de leurs reconnaissance officielle. Pour oublier sa condition de petite ouvrière, elle s’amuse, ouvertement, presque, ostensiblement. [.../...] « Je suis la Bigoudène au parler franc Joyeuse et bonne fille Libre, souple et gentille Je suis la Bigoudène au parler franc Le regard moqueur et le rire aux dents. » [.../...] Chanté, intégralement en breton, c’est au travers des paroles du 4e titre, dénommé « Ar Beloioù - Les vélos », daté des années 50, que nous découvrons les effets de la mode qui interviennent, aussi bien, dans cette nouvelle façon libre et individuelle de se déplacer… et de posséder, que, pour femmes et hommes, de nouvellement, s’habiller.[…/…] Ha pa voe nevez deuet ar giz Neuze a vez sellet pizh Ha ma lâre ar merc’hed all Setu ar mod neuze n’eo ket fall Ar re-se en deus ur velo Me am bo unan koulz ha dezho […/…] […/…] Bremañ eo deuet ar mod gant ar wazed Emaint tout er maez ar baisanted Bremañ a zo kasketennoù Pulloverioù ha paitoioù Botoù-lêr Charleston ha foular seiz A weler ke deus an dra-se. » […/…] |
[…/…] « Dès que la mode fut arrivée Alors on alla regarder de près. Et les filles disaient : « Tiens, Cette mode-là n’est pas mauvaise. Ceux-là ont un vélo, J’en aurai un, aussi. » […/…] […/…] Maintenant les hommes sont à la mode. Tous les paysans, à la campagne, ont, maintenant, des casquettes, Des pull-over, des paletots Des chaussures de cuir Charleston et des foulards de soie. On ne voit plus que ça. […/…] |
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