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- Chronique -
Le patron de la crêperie me dit que le breton ne sert à rien
 Avant de quitter la crêperie, j'ai échangé aussi avec le patron de l’établissement sur cette question "Langue bretonne", lequel m'a déclaré avec conviction que le breton ne servait à rien et que les parents qui mettaient leurs enfants dans des écoles bilingues agissaient ainsi pour faire chic. (v5)
Par Eric Pianezza Le Page pour ABP le 28/01/25 17:27

Au cours de mon déjeuner de Nouvel an entre amis dans une crêperie de Quimper, nous avons discuté de la nécessité de sensibiliser davantage le grand public breton à la culture bretonne, en particulier dans deux domaines, "Histoire de la Bretagne" et "Langue bretonne".

 Avant de quitter la crêperie, j'ai échangé aussi avec le patron de l’établissement sur cette question "Langue bretonne", lequel m'a déclaré avec conviction que le breton ne servait à rien et que les parents qui mettaient leurs enfants dans des écoles bilingues agissaient ainsi pour faire chic.

 Il a affirmé aussi que la Bretagne était la seule région de France à panneaux de signalisation et de rues bilingues. Je l’ai informé qu’en réalité les panneaux bilingues étaient bien présents et nombreux dans les autres régions à langues particulières. Il a trouvé que cela se justifiait en Alsace par l’existence d’une langue régionale encore assez bien conservée contrairement à la Bretagne. Ce patron est un Breton pur jus approchant apparemment des 50 ans, au demeurant cordial, mais qui n’a pas manqué de dire sans ambages que les partisans du breton étaient ultra-minoritaires.

 Il m'a semblé que le dialogue était resté bon enfant. Mais j’ai probablement perdu mon temps à essayer de convaincre, courtoisement selon moi, une personne aux idées si arrêtées.

 Faut-il donc se contenter d’user du breton dans un ghetto bretonnant pendant que le nombre total des Brittophones (ou "Bretonnants" selon un terme plus connu) continue à se restreindre de plus en plus rapidement, soit 107 000 locuteurs selon le dernier sondage publié ces derniers jours ? Et combien d’entre eux ont l’occasion de le parler régulièrement avec autrui ?

 Mon amie Marie-Noëlle, qui vit dans le Cap Sizun, propose un argumentaire s’appuyant sur son parcours réussi de néo-bretonnante. En voici la substance.

Comment peut-on dire que la langue bretonne ne sert à rien ?

Il est plus facile de dire que le breton ne sert à rien plutôt que de se mettre à l’apprendre et de réaliser qu'en fait cette langue est passionnante et enrichissante. Mais exposer quelques arguments en faveur du breton, du gallo ou de tout autre toute langue minoritaire, peut donner matière à penser aux opposants ou indifférents et finir un jour par conduire certains d’entre eux à réviser leur jugement si expéditif.

 A minima la langue bretonne sert à comprendre et prononcer correctement les noms de lieux et de personnes. Les panneaux bilingues font comprendre aux gens d'ailleurs et à ceux d'ici qui voudraient l'oublier qu'ils sont en Bretagne brittophone (ou bretonnante selon l’appellation traditionnelle), c’est-à-dire en "Breizh Izel".

 Connaître le breton permet de comprendre et d'apprendre des chants bretons anciens ou contemporains et de suivre une émission de radio ou de télévision en breton. Ces émissions, font découvrir un grand nombre d'évènements culturels bretons qui ne sont pas publiés par les radios-télévisions en français et la presse locale en français. Elles présentent aussi des interviews de gens brittophones extraordinaires dont le vécu en Bretagne ou ailleurs n’est guère évoqué dans les medias francophones.

 La langue est l’un des éléments fondamentaux de l’identité culturelle d’un peuple, le peuple breton en l’occurrence, qu’il s’agisse du breton ou du gallo. Pour ce qui concerne le breton, l’expression "Hep brezhoneg, Breizh ebet" (sans le breton, pas de Bretagne), chantée par Alan Stivell reste d’actualité et on peut la transposer au gallo désormais mieux mis en lumière par ses militants. Il convient donc de réparer l'erreur de nos grands-parents et parents qui ont abandonné la transmission de leur langue, influencés par un jacobinisme persistant et contraignant.

 Ils ont cru favoriser l’avenir de leurs enfants alors que tous les linguistes signalent que la connaissance précoce de la langue locale aussi bien que de la langue générale développe grandement l’apprentissage de différentes autres langues. N’avons-nous pas l’exemple, pour ne citer que celui-là, du Luxembourg où trois langues, le luxembourgeois, l’allemand et le français, sont parlées par la population sans aucun conflit linguistique ?

 Personnellement, au fur et à mesure que j'ai appris le breton j'ai pris conscience d'un monde breton culturellement riche et plus ou moins résistant à l'assimilation, qui vit en parallèle au monde breton francisé.

 Il y a des portes d'accès au monde bretonnant, mais encore faut-il avoir envie de les chercher. Ce n'est pas parce qu'on va danser dans un fest-noz ou assister à un récital de Nolwenn Korbel, Denez Prigent ou Alan Stivell qu'on va accéder à ce monde culturel et linguistique à redécouvrir. Mais comment créer des portes d’entrée, ménager des moments d'accueil conviviaux, nouer des liens chaleureux pour les gens qui y sont disposés ?

 Quant à moi qui ai longtemps vécu hors de France et parle ainsi couramment anglais et allemand, la première fois que je suis rentrée en Bretagne en 1981, je suis allée à la librairie "Ar Bed Keltiek" de Quimper pour m'acheter un disque d'Alan Stivell et j'y ai aussi acheté des livres d'histoire de la Bretagne, qui sont essentiels pour comprendre l’identité de ce pays et de ses habitants, car il faut savoir d’où l’on vient pour comprendre qui l’on est et où l’on va.

 Si à ce moment j’avais su qu’il y avait à Quimper des cours de breton en dehors de l’école et de la fac, j’y serais allée avec joie et j’aurais rencontré d’autres Bretons ayant comme moi la volonté de vivre leur identité bretonne.

 Autrement dit, exposer des livres sur des rayons de librairies ou de stands est nécessaire mais pas suffisant. Il faut échanger et inviter les gens à entrer dans le monde culturel breton.

 Mais de nos jours, existent différentes possibilités pour se familiariser avec le breton ou développer ses connaissances, lentement au début peut-être, mais sûrement si l’on reste persévérant, la motivation aidant. De nouvelles méthodes pour apprendre le breton sont apparues, des plus pédagogiques et efficaces. Il s’y ajoute les cours du soir réguliers, les stages de formation, les stages d’été, les cours à distance en ligne comme (desketa.bzh), les vidéos de (brezhoweb.bzh), les causeries d’associations où chacun peut s’exprimer à son rythme ou participer à des activités en breton (randonnées, conférences, activités pratiques) et des spectacles de théâtre en breton. Il y a aussi une véritable littérature contemporaine bretonne.

 Même des parents non brittophones choisissent des écoles Diwan, non pas "pour faire chic", mais parce qu’ils savent que leurs enfants auront une plus grande ouverture d'esprit et une meilleure capacité de comparer et de raisonner. Ils savent aussi que les enfants comprendront mieux ce qu'est l'identité de la Bretagne et s'y attacheront d’autant plus qu’ils en auront découvert le patrimoine linguistique. Par là même, ils seront portés à agir pour son développement et illustreront ainsi le lien fécond entre économie et culture."

 

 

Voir aussi sur le même sujet : langue bretonne
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Eric Pianezza Le Page a fait partie du Comité de rédaction de Armor Magazine. Il est aussi traducteur et connait plusieurs langues dont le breton. Pendant des années il a participé à l'organisation des Bretons de l'étranger (OBE) et il fait partie du CA de l'Institut Culturel de Bretagne (ICB).
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Vos 10 commentaires
Naon-e-dad Le Mardi 28 janvier 2025 19:21
Plus le temps passe et plus je trouve que la langue bretonne est économique dans ses fondamentaux, structurée, et orientée vers l'écoute de l'interlocuteur.
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Autant de points - le dernier n'est pas le moindre - qui peuvent étonner quelqu'un venant du français.
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A travers elle, on entrevoit mieux le développement de la pensée humaine en ses débuts antiques. Peut-être parce qu'elle est restée un outil populaire, au destin très tôt éloigné des cercles de pouvoir .
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Il reste que la phonologie ou la musicalité (rythmique, accent tonique, et certains sons), différente elle aussi du français mérite une attention toute particulière, surtout pour les générations actuelles dont l'oreille n'aura pas nécessairement été plongée dans ce bain sonore, avec la raréfaction des natifs.
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Cela dit, ce peut-être un plaisir et une belle surprise d’entendre un jeune enfant parler avec une facilité déconcertante (à son niveau de langage), sachant que par ailleurs il/elle maitrise le français naturellement. J’aurais voulu être de ceux-là. Ce ne fut pas le cas.
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Pour reconquérir la langue, il faut avoir l’occasion, non seulement de la lire, mais aussi de la parler.
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Reste à faire un saut d’échelle, pour augmenter drastiquement le nombre des néo-locuteurs bien formés. C’est le versant politique de la question. Le breton ne sert à rien, disent certains dans une vision court-termiste, utilitariste, si ce n’est irréfléchie? Il est un marqueur de culture, d’ouverture intellectuelle et de démocratie....Et çà, ce n’est pas rien.
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Aujourd’hui il est un choix individuel. Et sociétal. Chic ou pas, peu importe les motivations des uns et des autres. Elles sont variées.
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Ar brezhoneg ne dalvfe da netra ? Sell’ta ! Hag ar sevenadur ? Ha pegen lemm e teu da vezañ spered an den dre ur yezh disheñvelik ! Hag ar blijadur ? Hag an demokratelezh a-benn ar fin...Ar brezhoneg ? Evit chom bev.
(1) 
Mevel Jean Yves Le Mardi 28 janvier 2025 22:00
Quel créperie ? Pour que l'on n'y aille pas.
Il y a en Bretagne des personnes de couleur qui défendent plus la BZH que d'autres qui y sont nés et qui ne cherchent qu'à se faire du fric.
Les pauvres !
(1) 
Bernez ar Moulleg Le Mercredi 29 janvier 2025 13:08
Dre chans ne vez ket klevet an dra-se lies ken.
On peut repondre a ce commentaire de bistro:
- La langue bretonne est beaucoup plus belle que le francais, parle par le nez!
- La langue francaise a un petit nombre de sons, la langue bretonne a des sons qu'on retrouve dans d'autres langues, et c'est plus facile de les apprendre.
- Ni moi , ni toi ne servons a rien non plus!
- A quoi bon la musique, le sport, l'art?
- Pourquoi doit-on justifier de parler breton? On parle parce qu'on a envie. On chante parce qu'on a envie.
(1)  Envoyer un mail à Bernez ar Moulleg
Emglev An Tiegezhioù Le Mercredi 29 janvier 2025 14:44
Sur le fond purement matérialiste, puisque c'est apparemment son point de vue, il a raison.
A nous de donner envie aux bretons de changer de langue pour créer une société alternative en breton (car à quoi bon changer de langue si c'est pour la même société ?), une société qui renouerait avec nos racines chrétiennes qui sont par essence révolutionnaires, la révolution de l'Amour.
"on peut la transposer au gallo " Et voilà que l'on parle du coucou à nouveau !
Non on ne peut pas mettre le ramassis de patois 'gallo', terme largement inconnu d'ailleurs, même à force de propagande, en comparaison avec le breton qui est notre langue nationale.
Le chiffre de 130.000 est totalement ubuesque : une autre étude d'il y a 10 ans environ donnait 10.800 personnes, toutes décédées aujourd'hui, c'est triste mais c'est s'aveugler que de ne pas reconnaître que ces patois ne sont plus du tout transmis - tout comme la totalité des patois en breton - et qu'il n'y a au plus dans certains coins de Haute Bzh que certains mots ('pochon'...) ou expressions ('c'est benèze'...) ou inversions (à la perchaine, saint Berieu...) qui ne font pas une langue au sens courant du terme.
(2)  Envoyer un mail à Emglev An Tiegezhioù
Alan E. VALLÉE Le Mercredi 29 janvier 2025 15:09
Il est habituel chez les vainqueurs, vassaux et dépendances, d'expliquer que les vaincus, leur culture, leurs langues et leurs moeurs, n'existent pas. Et que leurs revendications dans ces domaines sont sans objet ou "inutiles".
Reste la question : Comment firent les Polonais, les Baltes, ..., et les Juifs pour préserver leur civilisation ?
Pour commencer, ceux qui ont la chance de parler breton devraient commencer par le parler en famille comme étant une banalité pour que leurs enfants l'apprennent et le parlent là où c'est possible. Idem dans les entreprises ou en mer. C'est normalement simple, efficace et gratuit.
AV
(1) 
De Rafig Naoned à Alan E. VALLÉELe Jeudi 30 janvier 2025 12:44
C'est à Quimper, en république française ! Donc ne chercher pas d'où vient qu'un (pur ?) "breton" qui vit de la gastronomie bretonne mais qui crache sur ce qui est son âme : sa langue. Qu'il ne parle pas évidement par ce qu'il est français en tous points et qu'il s'exprime comme eux. Je n'ose pas imaginer ce qu'il aurait dit si vous aviez aborder le 3e domaine : La Réunification et donc la bretonnité de la Loire-Atlantique ! Le pire c'est que ces personnes, perdues pour la Bretagne, se prennent pour des références.
(1)
André Gilbert Le Mercredi 29 janvier 2025 17:44
petite suggestion pour la visibilité du breton
trouver des sympathisants artisans /commerçants acceptant d'inscrire leur raison sociale , ou activité sur leurs véhicules ou magasins
l'affichage sur les véhicules donnerait l'image d'une langue en mouvement , vivante et peut être supprimer un sentiment d'infériorité
(1) 
G Kerouanton Le Jeudi 30 janvier 2025 11:11
Il faut rester ferme sur nos positions et montrer que de telles affirmations sont destructrices. Affirmer avec le sourire que le breton ne sert à rien , c'est déstabiliser l'interlocuteur, puis le dernier coup de poignard: ça fait chic, c'est-à-dire vous êtes de snobs !
Je pense que cette crêperie est à éviter, il y en a d'autres, avec des patrons mieux disposés.
Il faut nous conforter psychologiquement dans des milieux positifs et bienveillants, et aider là où ça avance. Les personnes négatives sont une plaie pour tous les militants. A éviter, ils comprendront.
(2)  Envoyer un mail à G Kerouanton
Anne Merrien Le Vendredi 31 janvier 2025 12:25
La langue bretonne a toujours tort et l'anglo-américain toujours raison. Er mod-se emañ.
(1) 
TY JEAN Le Mercredi 5 février 2025 09:10
Puisqu'il est question de crêperies...J'ajoute qu'autrefois la mam goz faisait les crêpes,
la fille ou ses enfants, servait les clients.De plus les crêpes, à présent , ne sont pas plus épaisses que du papier à cigarettes...Lorsque mes proches (bretons ) reviennent " au pays " pour les vacances,ils sont effarés par la médiocrité de ces crêpes. Sans parler de l'amabilité des commerçants.
(0) 
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