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- Chronique -
La proclamation de l'indépendance en Catalogne : une première brèche dans l'Europe des États-nations

Les citoyens du monde ont assisté à ce lamentable spectacle de la violence d’Etat déchaînée contre ces citoyens qui souhaitaient pacifiquement exprimer démocratiquement leur volonté souveraine, le fondement de la démocratie qu’est un scrutin

Yann Choucq pour Choucq le 11/10/17 18:58

Ce soir, les Catalans doivent être déçus et certains peut-être même en colère. Le Président de Catalogne a rendu compte devant le Parlement autonome du résultat du referendum par lequel les citoyens catalans se sont prononcés sur la question de savoir s’ils souhaitaient se constituer en Etat indépendant sous forme d’une République, le 1er octobre dernier.

Le résultat officiel de ce scrutin est le suivant : (chiffres arrondis à la centaine inférieure ou supérieure)

A NOTER que, par suite de la fermeture forcée ou de la confiscation des urnes, 400 bureaux de vote représentant 770.000 électeurs n’ont pu être pris en compte.

Ce résultat constitue-t-il une surprise ?

Au niveau du caractère démocratique du processus, le résultat apparaît évident.

Il était par ailleurs prévisible si l’on remontait quelques années en arrière.

En 2011, les partisans de la souveraineté catalane organisent une consultation civique sur l’indépendance. Cette consultation qui va se dérouler par étape dans toute la Catalogne va faire apparaître une aspiration indépendantiste très forte. Ce processus avait étonné par son sérieux les observateurs étrangers invités, dont l’auteur de ces lignes.

En 2014, Artur Mas va organiser officiellement un referendum sur l’autodétermination qui verra la victoire du OUI mais sera déclaré illégal par Madrid. En réplique, il convoque pour septembre 2015 des élections anticipées et le scrutin du 27 septembre va envoyer au Parlement catalan une coalition indépendantiste qui va remporter la majorité absolue des sièges, sur l’engagement de mettre en œuvre un nouveau referendum sur l’indépendance.

En janvier 2016, Carles PUIGDEMONT, devient nouveau président de la Generalitat, après le retrait d'Artur Mas, porté par une coalition entre les deux partis indépendantistes et la Candidature d'unité populaire (CUP) sur l’engagement de poursuivre le processus référendaire et fixe rapidement l’échéance au 1er octobre.

Le parlement catalan adopte une loi référendaire le 6 septembre 2017 convoquant les électeurs à se prononcer le 1er octobre pour ou contre l'indépendance.

Le Tribunal constitutionnel, saisi par Mariano Rajoy (le président du gouvernement à Madrid), va encore obtenir une décision dès le lendemain suspendant le scrutin projeté comme inconstitutionnel.

Le Président de la Generalitat passe outre et poursuit le processus, soutenu par la majorité du Parlement autonome, affirmant qu’il se doit d’accomplir le mandat donné par les électeurs et le Droit reconnu internationalement à l’autodétermination des Peuples. IL TIENT SES PROMESSES.

Puis ayant ainsi conduit à son terme le mandat qu’il avait reçu du Peuple catalan et du Parlement élu par lui, il a proclamé hier soir le droit à l’indépendance de la Catalogne et à se constituer en un état républicain.

Cependant il a proposé au Parlement de suspendre immédiatement l’effet de cette déclaration souhaitant, tant que cela était possible, et avec l’intercession de médiateurs, poursuivre les discussions avec le gouvernement espagnol afin de mettre le processus en œuvre en évitant l’affrontement et en maintenant une démarche non violente et démocratique.

Aux dernières informations les élus des différentes formations « indépendantistes » ont avalisé cette position.

Déception sans doute de ceux qui s’investissent depuis des décennies pour leur reconnaissance comme un peuple majeur et démocrate, non-violent et qui en a fait la démonstration éclatante en résistant sans dérapage ni violence, face au coup de force madrilène.

La plupart des Européens considèrent l’Espagne comme un Etat désormais acquis aux principes de la démocratie. Or, durant ce mois de septembre 2017, les citoyens européens ont pu suivre dans les médias et sur les réseaux sociaux la succession des obstacles graves qu’a mis en œuvre le pouvoir madrilène pour faire obstacle au déroulement du scrutin :

- Vol de bulletins et de matériel électoral, défense faite aux maires de fournir des locaux sous peine de poursuites et de sanctions pénales, aux fonctionnaires catalans d’intervenir sous les mêmes menaces dans l’assistance au déroulement du scrutin,

- Envoi de la force publique contre les bureaux de vote, soit pour les fermer, soit pour empêcher les électeurs de voter, saisissant les urnes en cours ou à la clôture du scrutin pour en empêcher le dépouillement, après avoir frappé et blessé des électrices et des électeurs qui souhaitaient voter.

Les citoyens du monde ont assisté à ce lamentable spectacle de la violence d’Etat déchaînée contre ces citoyens qui souhaitaient pacifiquement exprimer démocratiquement leur volonté souveraine, le fondement de la démocratie qu’est un scrutin. Ils savent donc ce qu’il faut en penser.

Le Gouvernement de Madrid a fini tardivement par reconnaître et regretter ce comportement inacceptable des forces de l’ordre. A qui fera-t-il croire que la guardia civil a agi sans ordres ou qu’elle aurait outrepassé les consignes. Dans le même temps il a engagé des poursuites pénales pour sédition contre le Commandant en chef de la police catalane et contre les responsables des mouvements civiques qui soutenaient le processus référendaire.

Tout ceci n’empêchait pas le Président monarque français de "constater que les Catalans faisaient un coup de force" et qu’il n’avait pas le "sentiment" que la Catalogne soit opprimée et rappelant qu’il ne pouvait mettre sur le même pied d’égalité son "ami" le premier ministre espagnol et le président de la Generalitat qu’il assurait de son soutien sans faille. Nous n’avons décidément pas la même perception du "coup de force" et de la démocratie.

Quelques rappels d’histoire contemporaine :

12 avril 1931: à la suite des élections générales, le roi Alphonse XIII abdique. La Catalogne proclame son indépendance et la République une heure avant l’ Espagne.

En 1932, après une tentative de coup d’Etat avortée, un accord est passé avec la République espagnole portant autonomie de la Catalogne et rétablissement de la Generalitat.

En 1934 un coup d’Etat fomenté par deux généraux Franco et Mola va générer une guerre civile féroce qui verra l’arrivée au pouvoir de Franco avec l’aide de l’Allemagne nazie et de l’ Italie fasciste. Souvenez-vous de Guernica. Une répression terrible des peuples basque et catalan va se poursuivre, ce depuis la prise de pouvoir du dictateur en 1939, jusqu’à sa mort en 1975.

Un gouvernement catalan en exil se réfugie à l’étranger et après la 2ème guerre mondiale en Catalogne nord, sous la conduite de Josep Tarradellas qui incarnera la permanence de la de la République catalane jusqu’à son retour en 1977 après l’octroi du statut d’autonomie et sera jusqu’en 1980 le Président de la Generalitat restaurée.

Pendant les années 1980-2010, son successeur, Jordi Pujol, mettra a profit le statut d’autonomie pour réaliser une véritable renaissance culturelle, économique et politique de la Catalogne. Pour cette œuvre réussie dans la reconnaissance des peuples et cultures autochtones en Europe, les Bretons lui décerneront le Collier de l’Hermine en 1992.

La volonté du peuple catalan est tenace et elle l’a démontré en se reconstruisant après une guerre civile ignoble et 36 ans d’une dictature sanguinaire qui ne l’était pas moins.

Après deux consultations, la première civique en 2011, la seconde en 2014, déclarée illégale par les autorités madrilènes, et des élections au Parlement de Catalogne non contestées (qui, par deux fois ont envoyé siéger des députés majoritairement partisans de l’indépendance), les citoyens catalans ont dit clairement leur volonté démocratique d’user de leur droit à l’autodétermination qui leur est reconnu par le Pacte International sur les Droits Civiques de l’ ONU, lequel a été ratifié par l’ Espagne sans exception ni réserve, ou l’article 3 de la déclaration sur les droits des peuples autochtones de 13 septembre 2007, qui a respecté, qui a méconnu la liberté fondamentale, le droit inaliénable de ce peule à l’autodétermination énoncé dans l’article en lui contestant le droit de l’exercer ?

Jeu des Questions-Réponses :

Qu’oppose Madrid par la contrainte pour dénier ces droits ?

- La revendication est contraire à la constitution espagnole qui affirme l’unicité et l’indivisibilité de cet Etat et donc le referendum est contraire à l’Etat de droit.

En quoi un Etat démocratique peut-il opposer sa loi nationale à un principe de droit international reconnu sauf à se mettre hors les normes démocratiques et les libertés fondamentales par la loi internationale.

Les Français, sauf leur Président, se souviennent de leur premier pas vers la démocratie. Louis XVI avait réuni les Etats Généraux à Versailles. Le 20 mai 1789, les 300 députés du Tiers Etat soit 1/4 des 1200 délégués, réunis dans la salle nommée « LE JEU DE PAUME », y rédigeaient un  pronunciamiento, comme diraient les gens de Madrid, jurant de ne pas se séparer avant d’avoir rédigé une constitution. Devant le refus du Roi qui mettait son veto à cette démarche contraire à l’Etat de droit, ils renvoyèrent l’éminent Marquis par la célèbre formule de Mirabeau sur la volonté du peuple et la force des baïonnettes. Ils se renommèrent « Assemblée constituante » et dans la foulée, proclamèrent l’abolition des privilèges, la Déclaration des Droits de l’ Homme, et la 1ère constitution que le monarque ratifia « faisant contre mauvaise fortune bon cœur » On sait ce qu’a été la suite, chute de la monarchie, proclamation de la République, laquelle sombra rapidement dans un gouvernement nommé Comité de Salut Public dont l’œuvre est restée dans l’histoire comme« LA TERREUR » avant l’arrivée de l’ Empire puis de la Restauration.

Nous avions appris, écoliers, en instruction civique que la démocratie c’était la souveraineté du peuple. Nous savons maintenant que l’ « Etat de droit » n’est aujourd’hui, pour les tenants du pouvoir, que le cache-sexe de la raison d’Etat. Telle est la conception présente et solidaire de nos gouvernants européens.

- les résultats du referendum ne sont pas fiables en ce que le décompte des votes exprimés n’a pu être suffisamment sérieuse en raison des conditions de déroulement du scrutin.

Qui a perturbé ce scrutin, sinon l’Etat espagnol usant à cette fin de la force publique, la détournant de sa fonction de maintien de l’ordre, de la sécurité et de la paix publique pour l’employer à entraver le suffrage universel qui est l’un des piliers de la démocratie ?

A chacun son hagiographie lacunaire et la sélection mémorielle qu’elle révèle.

- il n’y a eu que 43% de votants, ce qui ne permet pas de dégager un score majoritaire certain.

Qui a empêché les citoyens de voter dans 400 bureaux de vote et qui a empêché un dépouillement normal en enlevant les urnes avant tout dépouillement ?

Petite arithmétique primaire :

Si l’on englobe les 770.000 votants qui n’ont pu être pris en compte en raison des entraves de la force publique, on passe de 43,15 % à 55,79% de suffrages exprimés quelque soit le sens de ces suffrages.

Si l’on prend en compte les résultats par circonscription électorale, c’est dans l’agglomération de Barcelone où les entraves au scrutin ont été les plus nombreuses, que le nombre de votants est le plus faible (29,5%), quand il dépasse nettement le 50% dans toutes les autres circonscriptions sauf Tarragone, et où le OUI décompté est le plus faible à 87,8% des suffrages exprimés, les votes blanc étant pris en compte comme suffrages tels, quand dans les autres circonscriptions il dépasse 90%.

Comment peut-on considérer que les 12% d’ électeurs qui n’ont pu voter ou être décomptés auraient pu inverser le sens du scrutin ? Monsieur Rajoy prend-il les citoyens de Catalogne, d’ Europe 1 d’ailleurs, pour des demeurés ?

La vérité est autre : Rajoy est à la tête d’un gouvernement faible et avait perdu son poste de Premier Ministre obtenu en 2011 après un scrutin législatif perdu en décembre 2015. Après dissolution des Cortes par le Roi le 3 mai 2016, faute de gouvernement investi, un second scrutin, le 26 juin 2016, et de nouvelles tractations lui ont permis de constituer un gouvernement à majorité relative grâce à l’abstention des députés socialistes.

Opposer l’Etat de droit au vote des citoyens n’est pas d’évidence un signe de bonne santé pour la démocratie.

Alors, jouer les « Matamores » face à ceux qui ont su se rassembler et constituer une majorité qui n’est pas de façade et qui les a reconduits 3 fois en 2014, en 2015 et en 2017, pour défier la libre expression de la volonté citoyenne, ça fait plutôt aveu de faiblesse.

Pour ceux qui ne sont pas au fait, les députés catalans sont élus au scrutin proportionnel de liste à 1 tour dans quatre grandes circonscriptions provinciales ; en 2017 il y avait 11 listes en concurrence et les partis de la coalition indépendantiste ont remporté la majorité absolue.

Alors qu’ au vu de la foule rameutée dimanche dernier à Barcelone par le Parti de Rajoy à grand renfort de bus affrétés venant de toute l’Espagne, qui n’arrive pas à concurrencer en nombre les seuls militants catalans tenant du oui, faisant écho au chef de gouvernement madrilène réduit au boniment de foire, tous les « grands médias » européens parent cette manif des atours de « majorité silencieuse », cela vous paraît crédible à vous ?

Le Peuple catalan qui, sans céder au piège des provocations a su maintenir le cap jusqu’à terme sans recours au désordre ou à la violence, montre une autre force et une autre maturité.

En l’état, et sans préjuger de la suite, il a ouvert les yeux à tous les honnêtes citoyens européens qui n’ont pas réussi, dans les hasards de l’histoire, à se faire attribuer un statut d’ Etat-nation, hors les catalans andorrans évidemment.

Ce discours est repris par les porte-paroles de toute la caste politique en Europe et relayé par les grands médias tel que, par exemple Macron qui ne connaît comme interlocuteur que Madrid, ajoutant qu’une déclaration d’indépendance d’un territoire régional dans ces conditions, cela n’arriverait pas en France. Sur ce dernier point malheureusement on le croit et cela donne son niveau de démocratie.

Que le distingué Guy Verhofstadt, ancien Premier Ministre belge et actuel président du groupe libéral au Parlement européen nous explique qu’il faut envisager, comme chez lui, un système fédéral, parce que vous comprenez si on arrive à une UE à 75 Etats, c’est impossible une fois !

Oublient-ils que cette Europe des Etats à finalité purement économique, a commencé en 1957 à 6 pays membres lors du Traité de Rome, avec seulement l’Allemagne de l’ Ouest ?

Que l’UE aujourd’hui en compte 28, même si le Brexit va la faire retomber à 27 (sauf si la Catalogne ou l’Ecosse y étaient reçues (ce qu’elles souhaitent semble-t-il).

Alors là, elle passerait même à 29. Si en plus les îles Féroé, qui pourraient gagner en 2018 leur second referendum d’indépendance, après celui déjà victorieux de 2010, conduisait le Danemark à leur lâcher l’indépendance, eux qui sont autonomes depuis le XIIIème siècle, ce serait la catastrophe ! Attention il y a du poisson, mais un peu de pétrole marin autour…

Les Ecossais ont perdu leur referendum sur l’indépendance, reconnu comme légal, Sa Gracieuse Majesté étant plus démocrate que son homologue espagnol. Ils ont respecté le verdict des urnes. C'était avant le Brexit, qu’adviendra-t-il lors de la prochaine démarche en ce sens ? Arrêtons de plaisanter mais la dérision est parfois bien utile pour comprendre la politique.

La réponse au problème est venue d’où je ne l’attendais pas

Regardant la télévision samedi dernier, j’ y vois apparaître l’éminent politologue Olivier Duhamel, Agrégé de droit public, Professeur émérite à Sciences Po et désormais Président de la Fondation nationale des Sciences Politiques. Il débat avec d’autres, notamment, sur la question de la Catalogne.

Il a expliqué que ce qui se passait, après l’Ecosse, était la révélation de ce qu’il a pertinemment appelé "la crispation identitaire des Etats-Nations". Ces Etats-Nations sont tellement traumatisés après la perte de leurs empires qu’ils ne supportent plus l’idée d’être encore amputés d’un morceau des territoires qu’ils contrôlent et de voir se réduire la surface de leur aire de souveraineté.

Cette caste gère ces Etats-nations dans un petit club chargé d’aménager au profit du libéralisme les territoires qu’ils organisent et gèrent, y pose les règles de la libre-concurrence, et assure la paix sociale des populations qui y vivent.

Entre eux, ses membres se chipent un peu les parts du gâteau en jouant au moins disant fiscal ou au moins disant social, et quelques-uns ne sont que difficilement transparents et coopérants sur les circulations de capitaux, ce qui est embêtant.

Pour le reste, l’UE ce n’est pas l’Europe. Pour les Droits de l’Homme, les droits culturels et linguistiques et autres, allez voir à Strasbourg au Conseil de l’Europe. Pour eux, ce n’est pas contraignant, voyez la France, il suffit de signer, de faire signer les petits nouveaux à leur arrivée dans l’UE, et pour les anciens membres de ne surtout pas ratifier les conventions, sauf à refuser de souscrire aux dispositions gênantes sur les langues régionales, les minorités et les colonies résiduelles, la France étant depuis toujours dans le déni à ce sujet et chaque année ignorante des sanctions prononcées contre par l ‘Assemblée Générale de l’ ONU. Ce n’est pas grave puisque la condamnation n’entraîne pas de sanction.

A Strasbourg, il n’y a pas d’élections mais une assemblée parlementaire composée de délégations des 47 états membres. Dernière nouvelle, le Président de cette assemblée, un sénateur espagnol, appartenant au PP de Rajoy, vient de démissionner pour éviter une procédure de destitution. Qu’on se rassure, rien à voir avec les Catalans, mais plutôt avec sa fréquentation de Bachar El Assad et ce qu’elle reflétait de sa perception des droits de l’Homme qui ternissait l’image du Conseil.

Hasard du calendrier le Président de ce Conseil a obtenu l’engagement du gouvernement espagnol à diligenter une enquête sur les violences commises à l’occasion du referendum en Catalogne. Dès lors qu’il assurait son interlocuteur de son attachement à l’Espagne et l’espoir d’une solution négociée, cela ne mangeait pas de pain.

Et pour la sécurité extérieure et la paix dans le monde voyez l’OSCE, mais là c’est un club privé, le grand public n’est pas admis. Il faut dire que là, ils sont 57 membres.

L’Europe est aujourd’hui composée de ces Etats qui se considèrent comme tout puissants, et comme l’Espagne, la France en est un parfait exemple et peut-être pire encore. Déniant dans son jacobinisme parisiano-compulsif, l’existence même des spécificités culturelles et linguistiques, elle est avec la Grèce et la Turquie l’un des derniers Etats à n’avoir pas ratifié les textes du Conseil de l’ Europe protecteurs de cette diversité.

Elle a pour ce faire, un cerbère vigilant qui s’appelle le Conseil Constitutionnel. Il a la double fonction de censurer toute entorse législative au décalogue jacobin et au besoin de restreindre la portée des textes votés par la représentation élue ou à les censurer. (cf. par exemple CC n° 2011-130 QPC 20 .05.2011 et CC n° 91-920 du 19 Mai 1991) surtout lorsqu’il s’agit d’écarter tout droit ou liberté qui seraient reconnus au bénéfice d’une langue, d’une culture autre que le français ou à une communauté spécifique même comme composante du peuple français.

Nous sommes loin de la Catalogne mais les Bretons pourraient être quelque part jaloux des libertés et droits qui leur sont actuellement reconnus. Ne nous faisons pas d’illusion. Ce n’est pas de ces Etats qui dans leurs textes écrivent "Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. " (constitution française 1958 article 2) ou encore "La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum" ou "Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. "(idem article 3) que viendra une solution.

Ce n’est pas de l’Etat français que nous obtiendrons quoi que ce soit en faveur des peuples autochtones qui sont sous son autorité puisqu’il nie par principe même leur existence.

Faut-il alors désespérer ?

Toute proportion gardée, il faut rappeler que sous le régime franquiste un citoyen qui s’adressait à une autorité en basque ou en catalan recevait cette injonction immédiate habla Cristiano (parle chrétien). Aujourd’hui leurs langues sont officiellement reconnues et officialisées.

Les Catalans ont su rassembler leur peuple et forger en son sein une volonté commune de vivre leur identité et leur culture commune. Celle-ci était tout aussi niée que la nôtre, mais lorsque les circonstances historiques se sont présentées, ils étaient prêts à les saisir et ils l’ont fait.

Il en va de même pour les Basques, pour les Ecossais, qui, dans une certaine mesure, et malgré leur confrontation à des obstacles similaires, se dirigent vers un nouveau statut de collectivité territoriale propre. Mais là encore, ils ont su rassembler leur peuple dans ses différentes composantes politiques et obtenir la représentation majoritaire de ce peuple au sein des instances électives nationales.

Même les Basques inclus dans le territoire et dans le peuple français ont réussi à constituer un Iparralde, une communauté de communes unique, rassemblant toutes ces collectivités territoriales, et créer à partir de cela des instruments de développement économiques et culturels.

Là encore, les Basques ont su se rassembler dans leurs divergences faisant primer l’existence de leur peuple même s’il est aussi nié que le nôtre. Le fait que ce peuple unique et uni ait existé sous deux jougs différents y a sans doute contribué, mais au prix de combien d’années de lutte d’un côté comme de l’autre d’une frontière qui les a ainsi divisés, suite au dépeçage de l’ancien Royaume de Navarre pour le mariage d’un monarque français avec une infante d’Espagne.

Un peu plus loin, au-delà de l’ Europe, regardons le courage du peuple kurde, partagé entre quatre Etats pas spécialement démocratiques et plongés dans la guerre, après que deux grandes puissances européennes se soient partagées les dépouilles de l’empire ottoman au terme de la 1ère guerre mondiale sous la bénédiction de la Société des Nations par des accords découpant le Moyen-Orient à la règle et au crayon pour les deux protagonistes, des territoires qui ne recouvraient aucune réalité humaine, entraînant encore aujourd’hui la guerre et la misère, les dictatures, aggravées par un fanatisme venu de l’extérieur.

Lui aussi commence à progresser dans sa reconnaissance, avec quelle ténacité et à quel prix humain !

Alors serions-nous à la traîne et condamnés ?

Seuls sans doute difficilement, mais comme le pressent Olivier Duhamel, l’ Europe de Etats-nations arrive à ses limites dès lors qu’elle a été confisquée par une caste politique au détriment des Peuples. Nous avons, nous aussi, bâti des instruments, le développement de l’enseignement de notre langue. Nous avons réussi progressivement à générer des enseignants et à les intégrer dans les autres filières scolaires.

Nous voyons flotter sur nos monuments publics territoriaux notre drapeau, ce qui était pratiquement impensable il y a 50 ans.

Mais ne soyons pas naïfs, les miettes de subventions qui ont permis cela ne sont au mieux que des traitements palliatifs grâce auxquels certains espèrent voir les nôtres achever leur fin de vie sans douleurs.

Le vote pour l’indépendance du peuple catalan le 1er octobre même s’il ne lui permet pas un effet immédiat, a eu une répercussion qui peut profiter à tous car il constitue une brèche dans une société politique européenne qui par delà les postures rhétoriques sur la démocratie et les droits de l’homme, et les libertés, ne cesse d’accumuler les dettes et les charges.

De notre côté, redressons-nous et sortons de nos chicanes ou de nos chamailleries sur des détails, comme si la seule manière d’exister pour chacun était de prendre le contre-pied de l’autre au lieu de rechercher ce que nous pouvons construire ensemble sur ce qui nous rassemble.

Nous avons un avantage sur nos adversaires, c’est que nous n’avons pas de problème d’identité car nous savons qui nous sommes, quand eux ne voient les autres que dans leur miroir.

La crispation identitaire, comme l’a relevé Olivier Duhamel, se dilue dans leur narcissisme et leur individualisme. L’impact médiatique de leurs petites phrases ne cache que leur absence d’imagination et leur incapacité à écouter l’autre. Ne sombrons pas dans cette dérive.

Remercions nos frères catalans du souffle qu’ils nous apportent en poursuivant sans violence ni dérive le chemin du retour vers la démocratie certains qu’ils atteindront leur but et ne se noieront pas dans une pathologie schizophrène, écartelés entre la jouissance de l’instant et l’empathie réelle ou simulée qu’ils trouvent dans le malheur de l’autre tant qu’il ne n’en sont pas atteints.

Pour vous remonter le moral en conclusion je vous propose deux pistes non concurrentes :

- mettez les unes à côté des autres des cartes de l’ Europe par siècle depuis le XVIème siècle. Vous découvrirez que dans le temps rien n’est plus mouvant que le découpage des frontières et des Etats. Seuls les peuples peuvent se construire et s’entraider quand les premiers n’aspirent qu’à dominer l’autre ou à le phagocyter.

- écoutez, réécoutez jusqu’à satiété et sans modération cette chanson de l’immense poète catalan Lluis Llach , qui, il y a 50 ans, a fait chanter tout son peuple, et que ce peuple chante encore. Ressourcez-vous en énergie et en solidarité avec l’effort coordonné des deux pêcheurs pour renverser le vieux pieu d’amarrage pourri qui symbolisait le dictateur Franco et leur permettrait de prendre le large avec leur barque. Ceci symboliserait assez bien cette Union Européenne de bas-empire, qui fait tourner l’argent comme une toupie fait tourner le béton.

Elle lui valut l’exil, mais quand il rentra chez lui, des foules de plusieurs milliers de personnes se précipitaient une bougie ou un briquet allumé à la main pour chanter à l’unisson: I ens podrem alliberar 

Ils ont réalisé aujourd’hui aux yeux du monde une crevasse dans le vieux système UE, à nous de multiplier les fissures pour édifier à sa place l’Europe des citoyens libres et des peuples solidaires.

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Vos 7 commentaires
  Jacques
  le Jeudi 12 octobre 2017 00:13
Ben oui, mais quelle différence avec le Breton actuel.... :
Qui chasse le fa et le capitaliste à Nantes et combat pour le féminisme en terre celtique...
Qui aiment l'autre celui qui vient de loin mais refuse de serrer la main à son compatriote au titre qu'il n'est politique pas issu de LA communauté de pensée...
Qui voit dans le nationalisme réel une dérive honteuse et qui pour s'en démarquer se précipite pour voter pour le nationalisme des étatistes....
Qui considère que l'indépendantiste de son pays est un loufoque mais admire l'indépendantiste issu d'un autre pays...
Ok, le Catalan gère l'adversité qu'elle soit espagnole ou européenne.... c'est bien, il écrit son histoire....
Mais en quoi cela concerne le Breton d'aujourd'hui qui préfère lui se raconter des histoires...?
Car ni le Catalan, ni le Corse, ni l'Ecossais, aussi sympathique est-il, n'a l'intention de venir en Bretagne pour faire le travail du Breton... ni pour lui remettre les neurones en place...
Le Catalan, le Corse et l'Ecossais partagent des valeurs communes...Oui...
Possible même qu'ils partagent un souhait commun pour une autre Europe, celle aux 100 drapeaux par exemple...
Mais le Breton lui pour l'instant, à part le rôle de la groupie sa préoccupation personnelle est ailleurs...
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  spered dieub
  le Jeudi 12 octobre 2017 11:01
Un article intéressant à ce sujet
https://francais.rt.com/opinions/44115-crise-espagne-catalogne-nest-pas-kurdistan-irakien
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  Jiler
  le Jeudi 12 octobre 2017 11:50
A Jacques,
Nous n'avancerons pas en accusant sans cesse nos compatriotes . Regardons nos erreurs en face, nous militants bretons, et changeons nos manières de faire.
Je suis étonné de voir le pragmatisme d' Alex Salmon : "apportez des solutions là où il n'y en a pas" nous a-t-il dit en gros ... alors continuerons nous à rêver, ou bien changerons nous nos mauvaises méthodes, et chercherons nous à apporter des solutions aux problèmes de nos concitoyens?
Exemples : proposons nous des solutions à notre agriculture ? aux déserts médicaux du Centre Bretagne ? à l'emprise excessive des maisons secondaires sur le littoral et les îles? que faire pour que des retraités aisés empêchent notre aquaculture de se développer (si la plaisance l'emporte sur la création de travail, ne sommes nous pas fautifs?) etc... Travaillons et cherchons des solutions , il y en a.
D'autre part, que les militants culturels restent dans leur domaine de compétence ! Et qu'ils laissent le champ libre à de vrais hommes politiques, qui eux iront sur le terrain.
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  Paul Chérel
  le Jeudi 12 octobre 2017 12:05
En marge de cet excellent article, je voudrais dire qu'aujourd'hui, 12 octobre, nos "EXCELLENTS " journaux français rappellent que l'Espagne fête cette date au moyen de festivités. Mais tous nos "EXCELLENTS" journaux, qui ne voient guère d'un bon œil les multiples relévements de mentons qui surgissent un peu partout dans cette Europe vieillissante d'Etats-nations, rappellent que CE JOUR 12 octobre est pour l'Espagne , soit le jour de la NATION ,soit pire encore,le jour du NATIONALISME. OR, ce 12 octobre, l'Espagne commémore tout simplement la découverte de l'Amérique par un certain Christiophe Colomb et c'est donc surtout le jour de "l'Hispanité" (Dia de la Hispanidad) ou encore "Dia de la FIESTA nacional de España" et c'est sous le règime franquiste, en 1958, qu'il est devenu jour de FETE nationale sous les noms de fête de l'Hispanité ou même, n'ayons pas peur des mots "Fête de la Race ". Messieurs les journaux, revoyez vos notions d'Histoire ! Paul Chérel
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  Fañch
  le Jeudi 12 octobre 2017 15:04
"Les Français, sauf leur Président, se souviennent de leur premier pas vers la démocratie. Louis XVI avait réuni les Etats Généraux à Versailles. Le 20 mai 1789, les 300 députés du Tiers Etat soit 1/4 des 1200 délégués, réunis dans la salle nommée " LE JEU DE PAUME ", y rédigeaient un pronunciamiento, comme diraient les gens de Madrid, jurant de ne pas se séparer avant d'avoir rédigé une constitution."
SAUF que ce n'était que la bourgeoisie et les marchands au nom du libéralisme (moins de 10% de la population) et que plus de 80 % des peuples et nations qui constituaient le Royaume ne parlaient pas le patois versaillo-parisien. (qu'ont ils compris à cette révolution bourgeoise ?)
Depuis lors c'est toujours la même caste qui tire les ficelles et qui gouverne. référendum 2005 : le Sénat des bourgeois annule le vote des peuples de l'hexagone.
En Bretagne en 50 ans on a réussi a mettre quelques drapeaux bretons sur quelques mairies, Le Drian fait chasser le drapeau breton a St Nazaire et 3% des étudiants parlent breton quelle avancée ! Ah si, les autoroutes gratuites et les fest-noz.
La Bretagne a les élus qu'elle mérite. Cela se nomme collaboration pour des prébendes, c'est humain, on l'a déjà connu en d'autres temps.
Pendant ce temps là, les Catalans parlent et étudient exclusivement leur langue. (l'espagnol est relégué comme langue étrangère au même titre que l'anglais)
ils apprennent l'Histoire de leur nation, la Catalogne, et cela ne les empêche pas d'être ouverts sur le monde.
Les Basques l'ont fait ils savent qu'ils ne sont pas Espagnols,
Les Écossais savent eux aussi qu'ils ne sont pas Anglais,
Les Corse le feront car l'annexion et l'occupation de leur pays est récente, ils connaissent leur histoire,
Les Alsaciens ont disparus dans le chaudron gaulois,
Les Bretons leurs préoccupations personnelles sont ailleurs... OUI grâce au socialisme.
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  spered dieub
  le Vendredi 13 octobre 2017 11:45
http://fr.euronews.com/2017/10/05/catalogne-pourquoi-une-partie-de-la-population-veut-etre-independante
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  Jacques
  le Mercredi 1 novembre 2017 00:42
@ Jiler
Je viens de voir votre commentaire avec retard.
Pour avancer il faut commencer par faire un état des lieux.... or cet état des lieux du mouvement breton est dramatique à tous les niveaux... mais personne le fait... n'ose le faire...
Imaginez-vous un chef de chantier arrivant sur une ruine en disant ... 'allez les gars, on se met au travail, chacun sa pioche...' sans faire un état, sans plan, sans rien.... C'est le meilleur moyen de se prendre une pierre sur la tête....
Je pense que c'est une erreur de penser que les "politiques" sont là pour proposer des solutions, dans tous les domaines, sur tous les sujets...
Je connais beaucoup de monde dans le domaine politique breton, beaucoup de bonnes volontés et sincèrement formidables, mais tous cherchant à trouver des bonnes solutions dans des domaines qu'ils ne connaissent pas... et cela d'autant plus que nous n'avons pas l'exercice du pouvoir.
Il me semble que le travail d'un politique c'est de regrouper autour de lui les compétences et surtout de donner confiance aux gens de métier pour trouver eux-mêmes les solutions...!
Sauf quand on chasse l'antifa/l'antiraciste à Nantes (pour les plus médiatiques d'entre nous), on est loin de créer cette confiance qui apporte les solutions...!
Et franchement quand on voit l'importance de ces questions dans le mouvement breton, il est temps de nous poser quelques questions tant je ne connais aucune société démocratique en Europe autant perturbé que nous sur ces sujets...
Je n'imagine pas un futur gouvernement breton avec 2 ministères, un pour chacune de ces 2 questions majeurs de notre société bretonne... ne nous étonnons pas que le milieu politique breton soit discrédité auprès des citoyens...
Et ce n'est pas le politicien omniscient qui redonnera cette confiance...! (d'autant que la République nous alimente largement en omniscients...)
Pour conclure, quand vous voyez le positionnent politique du mouvement breton et le fait que nous n'avons même pas un syndicat salarié breton représentatif...! Et que ce sont les Corses qui nous exporte le leur...
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