Put your name here

connexionS'accréditer | S'abonner | Se connecter | Faire un don
> Logo ABP
ABP e brezhoneg | ABP in English |
- Communiqué de presse -
La langue bretonne et le droit français

Texte de l'intervention de maître Yann Choucq à Langonnet

Fanny Chauffin pour Kerne Multimédia le 30/05/17 21:39

Texte de l'intervention de maître Yann Choucq à Langonnet

LA LANGUE BRETONNE ET LE DROIT FRANCAIS

Chaque langue et chaque culture s’est développée au fur et à mesure de l’extension des groupes sociaux depuis le niveau tribal jusqu’aux sociétés modernes où la communication planétaire est aujourd’hui dominée par les développeurs de la communication électronique essentiellement l’anglo-américain, n’en déplaise au complexe de supériorité des tenants de la langue française.

Chaque peuple a ainsi intellectualisé et organisé la communication entre ses membres par un langage commun qui reflétait l’expression de sa perception de son monde et de sa vie ainsi que sa perception métaphysique et imaginaire.

L’organisation et la normalisation de cette expression commune ne s’est réellement développée et structurée qu’avec l’apparition de l’écriture et par conséquent de la lecture qui permettait d’en conserver la mémoire.

Les premières langues écrites aujourd’hui classées en groupes et sous-groupes sont apparues en Extrême Orient, dans le Bassin des empires du Moyen Orient et de la corne de l’Afrique autour du IVème millénaire avant JC au regard des traces archéologiques connues aujourd’hui.

Pour ce qui concerne les peuples dits celtiques, leur particularité est qu’ils se sont cantonnés à une tradition orale très tard. Au-delà de quelques courtes inscriptions probablement funéraires plus anciennes, le premier texte faisant apparaître des mots de breton (ou de cornique) insérés dans un texte essentiellement en latin serait le manuscrit de Leyde daté suivant les sources entre le VIIIème et le Xème siècle de notre ère.

Il ne faut pas s’en étonner dans la mesure où, à partir de la conquête romaine, l’écrit dominant est le latin, lequel n’est en usage que dans les classes lettrées de l’empire, alors que la plupart des populations sont analphabètes en ce sens qu’elles ne savent ni lire ni écrire, cette faculté n'étant réservée qu’au monde ecclésiastique et par suite des nécessités de l’organisation administrative, aux clercs qu’ils ont formés et qui servent des monarques eux-mêmes généralement analphabètes.

Les écrits autres que ponctuels ne se répandent que par la copie manuscrite, c’est-à-dire en nombre très réduit.

L’écriture… et la lecture ne se développeront que par la révolution de l’imprimerie attribuée à Gutenberg dans la 1ère moitié du 15ème siècle.

Jusqu’alors, les langues et cultures se développent librement en Europe, au gré d’ailleurs de formes dialectales liées à l’oralité de la transmission.

I – L’Ordonnance de VILLERS COTTERÊTS :

Le premier texte qui va imposer la langue française aux sujets de Royaume de France est l’ Ordonnance de François 1er d’Août 1539, soit hélas après l’ Edit du Plessis-Macé du même souverain proclamant l’attachement indéfectible de la Bretagne à la France.

Le but de ce texte est de mettre un terme à l’usage du latin dans la vie législative et juridique du pays et d’en faire, de fait, la langue officielle unique du royaume.

II – LA RÉFORME CONSTITUTIONNELLE DE 1995

Ce texte restera en application et fondera juridiquement l’usage exclusif du français dans la vie publique en France jusqu’ à la réforme constitutionnelle du 4 Août 1995 qui va introduire dans l’article 2 de la Constitution la phrase « La langue de la République est le français », affirmant ainsi dans l’ordre juridique républicain un principe qui trouvant son fondement dans une Ordonnance de l’ « Ancien Régime » entachait quelque peu l’image de la République démocratique » . Il va bientôt fêter son 22ème anniversaire.

III - DE LA MONARCHIE A LA REPUBLIQUE :

Il reste que dans la période suivant l’ Ordonnance de Villers Cotterêts, le problème de l’usage de la langue, sauf dans les actes officiels va peu préoccuper l’Etat. En effet, les populations restent encore majoritairement analphabètes et peu importe donc à l’administration du royaume le « dialecte » dans lequel échangent ses sujets, dès lors qu’ils payent l’impôt et fournissent la soldatesque nécessaire aux guerres de conquête.

L’enseignement est donc abandonné à l’Eglise pendant toute cette période qui se charge d’instruire des clercs soit pour son service, soit pour ceux de l’administration du monarque ou pour la justice qui est d’ailleurs parallèlement royale et ecclésiastique entre bases de droit coutumier, de droit romain et de droit canon.

La Révolution de 1789 va conduire dans un 1er temps à la Monarchie constitutionnelle et aux décisions de l’Assemblée Constituante.

C’est ainsi qu’en Juin 1790, réalisant que les 2/3 de la population du royaume ne parlent pas le français, elle va décider que « TOUS LES DECRETS SERONT TRADUITS DANS TOUTES LES LANGUES REGIONALES, AFFICHÉS ET LUS EN PLACE PUBLIQUE ».

Cependant, dès Juin 1790, Talleyrand va soulever la difficulté du manque de traducteurs pour justifier que la traduction ne suffit plus et que le coût en est prohibitif. Il va justifier le renoncement à cette politique en ces termes : « Parler le français c’est accéder à la démocratie. Oublier le patois c’est se libérer de la domination et de la dépendance. »

La chute de la Monarchie, l’élimination des « Girondins » à tendance fédéraliste au profit des « Jacobins » au sein de la Convention et la création du Comité de Salut Public, vont conduire à une déclaration de Bertrand BARÈRE :

« La monarchie avait des raisons de ressembler à la tour de Babel ; dans la démocratie, laisser les citoyens ignorants de la langue nationale, incapables de contrôler le pouvoir, c'est trahir la patrie... Chez un peuple libre, la langue doit être une et la même pour tous." 

Cela va conduire à deux rapports :

Le 1er du même Bertrand Barère du 27 Janvier 1794 où l’on peut relever :

« Combien de dépenses n'avons-nous pas faites pour la traduction des lois des deux premières assemblées nationales dans les divers idiomes de France ! Comme si c'était à nous à maintenir ces jargons barbares et ces idiomes grossiers qui ne peuvent plus servir que les fanatiques et les contre-révolutionnaires !

Le Fédéralisme et la superstition parlent bas-breton, l’émigration et la haine parlent allemand, la contre-révolution parle l’italien (le corse), et le fanatisme parle basque. »

le 2ème de l’ Abbé Grégoire intitulé : « RAPPORT SUR LA NECESSITE ET LES MOYENS D’ANEANTIR LES PATOIS ET D'UNIVERSALISER L’USAGE DE LA LANGUE FRANCAISE » du 10 juin 1794, où l’on peut lire :

« Ainsi l'instruction et les connaissances utiles, comme une douce rosée, se répandront sur toute la masse des individus qui composent la nation, ainsi disparaîtront insensiblement les jargons locaux, les patois de six millions de Français qui ne parlent pas la langue nationale. Car, je ne puis trop le répéter, il est plus important qu'on ne pense en politique d'extirper cette diversité d'idiomes grossiers, qui prolongent l'enfance de la raison et la vieillesse des préjugés. Leur anéantissement sera plus prochain encore, si, comme je l'espère, vingt millions de catholiques se décident à ne plus parler à Dieu sans savoir ce qu'ils lui disent, mais à célébrer l'office divin en langue vulgaire.

Nous n'avons plus de provinces, et nous avons encore environ trente patois qui en rappellent les noms.

Peut-être n'est-il pas inutile d'en faire l'énumération : le bas-breton, le normand, le picard, le rouchi ou wallon, le flamand, le champenois, le messin, le lorrain, le franc-comtois, le bourguignon, le bressan, le lyonnais, le dauphinois, l'auvergnat, le poitevin, le limousin, le picard, le provençal, le languedocien, le velayen, le catalan, le béarnais, le basque, le rouergat et le gascon ; ce dernier seul est parlé sur une surface de 60 lieues en tout sens.

Au nombre des patois, on doit placer encore l'italien de la Corse, des Alpes-Maritimes, et l'allemand des Haut et Bas-Rhin, parce que ces deux idiomes y sont très-dégénérés.

Enfin les nègres de nos colonies, dont vous avez fait des hommes, ont une espèce d'idiome pauvre comme celui des Hottentots, comme la langue franque, qui, dans tous les verbes, ne connaît guère que l'infinitif. »

Ceci aboutira à un décret de la convention :

La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité d'instruction publique, décrète :

Le Comité d'instruction publique présentera un rapport sur les moyens d'exécution pour une nouvelle grammaire et un vocabulaire nouveau de la langue française. Il présentera des vues sur les changements qui en faciliteront l'étude et lui donneront le caractère qui convient à la langue de la liberté.

La Convention décrète que le rapport sera envoyé aux autorités constituées, aux Sociétés populaires et à toutes les communes de la République.

Ce texte ne sera jamais appliqué, mais ensuite Le Comité de salut public réaffirma la nécessité de supprimer les «dialectes»:

«Dans une République une et indivisible, la langue doit être une. C’est un fédéralisme que la variété des dialectes [… ], il faut le briser entièrement.»

Enfin, le 2 Thermidor An II (20 juillet 1794) Robespierre promulgua quelques jours avant sa chute le 9 le texte suivant :

« Article 1er

À compter du jour de la publication de la présente loi, nul acte public ne pourra, dans quelque partie que ce soit du territoire de la République, être écrit qu'en langue française.

Article 2

Après le mois qui suivra la publication de la présente loi, il ne pourra être enregistré aucun acte, même sous seing privé, s'il n'est écrit en langue française.

Article 3

Tout fonctionnaire ou officier public, tout agent du Gouvernement qui, à dater du jour de la publication de la présente loi, dressera, écrira ou souscrira, dans l'exercice de ses fonctions, des procès-verbaux, jugements, contrats ou autres actes généralement quelconques conçus en idiomes ou langues autres que la française, sera traduit devant le tribunal de police correctionnelle de sa résidence, condamné à six mois d'emprisonnement, et destitué.

Article 4

La même peine aura lieu contre tout receveur du droit d'enregistrement qui, après le mois de la publication de la présente loi, enregistrera des actes, même sous seing privé, écrits en idiomes ou langues autres que le français. »

Sa chute et la fin de la Terreur ne permettront pas la mise en œuvre de ces mesures.

C’est en définitive dans un premier temps la création des lycées napoléoniens sous le 1er Empire qui vont permettre le développement de générations d’élèves formée et éduqués en français.

C’est ensuite la loi Guizot « sur l'instruction primaire » qui est promulguée le 28 juin 1833 par Louis-Philippe Ier, portant création des écoles normales qui va permettre la mise en place d’un corps d’instituteurs pour l’enseignement primaire.

Sous la IIème République et le second empire, la loi Falloux de 1850 viendra restreindre la portée de cette institution, autorisant la création d’écoles primaires communales en raison de la méfiance concernant les idées radicales voire sociales répandues dans les écoles normales qui dépendaient des départements.

Enfin, sous la 3ème République que seront promulguées les lois de Jules Ferry promulguées de 1879 à 1882, instituant l’enseignement primaire gratuit et obligatoire qui vont définitivement asseoir l’enseignement exclusif du français, avec les méthodes punitives que l’on connaît à l’encontre des élèves qui s’aviseraient dans l’enceinte de l’école de prononcer un mot d’un idiome ou patois.

Cette méthode qui sera pratiquée de manière systématique jusque dans le début des années 1950 se révèlera la plus efficace pour tenter d’éradiquer les langues autres que le français.

III – LA RÉAPPARITION FUGACE DES LANGUES ET DIALECTES RÉGIONAUX :

Ce n’est que par une loi n° 51-56 du 11 janvier 1951 dite « loi Deixonne » que va être tolérée dans l’enseignement public l’enseignement, si l’on peut dire des langues et parlers régionaux à raison d’ 1 à 2 h facultatives par semaine pour le primaire et de travaux dirigés dans le secondaire « pour les élèves qui en feront expressément la demande », ceci comprenant « le folklore et les coutumes régionales ».

Elle sera abrogée en 1975 par la loi BAS-LAURIOL qui va au contraire interdire l’affichage et la publicité contenant des langues étrangères et sera remplacée en 1994 par la Loi TOUBON de 1994 qui va imposer la prohibition dans la sphère publique de tout affichage dans une langue autre que le français ainsi que dans les colloques et manifestations, sauf à accepter la publication conjointe de traductions dans au moins 2 langues autres.

Il en était de même pour les contrats avec traduction autorisée pour ceux conclus avec des partenaires étrangers.

Il s’agissait alors de protéger la langue française contre l’emprise de l’anglo-américain.

L’évolution des médias depuis a montré l’efficacité toute relative de ce dispositif.

IV - LA CONSTITUTION ET LES LANGUES « REGIONALES » :

Alors que depuis les années 1960, les revendications des locuteurs de langues autres que le français se voyaient opposer, au-delà d’une loi Deixonne inapplicable, faute d’enseignants, d’ élèves prêts à s’ imposer cette charge scolaire facultative et supplémentaire, l’ignorance ou le silence de l’ Etat.

À quasiment chaque nouvelle législature, quelques parlementaires soucieux de la question déposaient une proposition de loi en vue de leur donner une place officielle, qui n’était jamais mise à l’ordre du jour.

Plus récemment, un mouvement important s’est développé afin de faire signer et ratifier par la France « Charte européenne des langues régionales ou minoritaires » adoptée à Strasbourg le 5 novembre 1992.

Appliquant le principe de Clemenceau, selon lequel : « Quand j’ai un problème, je crée une commission » les gouvernements et Présidents de la république successifs, sous le prétexte de s’assurer de la compatibilité de ce texte avec la Constitution française ont commandé des « rapports » successifs aux frais du contribuable.

En Bretagne chacun se souvient du rapport POIGNANT, puis il y a eu celui de feu l’éminent constitutionnaliste Guy CARCASSONNE qui avait rédigé sa conclusion en « argot parisien » sans doute au nom du principe d’égalité entre les parlers minoritaires.

Ce n’est en définitive que le 7 mai 1999 que La France a signé la Charte, tout en formulant des réserves.

Le Conseil économique et social des Nations unies a, en 2008, « suggéré » et « recommandé » à la France d'« envisager » la ratification de cette Charte.

La seule réaction a été la suivante :

Prétendant répondre à une promesse de candidat du Président qui vient de quitter ses fonctions, L'Assemblée nationale a adopté en janvier 2014 un amendement constitutionnel permettant la ratification du traité. Allait-on enfin voir les principes du Droit Européen en ce domaine devenir applicables en France ? Que nenni, Le texte est finalement rejeté par le Sénat le 27 octobre 2015.

Sans accord des deux assemblées sur un texte commun, plus de réforme constitutionnelle possible.

La seule consolation sera l’adoption le 23 juillet 2008 d’une modification constitutionnelle par création de l’article 75-1 ainsi libellé :

« Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. »

Comme on disait dans l’ancien droit monarchique, notre langue et notre culture font désormais partie du « domaine royal », inaliénable.

L’Etat français se l’est définitivement approprié au détriment du peuple. Qui parle de République monarchique et d’État monarchique ?

Durant la plupart des 10 dernières législatures, des parlementaires ont déposé des propositions de loi sur le statut et l’enseignement des langues régionales, la plupart ont attendu sans être débattues l’achèvement de la législature en cours pour se retrouver… au panier, comme toutes celles qui n’ont pas été inscrites à l’ordre du jour des assemblées.

Pour mémoire (on devrait dire « in memoriam » comme pour les défunts), on citera les plus récentes examinées par la représentation nationale détentrice du pouvoir législatif :

- n° 283 Proposition de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, adoptée en 1 ère lecture par l'Assemblée nationale le 28 janvier 2014, mais rejetée par le Sénat,

- n° 660 Proposition de loi relative à l'enseignement immersif des langues régionales et à leur promotion dans l'espace public et audiovisuel. rejetée en 1ère lecture par l'Assemblée nationale le 14 janvier 2016,

- n° 897 Proposition de loi relative à la promotion des langues régionales. adoptée en 1 ère lecture par l'Assemblée nationale le 31 janvier 2017, devenue caduque après la fin de la législature, et que le Sénat n’aura même pas à examiner !

Qu’elles reposent en paix.

À quand la prochaine ?

V- LA FRANCE, PATRIE DES DROITS DE L’ HOMME ET PILIER DE L’ EUROPE ?

Comme on l’a vu ci-dessus, la résistance de l’ État français à ratifier la Charte des langues ou minoritaires n’a pas de limites.

Pour s’en convaincre il suffit de se référer aux réserves déposées lors de la signature et avant même toute ratification telles que publiées par le Conseil de l’ Europe :

France :

Déclaration consignée dans les pleins pouvoirs remis au Secrétaire Général lors de la signature de l'instrument, le 7 mai 1999 - Or. fr.

La République française envisage de formuler dans son instrument de ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires la déclaration suivante :

1. Dans la mesure où elle ne vise pas à la reconnaissance et la protection de minorités, mais à promouvoir le patrimoine linguistique européen, et que l'emploi du terme de «groupes» de locuteurs ne confère pas de droits collectifs pour les locuteurs des langues régionales ou minoritaires, le Gouvernement de la République interprète la Charte dans un sens compatible avec le Préambule de la Constitution, qui assure l'égalité de tous les citoyens devant la loi et ne connaît que le peuple français, composé de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion.

2. Le Gouvernement de la République interprète l'article 7-1, paragraphe d, et les articles 9 et 10 comme posant un principe général n'allant pas à l'encontre de l'article 2 de la Constitution selon lequel l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public, ainsi qu'aux usagers dans leurs relations avec les administrations et services publics.

3. Le Gouvernement de la République interprète l'article 7-1, paragraphe f, et l'article 8 en ce sens qu'ils préservent le caractère facultatif de l'enseignement et de l'étude des langues régionales ou minoritaires, ainsi que de l'histoire et de la culture dont elles sont l'expression, et que cet enseignement n'a pas pour objet de soustraire les élèves scolarisés dans les établissements du territoire aux droits et obligations applicables à l'ensemble des usagers des établissements qui assurent le service public de l'enseignement ou sont associés à celui-ci.

4. Le Gouvernement de la République interprète l'article 9-3 comme ne s'opposant pas à ce que seule la version officielle en langue française, qui fait juridiquement foi, des textes législatifs qui sont rendus accessibles dans les langues régionales ou minoritaires puisse être utilisée par les personnes morales de droit public et les personnes privées dans l'exercice d'une mission de service public, ainsi que par les usagers dans leurs relations avec les administrations et services publics.

Articles concernés : 1, 10, 7, 8, 9

Déclaration consignée dans les pleins pouvoirs remis au Secrétaire Général lors de la signature de l'instrument, le 7 mai 1999 - Or. fr.

La République française indiquera dans son instrument de ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, conformément à son article 3-1, les langues régionales auxquelles s'appliqueront les mesures qui seront choisies en application de l'article 2-2. La République française envisage, conformément à l'article 2-2, de s'engager à appliquer certains ou tous les paragraphes ou alinéas suivants de la partie III de la Charte:

article 8

alinéas 1 a (iii), 1 b (iv), 1 c (iv), 1 d (iv), 1 e (i), 1 e (ii), 1 f (ii), 1 g, 1 h, 1 i

paragraphe 2

article 9

paragraphe 3

article 10

alinéas 2 c, 2 d, 2 g

article 11

alinéas 1 a (iii), 1 b (ii), 1 c (ii), 1 d, 1 e (ii), 1 f (ii), 1 g

paragraphe 2

paragraphe 3

article 12

alinéas 1 a, 1 b, 1 c, 1 d, 1 e, 1 g

paragraphe 2

paragraphe 3

article 13

alinéas 1 b, 1 c, 1 d

alinéas 2 b, 2 e

article 14

paragraphe a

paragraphe b

Ceux qui en auront le courage ou la patience pourront comparer ces réserves au texte de la Charte et comprendront aisément qu’entre une ratification dans ces conditions et une coquille vide, il n’y aura pas grande différence.

Que dire alors pour ce qui concerne un autre texte que la France a contraint les derniers états admis au sein de l’ Union Européenne, en particulier les anciens pays dits de l’Est, à ratifier comme condition de leur admission.

Il s’agit de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales adoptée par le même Conseil de l’Europe le 10 Novembre 1994, qu’elle n’a à ce jour ni signée ni ratifiée.

Chacun pourra s’y rapporter sur le site du Conseil de l’Europe. (voir le site)

Il ne faut pas s’en étonner si l’on se rapporte à la 1ère réserve émise sur la Charte ci dessus-reproduite.

C’est une constante dans le noyau central de la conception constitutionnelle française.

En droit interne elle a déjà eu à se prononcer concernant l’enseignement par immersion d’une langue autre que le français :

On citera sur ce plan 2 décisions du Conseil Constitutionnel :

Si, pour concourir à la sauvegarde des langues régionales, l'État et les collectivités territoriales peuvent apporter leur aide aux associations ayant cet objet, il résulte des termes de l'article 2 de la Constitution que l'usage d'une langue autre que le francais ne peut être imposé aux élèves des établissements de l'enseignement public ni dans la vie de l'établissement, ni dans l'enseignement des disciplines autres que celles de la langue considérée. L'article 134 de la loi de finances pour 2002 autorise la nomination et la titularisation des personnels enseignants en fonction dans les établissements d'enseignement privés du premier et du second degré gérés par l'association " Diwan " et prévoit également qu'à la date de cette intégration, les personnels non enseignants pourront devenir contractuels de droit public. Il n'a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de décider du principe de l'intégration de ces établissements dans l'enseignement public. Sachant que la caractéristique de ces établissements est de pratiquer l'enseignement dit " par immersion linguistique ", méthode qui ne se borne pas à enseigner une langue régionale, mais consiste à utiliser celle-ci comme langue d'enseignement général et comme langue de communication au sein de l'établissement, il appartiendra aux autorités administratives compétentes, sous le contrôle du juge, de se prononcer, dans le respect de l'article 2 de la Constitution et des dispositions législatives en vigueur, sur une demande d'intégration. Sous cette réserve, l'article 134 n'est pas contraire à la Constitution. (2001-456 DC, 27 décembre 2001, cons. 48 à 52, Journal officiel du 29 décembre 2001, page 21159, Rec. p. 180)

Contrôle de la loi de finances 2002 :

48. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 2 de la Constitution : "La langue de la République est le français" ; qu'en vertu de ces dispositions, l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public ; que les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d'un droit à l'usage d'une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage ;

49. Considérant que, si, pour concourir à la sauvegarde des langues régionales, l'État et les collectivités territoriales peuvent apporter leur aide aux associations ayant cet objet, il résulte des termes précités de l'article 2 de la Constitution que l'usage d'une langue autre que le français ne peut être imposé aux élèves des établissements de l'enseignement public ni dans la vie de l'établissement, ni dans l'enseignement des disciplines autres que celles de la langue considérée ;

50. Considérant que l'article 134 de la loi de finances pour 2002 autorise la nomination et la titularisation des personnels enseignants en fonction dans les établissements d'enseignement privés du premier et du second degré gérés par l'association "Diwan" dans l'hypothèse où ces établissements seraient intégrés dans l'enseignement public en application de l'article L. 442-4 du code de l'éducation ; qu'il prévoit également qu'à la date de cette intégration, les personnels non enseignants pourront devenir contractuels de droit public ;

51. Considérant que la caractéristique des établissements gérés par l'association "Diwan", ainsi qu'il ressort de l'exposé des motifs de cet article, est de pratiquer l'enseignement dit "par immersion linguistique", méthode qui ne se borne pas à enseigner une langue régionale, mais consiste à utiliser celle-ci comme langue d'enseignement général et comme langue de communication au sein de l'établissement ;

52. Considérant que l'article 134 n'a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de décider du principe de l'intégration de tels établissements dans l'enseignement public ; qu'il appartiendra aux autorités administratives compétentes, sous le contrôle du juge, de se prononcer, dans le respect de l'article 2 de la Constitution et des dispositions législatives en vigueur, sur une demande d'intégration ; que, sous cette réserve, l'article 134 n'est pas contraire à la Constitution ;

ou sur l’usage officiel des langue locales en Polynésie française :

Aux termes du premier alinéa de l'article115 de la loi soumise au Conseil constitutionnel : " Le francais étant la langue officielle, la langue tahitienne et les autres langues polynésiennes peuvent être utilisées " Aux termes de l'article 2 de la Constitution : " La langue de la République est le francais ". Eu égard à cette disposition, la référence faite par l'article 115, premier alinéa, au francais en qualité de " langue officielle ", doit s'entendre comme imposant en Polynésie francaise l'usage du francais aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public, ainsi qu'aux usagers dans leurs relations avec les administrations et services publics. Toute autre interprétation serait contraire à l'article 2 de la Constitution. (96-373 DC, 9 avril 1996, cons. 88 à 94, Journal officiel du 13 avril 1996, page 5724, Rec. p. 43)

C’est dire que, sans une réforme constitutionnelle, il ne faut pas espérer une évolution positive de la situation. La République française a « interprété » dans sa devise LIBERTE EGALITE FRATERNITE, le terme EGALITE comme synonyme de celui d’ UNIFORMITE.

Pour contourner le problème, il n’ y a qu’à comprendre que pour l’ ETAT, il n’ a en France indivisible qu’un peuple, qu’une langue, et qu’il n’existe aucune minorité ni aucun peuple distinct ou autochtone : En France ON PARLE FRANÇAIS COMME TOUT LE MONDE .

VI – AU PLAN DU DROIT INTERNATIONAL PLANÉTAIRE :

On réfèrera pour résumer la situation à la Résolution de l’ Assemblée Générale de l’ONU

n° 61/295 du 13 septembre 2007, sur les Droits des Peuples Autochtones, et sur les nombreux rapports concernant l’attitude de l’ Etat français vis-à-vis des langues bretonne, basque, catalane, corse, occitane ou des outre-mer, produites par la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU ou à ceux de l’ UNESCO, pour comprendre que c’est un gène institutionnel introduit dans l’ Etat français par les Jacobins sous « La Terreur » qu’il faudra éradiquer.

CONCLUSION :

Les concessions faites après des décennies de combat militant en ce qui concerne l’enseignement du breton et des autres langues dans l’hexagone ne doivent pas faire illusion, pas plus que la tolérance du bilinguisme dans la signalétique routière ou urbaine.

Ces tolérances ne constituent aux yeux de ceux qui les ont concédées que comme des traitements palliatifs de fin de vie.

Ce n’est pas être pessimiste que de le dire, mais au contraire, face au réel, d’affirmer que notre combat pour soigner et guérir notre peuple du cancer jacobin ne doit être encore que plus déterminé et que la mobilisation devra être permanente et résolue pour longtemps encore, sauf à croire aux miracles ou à l’intervention d’un Esprit Saint.

RETROUSSONS NOS MANCHES DANS L’UNITE ET POURSUIVONS LA LUTTE POUR LA RECONNAISSANCE DE DROITS QUI SONT FONDAMENTAUX DANS LE DROIT DEMOCRATIQUE UNIVERSEL.

Ce n’est à mon avis que par des interventions constantes et répétées conjointes avec les autres peuples autochtones en Europe et dans le Monde auprès des organisations internationales européennes ou planétaires que nous pourrons espérer voir l’ Etat français se mettre en conformité avec les droits de l’homme à la diversité culturelle et linguistique universellement reconnus et proclamés.

Le développement actuel des technologies du numérique pouvant permettre la transmission quasi instantanée d’une langue à une autre des idées, de l’information et de la connaissance, aucun obstacle matériel de ceux invoqués par les « révolutionnaires » de « la Terreur » à l’époque ne saurait être justifié.

Toute langue, toute culture quelle qu’elle soit est une vision originale du Monde et fait partie à ce titre du patrimoine culturel universel. Il n’appartient à aucune autorité, à aucun Etat d’en organiser la disparition. Ceci relève du génocide culturel qui constitue un crime contre l’ Humanité.

Parallèlement, poursuivons la résistance en tout et partout au nom de ces DROITS et LIBERTES qui nous sont reconnus par les normes juridiques internationales, même si l’Etat français, en violation de ces droits s’acharne à en nier l’existence même.

Cette RESISTANCE est LEGITIME, même contre l’ ABSOLUTISME LUTECIEN !

Yann Choucq

Voir aussi :
mailbox
Cet article a fait l'objet de 1967 lectures.
Youtubeuse, docteure d'Etat en breton-celtique à l'Université Rennes 2 / Haute Bretagne, enseignante, militante des droits humains à Cent pour un toit Pays de Quimperlé, des langues de Bretagne avec Diwan, Aita, GBB, ...., féministe, enseignante, vidéaste, réalisatrice, conteuse, chanteuse, comédienne amateure, responsable depuis vingt ans du concours de haikus de Taol Kurun, des prix littéraires Priz ar Vugale et Priz ar Yaouankiz, ...
Voir tous les articles de Kerne Multimédia
Vos 5 commentaires
  Hoel
  le Mercredi 31 mai 2017 10:27
Le salut ne viendra pas d'ailleurs !
La langue est une chose essentielle mais n'est pas la seule. La question bretonne est globale.
Le génocide culturel, c'est aussi la privation d'histoire, c'est aussi la non-reconnaissance officielle de la nation bretonne.
Lutter pour un des aspects en oubliant les autres, c'est continuer dans l'échec.
La question bretonne se résoudra globalement, ou ne se résoudra pas.
Hoel
Voir "A propos de la domination française" sur mediapart
(0) 
  spered dieub
  le Mercredi 31 mai 2017 15:01
(Tant mieux si je me trompe ,je ne me prétends pas infaillible , Les avancées pour la langue bretonne notamment en matière de signalétique se font dans l'indifférence d'au moins 90% de la population ,contrairement au pays de Galles .Pour peser les acteurs de la revendication ont mis en avant le nombre de locuteurs natifs, alors que par ailleurs ils méprisaient le breton populaire jusqu'à souhaiter sa disparition ,jacobinisme rennais quand tu nous tient .Et la génération intermédiaire complètement sacrifiée et méprisée également alors que c'est justement elle qui avait la capacité de faire le lien entre la langue codifiée et celle des natifs ,le problème n'était pas insurmontable ,et je rejoints Hoel quand il dit que question bretonne est globale .Cependant l'emsav depuis les années trente a fait le choix idéologique de l'élitisme n'arrangeant rien à l'état psychologique du peuple breton déjà suffisamment humilié par la stratégie mise en oeuvre par les gouvernements franciliens . A la limite, à ce niveau l'ancienne union régionaliste bretonne malgré qu'elle était très conservatrice aurait été bien plus constructive et réaliste .Imaginez vous en 2037 avec scénario de vingt mille locuteurs brittophones et une signalétique bilingue généralisée ,comment va finir par réagir une population qui sera hélas de plus en plus déconnectée de la langue bretonne .?
(0) 
  Hoel
  le Mercredi 31 mai 2017 15:23
"Ce n'est à mon avis que par des interventions constantes et répétées conjointes avec les autres peuples autochtones en Europe et dans le Monde auprès des organisations internationales européennes ou planétaires que nous pourrons espérer voir l' Etat français se mettre en conformité avec les droits de l'homme à la diversité culturelle et linguistique universellement reconnus et proclamés."
Des interventions ont déjà été faites, sans aucun résultat. Pas de façon constante et répétée, car il n'y a pas le potentiel de militants en Bretagne pour faire des interventions "contants et répétées".
Il n'y pas de "pôle juridique" dans le mouvement breton, et tout le monde a un avis différent, voire des intérêts différents. L'Etat français peut dormir tranquillement sur ses deux oreilles.
Cependant, nul n'est tenu de se soumettre à des lois oppressives. Il y a même obligation morale de ne pas s'y soumettre. La loi française ne vaut rien en Bretagne. Elle est nulle et non avenue.
Hoel
@postcolbrittany
(0) 
  Ar Vran
  le Mercredi 31 mai 2017 19:55
@Spered dieub
Attention à ne pas mélanger.
Ce n'est pas parce qu'il y a des instances "officielles" pour la langue bretonne qui seraient elle seule capable de dire quel est le bon breton que les personnes qui ont reçu en héritage cette langue s'empechent de communiquer en breton!
Que font ces bretonnants de naissance pour avoir une chaîne de télé en breton? attendent-ils que les trains passent en restant sur le chemin que eux seuls disposent de la science infuse (un peu comme Per Jakez Helias qui trop fier de parler le breton n'a pas juger bon de le transmettre à ses enfants ! c'est un comble !!!)
Cela est de l'histoire ancienne et je rejoins totalement Hoel quant à ses propos! C'est un combat global, qui doit bien sûr comprendre la langue bretonne, l'histoire et la culture bretonne mais également l'économie, le social et la fierté retrouvée de se définir comme Breton et non plus je ne sais quelle anerie du type 'citoyen du monde', 'ouvert sur les autres' (sous entendu que quand on parle breton, on vit replié....
Qu'un de ses piliers tombe et la Bretagne disparait.
Pour résumer cela s'appelle du "respect" et il est plus que tant que les Bretons EXIGENT de la France ce minimun de respect. La première étape étant de ne pas voter pour des candidats de partis hexagonaux qui défendent le modèle français actuel...
(0) 
  spered dieub
  le Mercredi 31 mai 2017 20:37
Ar vran
'
Ma réponse à votre question était dans mon commentaire .('état psychologique du peuple breton déjà suffisamment humilié par la stratégie mise en oeuvre par les gouvernements franciliens)
Quand des personnes disent dans leur langue qu'elle ne sert à rien et ne vaut rien ,c'est symptomatique d'un traumatisme ,bien qu'un éminent linguiste bien trop tôt disparu 'a prononcé une phrase que je n'ai pas encore digéré ,il estimait que si les Bretons avaient été encore plus oppressés et humiliés ils auraient réagi ....Pour lui ceux qui défendaient le breton populaire étaient pour la mort du breton .Cela ne fait longtemps des élèves vannetais étaient moqués à diwan Carhaix à cause de leur expression dans leur dialecte .Une autre personne a dit qu'il valait mieux qu'il reste mille locuteurs purs que de faire des concessions .
l
(0) 
Commenter :
Votre email est optionnel et restera confidentiel. Il ne sera utilisé que si vous voulez une réponse d'un lecteur via email. Par exemple si vous cherchez un co-voiturage pour cet évènement ou autre chose.
ANTI-SPAM : Combien font 7 multiplié par 9 ?