Diwan est en danger, suite aux récentes déclarations intempestives du ministre Blanquer, qui semblent remettre en cause l’enseignement dit « immersif » , pourtant fort de plus de quarante années d’expérience ayant conduit à des résultats plus que probants et même spectaculaires (voir note), déclarations en contradiction avec les engagements pris par Edouard Philippe, en février 2019, en sa qualité de Premier Ministre, et donc au nom de l’Etat.
Voilà ce qui a motivé, très rapidement, un ensemble de manifestations locales, ciblées (Brest, Quimper, Quimperlé, Lorient,…pour ne citer que les confins de la péninsule bretonne).
A Quimper, un rendez-vous avec le Préfet du Finistère est programmé ce lundi 27 mai à 17h00, afin d’expliquer les effets ravageurs sur le plan budgétaire, de l’amendement Blondin-Robert-Fichet (trois sénateurs socialistes de Bretagne), et les retouches rédactionnelles qu‘il conviendrait d’y apporter pour faire bénéficier Diwan de certains financements, liés au maillage local et au service de proximité. Très concrètement, il s’agit du « forfait scolaire » , concernant les établissements du premier degré sous contrat d’association.
La généralisation de ce « forfait scolaire » , auquel l’Etat s‘est engagé, concerne la filière Diwan autant que les filières bilingues du public et du privé. Cela permettrait, dans le cas de Diwan, de pérenniser les indispensables emplois non-enseignants, et donc de sécuriser l’avenir du réseau immersif, véritable fleuron de l’enseignement en Bretagne.
Comme toujours, le point de blocage n’est pas qualitatif, ni pédagogique, il est politique. Elèves, parents d’élèves, professionnels de l’enseignement, responsables politiques locaux et régionaux pensaient voir enfin le ciel breton s’éclaircir, après tant de décennies de lutte incessante. Mais non, un simple ministre de l’Education, dans cette République inquiète peut révéler une capacité de nuisance redoutable. Et faire fi des droits fondamentaux de toute démocratie digne de ce nom.
Transmettre une langue magnifique et historique serait donc sinon interdit, du moins bloqué par étouffement financier provoqué. Les parents Diwan sont pourtant des contribuables comme les autres. La volte-face du ministre pose donc à ce jour, un problème d’égalité républicaine.
Ceux qui le peuvent et le souhaitent sont invités à se présenter lundi 17h00, devant la Préfecture du Finistère, en soutien à la délégation qui sera reçue par le Préfet.
Enfin, redisons encore à ceux qui pataugent un peu en matière de langue, l’intérêt que présente la langue bretonne. Langue historique en Bretagne occidentale, à la fois parlée - depuis quinze ou vingt-cinq siècles, la question serait débattue - et écrite - premières traces connues dès le IX siècle -. Après avoir connu un dramatique couperet sociologique (ou plutôt socio-politique) dans la décennie cinquante, elle a su s’adapter au monde contemporain et ambitionne de traverser les siècles futurs.
Comme toute langue, le breton possède trois caractéristiques essentielles et distinctives :
. un lexique original et qui ne cesse de grandir (actuellement 100.000 mots, voir commentaire lectrice). A titre de comparaison, le lexique de Victor Hugo écrivain français réputé le plus foisonnant en compterait environ 50.000. Tandis que le lexique de l’hébreu de la période biblique se limiterait à environ 10.000 mots).
. une musicalité (ou phonologie) originale, qui représente un atout pour des francophones natifs (les élèves Diwan le sont bien évidemment), car la phonologie bretonne ouvre l’oreille vers des domaines inconnus du seul francophone.
. une syntaxe différente de celle du français (structuration de la phrase, concordance des temps,…) qui en fait un outil original et complémentaire dans l’expression de la pensée.
La langue bretonne est donc un trésor patrimonial qui n’a cessé d’évoluer sur le temps long, un atout intellectuel et psychologique, qui séduit et attire ponctuellement de nombreux étrangers d’origine diverse. Elle cherche simplement à survivre, pour le plus grand plaisir de ceux qui la pratiquent. Elle est la diversité à domicile. Mieux encore, elle fédère en pratique et étonnamment, dans une société minée par le morcellement ambiant.
Diwan, née en 1977, en est aujourd’hui le fer de lance, et ressent concrètement – les diverses interventions orales à la manifestation de Quimper l’ont confirmé et illustré – une demande sociale qui ne faiblit pas et à laquelle elle voudrait pouvoir répondre. Très légitimement.
D’où l’importance, pour répondre à cette demande sociale et culturelle, du respect par l’Etat de ses propres engagements.
Justis evit Diwan ! Justis evit ar Brezhoneg !
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Note:
. Lycée Diwan de Carhaix, premier lycée de France en matière de résultats, il y a quelques années, selon une classification d’un grand quotidien national
. Merci à Youenn Chapalain (Diwan Kemper, association AEP) pour sa documentation technique
. photos avec personnages sous copyright (usage libre pour Diwan)