On utilise beaucoup de glyphosate en Bretagne, autant que dans les vignobles du Bordelais. Les Côtes d'Armor et surtout le Finistère font partie des 10 départements français qui consomment le plus de glyphosate. La Loire-Atlantique n'est pas en reste avec son important vignoble. Le glyphosate est un herbicide inventé par un chimiste suisse en 1950 et fabriqué par la firme américaine Monsanto. Monsanto fabriquait déjà l'agent orange , aussi un défoliant, utilisé pendant la guerre du Vietnam et qui a affecté les populations civiles et leurs descendances de terribles mal-formations. Toutefois le glyphosate s'est avéré une molécule miracle. Il a contribué largement à l'augmentation de la productivité et à la réduction des coûts, ainsi que de la pénibilité du travail en agriculture.
D'une part la Bretagne est une terre d'agriculture, et que d'autre part, l'herbe y pousse plus vite et plus drue qu'ailleurs. Même les Chinois avaient remarqué que chez nous l'herbe pousse toute l'année et ne jaunit pas. Les vaches y produisent beaucoup de lait. Les éleveurs sont contents, mais les céréaliers ou les producteurs de légumes et de légumineuses beaucoup moins.
Pour contrôler l'herbe, les agriculteurs, non-bio, aspergent leurs champs de glyphosate quelques temps avant les semailles. Les feuilles des végétaux que l'on veut faire disparaitre absorbent le défoliant et meurent. Les fleurs de printemps aussi. En fait toute la végétation disparaît. C'est un peu le retour aux brulis d'autrefois mais sans le feu. On cultive dorénavant sur des brulis chimiques. Même les plantations de sapins de Noel sont aspergées entre les rangs régulièrement pour éliminer l'herbe et les broussailles. Certains vergers ne sont pas épargnés. Deux tiers des agriculteurs utilisent du glyphosate selon la FDSEA du Finistère.
Le glyphosate, et aussi les pesticides neurotoxiques, seraient responsables de la mort de milliers de ruches. Le processus n'est pas encore clairement établi, il peut être lié à la disparition au printemps des plantes dont se nourrissent les abeilles et/ou à une intoxication lors du butinage. Le fait que l'on retrouve du glyphosate dans le miel est toutefois la preuve que les abeilles en consomment.
Le glyphosate est utilisé comme herbicide, mais il est aussi utilisé depuis peu comme agent de dessiccation. Il s'agit de dessécher les récoltes pour récolter une ou deux semaines plus tôt et éliminer des plantes invasives comme les chardons ! Pratiqué aussi dans certains pays si l'été a été pourri. Cette pratique inventée en Écosse est autorisée en France et presque partout en Europe et en Amérique du Nord. A noter que la Coordination Rurale a demandé l'interdiction de la dessiccation (1).
Le glyphosate est aussi utilisé sur les bas-côtés des routes et pour désherber les voies ferrées. Il passe aussi dans les cours d'eau, mais plus grave une partie se retrouve dans notre alimentation. L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) via son agence du CIRC, a établi que le glyphosate était "probablement" cancérogène. Le mot "probablement" venant de l'OMS doit être lu comme "très probablement". En mars 2017, l'État de Californie a reconnu que le glyphosate était cancérogène. Le label "cancérogène" doit être écrit en grosses lettres sur les boîtes mais cette pratique n'est pas suivie par les vendeurs et des procès sont en cours.
On retrouve des traces de glyphosate dans les céréales, oui les céréales du petit déjeuner que l'on donne aux enfants y compris le Muesli et les corn flakes; dans les légumineuses (lentilles, haricots secs, pois chiches) , les pâtes, et tous les produits contenant de la farine de blé, y compris le blé complet et jusqu'à votre croissant du dimanche matin. Le Kouign Amann en contient probablement. Les doses restent faibles : de 40 µg/kg pour une céréale du petit déjeuner à 2100 µg par kg dans certains paquets de lentilles importés. Ce sont les céréales et les légumineuses, comme les lentilles venant du Canada, provenant de pré-récoltes après dessiccation, qui contiennent le plus de glyphosate. Il devient impératif de ne manger que des lentilles bio ! Les bières faites avec de l'orge et du houblon venant de pré-récoltes contiennent aussi du glyphosate. Heureusement, les agriculteurs bretons utilisent la dessiccation naturelle pour le maïs, attendant fin octobre pour les récoltes !
En France, les herbicides contenant du Glyphosate, comme le Roundup seront interdits dans les jardins au premier janvier 2019. Dès 2010 des chercheurs de Buenos-Aires en Argentine ont signé la sonnette d'alarme (2). Des recherches faites à Caen par Gilles-Eric Séralini et Nora Benachoux ont montré que la dangerosité du Roundup venait de la combinaison du glyphosate avec d'autres produits chimiques, soi-disant neutres, mais devenant toxiques dans les mélanges qui composent le roundup. Même si certaines études ont été remises en cause, beaucoup pensent que le principe de précaution doit s'appliquer. Le drame c'est que la dangerosité du produit n'est pas clairement indiquée sur les bouteilles. D'autant plus que beaucoup ne lisent même pas les conseils d'utilisation. Des femmes enceintes ont naïvement utilisé ce produit sans s'imaginer qu'il pouvait avoir des conséquences néfastes sur le foetus.
"Stop glyphosate", une pétition de type ICE (initiative citoyenne européenne) pour interdire le glyphosate, lancée par des ONG environnementales, a atteint plus d'1,3 million de signatures en Europe et est donc passée.
En octobre 2017, le Parlement européen a voté en faveur de la disparition du glyphosate d’ici à 2022
Le 13 décembre 2017, la commission européenne à donc autorisé le glyphosate pour encore 5 ans ignorant royalement l'initiative citoyenne et provoquant un recours en annulation de cette réautorisation auprès de la Cour de justice de l'Union européenne.
Le 28 mai 2018, l’Assemblée Nationale a voté sur l’interdiction du Glyphosate en France avec 491 absents, 63 contres et 20 pour.
Le 1O août 2018, Monsanto a été condamné par la justice californienne à verser 289 millions de dollars à Dewayne Johnson, un jardinier ayant utilisé pendant des années le glyphosate. Le plaignant est en phase terminale d’un cancer du système lymphatique. Monsanto-Bayer a fait appel.
Le 16 septembre 2018, un autre vote à l'assemblée nationale. Les deux tiers des députés sont absents. Un seul vote contre, celui de Paul Molac.
On en est là. La lutte est entre les puissants syndicats agricoles, soutenus par le lobby de Montsanto, et la grande majorité des Européens qui veulent en finir avec ce poison.
Oui il y en a. Le breton Jacques Le Verger, qui a fondé Osmobio, dans les Côtes-d’Armor, travaille depuis 2008 à la conception d’un désherbant naturel biodégradable à base de produits végétaux. L’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) a testé son produit et a conclu qu'il serait totalement inoffensif pour l’homme et l’environnement.
Une autre solution est le paillage avec des films de matériaux biodégradables comme du jute mais c'est bien trop cher pour le moment. Des chercheurs travaillent sur des films naturels bon marchés (le plastique est vraiment pas recommandé). Si les semences pouvaient y être intégrées et si le matériau pouvait aussi fertiliser le sol, il suffirait, pour l'agriculteur, de dérouler mécaniquement d'immenses rouleaux, faisant d'une pierre "trois coups", empêchant l'herbe de pousser, ensemençant, et fertilisant le sol.
Le problème est que le glyphosate est très bon marché et très efficace. Pour les agriculteurs, dont beaucoup travaillent déjà à perte, un surcoût leur serait fatal si le glyphosate n'est pas interdit dans toute l'Europe. C 'est dans ce sens qu'il faut comprendre les positions de Macron et des députés LRM. D'ailleurs le commissaire européen français a voté pour l'interdiction. La solution se trouvera à Bruxelles, pas à Paris. Une fois interdit, les importations de légumineuses ou de céréales venant de pays où le glyphosate et la dessiccation ne sont pas interdits, devront aussi être interdites.
Modifié le 21/09/18 à 10:15
(1) ABP a contacté Thierry Merret, le président de la FDSEA du Finistère, pour qu'il nous donne la position de la FDSEA sur le glyphosate mais nous n'avons pas eu de réponse.
(2) (voir le site) du reportage de Ouest-France en Argentine (nov 2017)