Diversité culturelle et linguistique :La France adopte deux conventions de l'Unesco
Les engagements pris doivent être tenus
Le Parlement vient d'autoriser l'adoption de deux conventions de l'Unesco relatives au patrimoine culturel immatériel (1) et à la diversité culturelle (2). Les deux lois comportent un article unique stipulant qu'elles seront exécutées comme «lois de l'Etat». Elles ne s'accompagnent d'aucune réserve. En conséquence, les dispositions contenues dans ces textes s'imposeront dans le droit français.
Les conventions de l'Unesco, datant de 2003 et 2005, sont des «instruments multilatéraux normatifs de nature contraignante». Le caractère normatif et contraignant de ces deux textes est novateur. Le premier, sur le patrimoine culturel immatériel, est entré en vigueur le 20 avril 2006 ; 60 Etats ont adopté cette convention qui s'applique dès à présent en France. Le second texte, sur la diversité culturelle, a moins d'un an et s'appliquera dans les pays signataires quand le 30ème Etat aura déposé son instrument d'adhésion; ils étaient 8 à la fin août.
Patrimoine culturel : une convention favorable aux langues régionales
Dans sa première convention, l'Unesco pose le principe du «respect du patrimoine culturel immatériel des communautés, groupes et individus concernés» (art. 1b) ainsi défini : «les traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur du patrimoine culturel immatériel ; les arts du spectacle ; les pratiques sociales, rituels et événements festifs ; les connaissances et pratiques concernant la nature et l'univers; les savoir-faire liés à l'artisanat traditionnel ». L'Unesco entend par "sauvegarde" «les mesures visant à assurer la viabilité du patrimoine culturel immatériel, y compris l'identification, la documentation, la recherche, la préservation, la protection, la promotion, la mise en valeur, la transmission, essentiellement par l'éducation formelle et non formelle, ainsi que la revitalisation des différents aspects de ce patrimoine » (art. 2.2 et 2.3). «Il appartient à chaque Etat de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel présent sur son territoire» (art. 11). Parmi les nombreuses mesures préconisées, «chaque Etat s'efforce, par tous moyens appropriés, d'assurer la reconnaissance, le respect et la mise en valeur du patrimoine culturel immatériel dans la société, en particulier grâce à des programmes éducatifs, de sensibilisation et de diffusion d'informations à l'intention du public, notamment des jeunes» (art. 14). Cette convention de l'Unesco est donc en France, depuis la loi Deixonne de 1951, le premier texte faisant force de loi qui concerne explicitement les langues dites régionales ou minoritaires dans une perspective positive.
La seconde Convention sur la diversité culturelle est un instrument juridique contraignant découlant de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle de 2001 : «la diversité culturelle doit être considérée comme un patrimoine commun de l'humanité et sa défense comme un impératif éthique inséparable du respect de la dignité de la personne». Parmi les objectifs de la convention : «promouvoir le respect de la diversité des expressions culturelles et la prise de conscience de sa valeur aux niveaux local national et international» (art. 1e) et «reconnaître la nature spécifique des activités, biens et services culturels en tant que porteurs d'identité, de valeurs et de sens» (art. 1g).
Parmi ses principes : «la reconnaissance de l'égale dignité et du respect de toutes les cultures, y compris celles des personnes appartenant aux minorités et à celles des peuples autochtones» (art 2.3). Et au titre des droits et obligations : «Lorsqu'une Partie (Etat adhérent) met en oeuvre des politiques et prend des mesures pour protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles sur son territoire, ses politiques et mesures doivent être compatibles avec les dispositions de la présente convention».
Par conséquent, en adhérant à cette convention, la France, tenue par un devoir universel, s'est privée du «droit» de discriminer les cultures dites régionales ou minoritaires, par exemple en excluant, comme elle le fait actuellement, les publications en langue dite régionale du bénéfice des subventions de l'Etat à la presse hebdomadaire au motif qu'elles ne sont pas en français.
* Le principe des minorités culturelles reconnu par la France
Désormais partie intégrante du droit français, ces conventions sont les premiers textes juridiques dans lesquels la France reconnaît le principe des «minorités» culturelles et, qui plus est, celui des «peuples autochtones». Elles doivent permettre à la France de ratifier la Charte du Conseil de l'Europe sur les langues régionales ou minoritaires qu'elle a déjà signée.
Il y a tout lieu de se féliciter de cette évolution car ces conventions de l'Unesco sont des outils juridiques mais aussi politiques sur lesquels les acteurs culturels, les associations et les collectivités territoriales vont pouvoir s'appuyer pour faire valoir des politiques et des mesures en faveur de la diversité culturelle et linguistique tel le plan linguistique que le Conseil régional de Bretagne a adopté à l'unanimité le 17 décembre 2004. La collectivité attend maintenant de l'Etat qu'il se conforme aux engagements que la France vient de prendre, en annulant les mesures de discrimination et en engageant une politique ambitieuse de protection, de sauvegarde et de promotion des langues et des expressions culturelles des peuples de France.
Christian GUYONVARC'H, vice-président du Conseil régional de Bretagne chargé des affaires européennes et internationales
(1) Loi n° 2006-792 du 5 juillet 2006 autorisant l'approbation de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (JO du 6 juillet 2006)
Pour obtenir le texte de la convention sur internet : (voir le site)
(2) Loi n° 2006-792 du 5 juillet 2006 autorisant l'adhésion à la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (JO du 6 juillet 2006).
Pour obtenir le texte de la convention sur internet : (voir le site)