Au premier tour on choisit, au second on élimine. L'expression est connue. Eh bien, nous y sommes !
Le 22 avril, l'Union démocratique bretonne appelait à voter Dominique Voynet. En dépit du faible score de celle-ci (1,6% en France — 2 % en Bretagne), nul regret. Si la stratégie de la peur et les appels répétés du PS au « vote utile » lui ont permis de vampiriser la gauche alternative, cela s'est aussi traduit par la captation au bénéfice du candidat Bayrou d'une partie de l'électorat socialiste qui a cru trouver encore plus « utile » face à la menace Sarkozy. Le PS en a oublié qu'une gauche caporalisée est une gauche affaiblie. Parti breton, social, écologiste, européen et internationaliste, l'UDB a fait le choix des convictions et de la cohérence, de la constance aussi, à l'opposé des manœuvres politiciennes. Nous en sommes fiers. Si le Parlement européen voit les élus Verts et des partis nationalitaires de progrès (Ecossais du SNP, Gallois du Plaid Cymru, Basques de EA ou Catalans d'ERC) siéger ensemble depuis bientôt quinze ans, c'est parce qu'ils partagent une même vision du monde fondée sur les valeurs de solidarité et de respect de la diversité, biologique et culturelle. Et si l'alliance des Verts et de l'UDB a reçu aux régionales de 2004 le soutien de 10 % des électeurs de la région Bretagne (sans la Loire-Atlantique hélas !), c'est qu'elle correspond bien aux attentes de la partie la plus éclairée de nos compatriotes face aux conséquences désastreuses de la globalisation économique libérale, ici comme sur l'ensemble de la planète. L'écologie et le régionalisme, au sens européen, donc fédéraliste, du terme, sont étroitement imbriqués. En Bretagne, comme en France, cette alliance trouvera un nouveau développement aux élections législatives de juin ; il faut permettre à l'arbre de grandir pour porter des fruits.
Au premier tour on choisit, au second on élimine... La question qui se posera le 6 mai à celles et ceux qui ont voté Verts-UDB en 2004 est la suivante : lequel des deux candidats encore en lice offre le plus de possibilités de réaliser les objectifs des « écolo-régionalistes » ... ou y mettrait le plus d'obstacles ? Poser la question, c'est déjà y répondre.
Nicolas Sarkozy est un concentré de tout ce que les Bretons peuvent redouter pour leur avenir. Maire de la commune la plus riche de France, président du département le plus riche aussi, homme du sérail depuis ses 19 ans, il a le plus profond mépris pour ce que la nouvelle aristocratie désigne comme la « province » . Il ignore tout des préoccupations du monde rural et du monde maritime. Il est l'ami personnel des plus fortunés qui sont aussi ceux qui contrôlent les médias : Martin Bouygues, son témoin de mariage, Arnaud Lagardère, Serge Dassault, François Pinault, Bernard Arnault, son autre témoin de mariage... Il est l'homme des intrigues, des menaces et de la censure. Son bilan est impressionnant et forcément inquiétant : fichage génétique par la loi du 18 mars 2003 de tous les manifestants qui ont eu affaire à la police (mais pas des auteurs de délits financiers !), création annoncée en décembre 2007 du fichier Ariane pour la police et la gendarmerie qui référencera 22 millions de personnes, pressions exercées avec succès pour empêcher l'éditeur Micha-lon de publier l'ouvrage "Ruptures" du magistrat Serge Portelli, vice-président au tribunal de Paris1.
Savez-vous que, sous le ministre Sarkozy, Le Peuple breton que vous lisez, en dépit de plus de quarante ans d'existence et de la place qui lui est reconnue dans le débat public en Bretagne n'a vu son numéro de commission paritaire renouvelé en 2005 que par « indulgence » (sic) ? Bref Sarkozy est un nouveau Fouché qui voudrait devenir Napoléon pour étouffer toute contestation.
Je voterai donc Royal le 6 mai parce que je veux demain pouvoir encore jouir de la liberté de dire et d'écrire ce que je pense, y compris contre les socialistes. Je le ferai aussi parce que sur des sujets aussi majeurs et divers que la sécurisation des parcours professionnels, la revalorisation des bas salaires, la régionalisation, le risque de dissémination des OGM par la culture en plein champ, la construction du nouveau réacteur nucléaire EPR à Flamanville et d'une ligne à très haute tension qui défigurera le pays de Fougères ou la reconnaissance officielle des langues régionales, Sé-golène Royal, à défaut d'offrir des garanties absolues, a ouvert des portes là où Sarkozy les a toutes refermées.
Le 7 mai, je préfère que mon regard porte sur l'horizon plutôt que sur un mur.
Kristian Guyonvarc'h
vice-président du conseil régional de Bretagne
1. Consultable surwww.betapolitique.fr/ruptures/