Pour nous parler de miniatures, ce n’est pas un livre au format poche que nous avons reçu, mais, bel et bien, aux dimensions 18 x 22 cm, dans le registre « Beaux arts » , un ouvrage d’excellente facture bénéficiant d’une qualité de papier et d’impression permettant de valoriser, en pleine page, mais souvent aussi, en vis-à-vis, sur deux pages, de magnifiques clichés, tellement fidèles à la volumique expression picturale originelle que l’on doit à un singulier artiste finistérien, passionnant sujet de cette fresque littéraire et photographique.
Le titre de cette élégante et enchanteresse publication : « Ronan-Jim SÉVELLEC - Les décors de la mémoire » .
Mais quels sont ces énigmatiques et fascinants « décors de la mémoire » ?
Ce sont, en fait, plus que très finement, très précisément, très méticuleusement, réalisés par Ronan-Jim SÉVELLEC, de très détaillés… dioramas.
Ce terme est défini, par les auteurs, en quatrième de couverture.
« Diorama : dispositif de construction d’une scène en volume, donnant l’illusion de la réalité et du mouvement. »
En quelque sorte, il s’agit d’une artistique façon de reconstituer ou de constituer une scène en volume, en essayant de tendre vers une véracité obtenue par un rendu de textures, de couleurs, de lumières et de placements d’objets simulant une action en cours, tous envisagés au plus proche de la réalité.
Ce sont, de fait, de telles réelles vitrines, de telles « maquettes » , de tels intérieurs de maisons de poupées, certes, conçues pour des adultes, mais accessibles, aussi, bien entendu, au regard des enfants curieux et attentifs, qui font l’objet de ces 112 pages. Des feuillets de rêve et d’extrême beauté picturale, largement ponctués et fort plaisamment envahis par plus de 40 clichés devenus toiles de Maître.
Les textes qui, abondamment et fort littérairement, préfacent, décryptent, éclairent l’ouvrage sont signés du quimpérois Henry LE BAL et… du douarneniste et génial concepteur de ces « boîtes » , Ronan-Jim SÉVELLEC.
Les œuvres photographiques qui, plus qu’illustrant, écrivent, également, cette remarquable narration artistique, sont composées et saisies par l’historien de l'art et photographe, Joël LAITER.
En quelques trop courts paragraphes, faisons connaissance avec ce trio d’artistes qui additionnent leurs talents et leur expertise pour nous proposer une originale publication d’art de grande qualité et de ludique intérêt.
D'une famille bretonne, originaire de la région malouine, diplômé de philosophie et de théologie, poète, écrivain, dramaturge et philosophe, Henry LE BAL est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages où se mêlent romans, poésie, essais sur l’art.
Il dirige, par ailleurs, une compagnie de théâtre et, en tant que galeriste, expose à Quimper, à deux pas de la Cathédrale Saint Corentin, à la Galerie de Bretagne (Voir site) , des collections de dessins, peintures, gravures, céramiques et sculptures d’art moderne et contemporain.
Durant tout cet été 2022, il présente, entre autres, au public, une douzaine de ces dioramas conçus par Ronan-Jim SÉVELLEC.
Exposant, publiant et exprimant sa talentueuse et sa bien personnelle expressivité pour le compte des plus grands magazines de décoration avec des mises en scènes agrémentant les pages de Marie Claire Maison, Madame Figaro, Maisons Cotés Sud, Est et Ouest, Elle Décoration, The World of Interior, ou encore Atmosphère, formé à l'architecture, à l’Ecole des Beaux Arts de Paris, historien de l'art et photographe, Joël LAITER possède l'art de mettre la matière en lumière. La profondeur de ses images nous renvoie, directement, à la peinture.
Approchant, promenant son objectif dans ces décors foisonnant d’objets, de détails, de mises en place, il restitue, ici, au plus près, la fabuleuse puissance créatrice et émotionnelle de Ronan-Jim SÉVELLEC.
Brestois de naissance, fils du peintre de la Marine Jim SÉVELLEC, auprès duquel il s’est, dès sa jeunesse, initié au dessin, au modelage et à la peinture, Ronan-Jim SÉVELLEC vit et travaille, depuis 2014, dans l’historique cité portuaire finistérienne des Penn Sardin, Douarnenez, après un long, formateur, enrichissant et professionnel détour à Paris et en région parisienne.
Ses premiers dessins paraissent dans la presse en 1960, puis, en 1965, il travaille l’illustration, notamment, pour des méthodes d’enseignement.
1967 : en peinture, l’artiste emploie, surtout, des encres, et commence, parallèlement, à créer des objets. Il réalise des maquettes pour des productions cinématographiques, dont certaines d’entre-elles sont conservées à Lyon, au musée Miniature et Cinéma.
Dix années après, il propose, à Brest, une exposition d’encres, à l’occasion de l’inauguration de la galerie Michel-Ange. Un franc succès pour l’événement bien reçu par le public, bénéficiant de bonnes critiques de la presse et assorti de quelques ventes.
Puis, abandonnant pendant une longue période, les expositions, Ronan-Jim SÉVELLEC se focalise exclusivement sur l’écriture et entreprend un travail sur les volumes.
Puis, ce sera la période d’apparition des premières « boîtes » …
Il faudra attendre 1989 pour que l’artiste dévoile, pour la première fois, ce travail de conception d’artistiques dioramas qui feront, par la suite, l’objet de nombreuses expositions.
Cette très sommaire et bien parcellaire évocation n’a pas la prétention de vous présenter, bien évidemment, de manière exhaustive, le fort riche et ample parcours de l’artiste mis en lumière par ce livre, d’autant qu’un chapitre titré « Repères biographiques » , suivi de 5 pages relatant ses expositions, vous éclaireront, bien mieux que nous, sur ce créateur qui n’est ni dessinateur, ni peintre, ni sculpteur, mais le tout, à la fois.
A noter, aussi, que, tombée amoureuse du travail de Ronan-Jim SÉVELLEC, une célèbre « voisine des abers » , Jane BIRKIN, a réalisé un portrait intime de ce finistérien magicien de l'infiniment petit, sous forme d’un film documentaire de 26 minutes, paru en 2021 (Voir site) qui complètera ce portrait.
Suivant, en pleine page, 2 picturaux clichés signés de Joël LAITER, l’ouvrage commence par un chapitre de 16 pages, intitulé « Le théâtre des illusions ou les décors de la mémoire » , texte admirablement écrit de la plume descriptive, poétique, philosophique, théâtrale, en tous cas, particulièrement vivante, d’Henry LE BAL qui conjugue, au cœur de ses propos, tous les talents multidisciplinaires, multi artistiques dont il est pétri.
Il décrit, plutôt, nous fait intensément et passionnément vivre, sa première rencontre avec les « boîtes » de Ronan-Jim SÉVELLEC, nous invite à flâner dans la presque lilliputienne représentation de l’atelier d’un certain Cornelius SCHOONBEKE, sans nul doute, personnage « calque identitaire » , (certaines œuvres peintes et illustrations de Ronan-Jim SEVELLEC sont, en effet, signées Ronan-Jim, ROGEL et… C. SCHOONBEKE !) en menant, seul dans le silence, envahi par l’œuvre, une réflexion à la conjonction de la notion de temps nécessaire à la confection d’un tel ouvrage et au solitaire suspens temporel de la, des réponses aux pourquoi, comment, par qui ?
Pour ce premier vis-à-vis, parmi, ces douze boîtes exposées, Henry LE BAL nous fait, aussi, pénétrer dans « Le grand café de la marine » , nous soulignant, une fois nouvelle, la précision, la lisibilité, la véracité des détails et la ludique magie qui émane de cette autre réalisation, griffée, SÉVELLEC.
Entre jeu et jouet, pour ces quasi-scènes de théâtre miniature, Henry LE BAL, par ailleurs, nous l’avons vu précédemment, dramaturge, n’hésite pas à citer l’un des plus célèbres, auteur, acteur, metteur en scène de cette forme d’expression artistique, Sacha GUITRY qui affirme « tout est magie » .
Par la description des méticuleuses mises en place, des « mises en scène » , des « mises en espace » d’objets, organisées, notamment, pour « L’Hôtel du parc » , Henry LE BAL nous fait percevoir ce que peut être, plus particulièrement, la signature du créateur. L’impression de la très récente présence d’un personnage qui vient, tout juste, de quitter la pièce composée à échelle réduite, entre les « 3 murs » de ces fabuleux parallélépipèdes vitrés où, pourtant, toute présence humaine est, généralement, absente.
Même si dans l’atelier du peintre, susmentionné, on aperçoit, dans la perspective d’une table nappée de dentelles, encombrée de pinceaux, bocaux, gobelets et tubes de peintures, à moitié, écrasés, là-bas, à droite, surélevée, juste devant une bibliothèque vitrée, la rare présence d’un modèle dénudé, c’est, certainement, le peintre qui vient juste de s’absenter quelques instants, avant de reprendre le tracé de sa toile.
Il y a une incontestable notion de mouvement, de connotation cinématographique, même s’il y a, présentement, figé par la boîte, « arrêt sur image » .
Plus que très plaisant à lire, à vivre, à savourer, au travers de son brillant et fort substantiel texte, par ses descriptions, interrogations, réflexions, investigations, extrapolations philosophiques, Henry LE BAL, vous fera approcher, au plus près, de la quintessence de l’œuvre du créateur Douarnezien (ce gentilé s’emploie, aussi, même si le terme douarneniste nous semble plus usité !).
N’ayant ni la prolifique plume, ni le talent de conter ou de disserter, aussi alertes que notre véritable « couteau-suisse culturel » quimpérois, nous ne ferons, qu’à peine, survoler quelques aspects de la substantifique moelle rédactionnelle de ce préfacier d’exception.
Mais, croyez-moi, cette « présentation » de Ronan-Jim SÉVELLEC et de son œuvre, écrite, ciselée, à Quimper, en avril 2022, est, aussi, en quelque sorte, une magique « boîte à mots » , aussi pétillante, enthousiaste que documentaire.
Comme le précise la couverture, deux textes sont au sommaire de ce livre de verbe et d’images.
C’est en page 23, qu’apparaît celui rédigé par l’hôte d’honneur de cette publication.
« Landerneau, où tout commence » , tel est le titre que Ronan-Jim SÉVELLEC donne à son cahier autobiographique, couché sur une dizaine de pages, narrant son épopée humaine et artistique qui prend, en effet, racines, dans cette cité bretonne léonarde où la famille brestoise SÉVELLEC était réfugiée pendant les années de guerre.
Entre mannequin de couturière de la mère et chevalet du père, « les deux totems de mon enfance » , précise-t-il, accompagné, initié par la paternelle disponibilité, Ronan-Jim SÉVELLEC va se voir révélées ses profondes aspirations artistiques qui le conduiront, nous l’avons, brièvement évoqué, plus haut, dans cette chronique, à exercer, au fur et à mesure des années, ses talents cultivés et améliorés, en tant que dessinateur de complément, compositeur de cartes postales, réalisateur de dessins et maquettes publicitaires, illustrateur, peintre… autant de fructueuses expériences, ponctuées par ses rencontres avec des artistes peintres et ses visites dans de nombreuses galeries de peinture.
Puis sera venu le temps de concevoir ces œuvres en volume qui font le propos du présent ouvrage, ces fascinantes scènes qui semblent surgies de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.
Derrière chaque vitrine, vous serez captés par la reproduction en miniature d'une pièce qui peut être un atelier, une chambre, une herboristerie, un café turc, une boucherie...
Un univers désuet, comme le précise la fiche de presse, un peu décrépi, nous préférerons dire, marqué par le temps, composé d'une foule de détails, avec ces minuscules pinceaux, ces livres, ces bocaux, ces portraits, ces objets du quotidien.
Nous vous recommandons, plus que vivement, l’acquisition de ce beau livre d’art dont le sujet, au-delà d’une originalité, singularité, certaines, nous fait tutoyer ce qu’est l’aboutissement créatif d’un brillant et, ô combien, perfectionniste artiste breton qui nous est, magnifiquement, présenté par un auteur très inspiré et un peintre-photographe à l’œil expert.
Aussi sincères soient-ils, nous ne souhaitons pas clore cette chronique consacrée à ce passionnant ouvrage « Ronan-Jim SÉVELLEC - Les décors de la mémoire » par nos mots qui restent bien en-deçà de la magnifique présentation littéraire qu’en fait Henry LE BAL.
Pour conclusion, nous préférons reprendre quelques mots de ce que l’auteur, avec pertinence et à propos, écrit en page 17 :
« …/… qui, combien verront les boîtes de Ronan-Jim SÉVELLEC ? Mais par un livre, donner l’œuvre à connaître à tant. Et un livre sur des œuvres suppose des reproductions, des représentations photographiques d’icelles. Et à voir celles-ci, en ces pages, les photographies des boîtes de SÉVELLEC par Joël LAITER, surgit, aussi haute que mer s’ouvrant dans une fuite d’Egypte pour Charlton HESTON de Moïse, l’exacte mesure du trompe l’œil …/…
« …/… Ce n’est pas seulement l’œil mais l’être tout entier qui entre dans les boîtes devenues réalité .../... »
« …/… Un livre pour dire : Que voit-on ? Qu’y-a-t-il de réel, de vrai, dans ce que l’on voit ? Un livre trompe-l’œil ? »
Tout est dit et tellement bien écrit !
Gérard SIMON
"Ronan-Jim Sévellec - Les décors de la mémoire".
Textes : Henry LE BAL et Ronan-Jim SÉVELLEC / Photographies : Joël LAITER.
Parution : 14 juin 2022.
180 x 220 mm - Broché - 112 pages.
Edition : COOP BREIZH : www.coop-breizh.fr (Voir site)
EAN : 9782843468926 - Référence : 346939.
© Culture et Celtie
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