L'opéra de Rennes, pour finir l'année 2018 en beauté, a proposé un opéra comique de Gioachino Rossini sur un livret d'Eugène Scribe " Le comte Ory " , mis en scène par Pierre-Emmanuel Rousseau et accompagnée de l'Orchestre Symphonique de Bretagne sous la direction d'Erki Pehk.
Le jeune réalisateur du spectacle, dont l'action se passait originellement au XIIe siècle pendant les croisades, l'a re-temporisé dans les années cinquante durant la guerre d'Algérie. Les hommes étant aussi partis s'affronter en laissant leurs femmes à la maison.
La comtesse Adèle (Perrine Madoeuf ), séduisante jeune veuve est objet de désir pour un terrible crève-cœur, le comte Ory, joué par Mathias Vidal.
Son plan est de conquérir Adèle en mettant un déguisement d'ermite qui est revenu en ville après une longue absence.
Les dames de compagnie de la comtesse lui font confiance, tout le monde va se confesser à cet homme de Dieu. Cependant, avec son ami ils se remplissent les poches avec l'argent que chaque « pauvre âme » paye pour la confession .
Par ailleurs, la comtesse est aimée en cachette par le jeune Isolier, qui demande à l'ermite de l'aide pour pouvoir séduire sa bien-aimée. Il suggère donc au comte Ory de se déguiser en religieuse pour pouvoir accéder au château de la comtesse.
Le personnage d'Isolier est joué par une femme, Rachel Kelly. Son interprétation du rôle de travesti est l'un l'un des plus juste de la pièce. Avec sa perruque et ses mouvements, on a vraiment l'impression de voir un homme. Son mezzo-soprano est magnifique, on est bercé par la mélodie de sa voix qui chante pour sa dulcinée.
Dans le deuxième acte, situé dans le château de la comtesse, un groupe de nonnes, dont la sœur Colette, cherche un abri car elles sont surprises par l'orage. Cette arrivée met particulièrement en valeur les talents de Rousseau, les jeux de lumières imitent magnifiquement les éclairs. Ces nonnes sont bien sûr le comte Ory et ses compagnons qui sont venus pour concrétiser le plan prémédité par Ory.
Adèle et son entourage sont persuadés que la sœur Collette et son groupe sont de véritables religieuses. Elles sont accueillies avec une corbeille de fruits et du lait, mais quand les femmes sont couchées, les hommes montrent leur vrai nature...
Dans une des scène les plus drôles de la pièce, ces « ils-elles » sortent des bouteille de vin qui sont cachées dans des pantalons militaires sous leurs habits. Ils boivent et chantent à voix haute. Chose inattendue, la concierge du château passe. Les fausses nonnes se penchent alors pour une prière improvisée. Pour rappeler l'époque choisie par le réalisateur, la sœur Colette et ses camarades font une prière en l'honneur de Marilyn Monroe et Sophia Lauren. Très drôle !
Une des dernières scènes de ce chef-œuvre de Rossini amène encore des changements de rôles. Le comte Ory est démasqué car il embrasse dans son lit Isolier habillé par hasard avec des vêtements de femme à la place de la comtesse qu'il aimait. La confusion touche à son paroxysme ! On rie beaucoup !
Le réalisateur a créé une histoire universelle où l'époque n'a pas d'importance car la rôle des femmes n'a pas beaucoup évolué entre le XIIème et la deuxième moitié du XXème siècle. En effet, au XXème siècle, les mariages arrangés existent toujours, comme pour le mariage de la comtesse. C'est elle qui est la vrai héroïne de cette pièce. La jeune veuve est bien objet de désir quand elle fait sa première apparition dans une robe rouge vif minutieusement choisie par le metteur en scène. Le réalisateur a très bien choisi les détails de la mascarade de changements de rôles sur les habits des fausses nones. On le voit dans la scène où les camarades du comte Ory portent des pantalons militaires.
En conclusion, le spectacle est un vrai régal qui garde bien l'esprit de Rossini, une comédie basée sur les changements de rôles, sur fond d'anticléricalisme et de faux prophètes. Rousseau y a ajouté une dimension féministe. La magnifique interprétation musicale illustre parfaitement cette mise en scène.