A l’heure où la vague de froid amène naturellement l’Hexagone à surveiller sa consommation d’électricité, il est de nouveau fait allusion au fait que la Bretagne n’est pas auto suffisante pour sa production d’électricité. Nous ferons tout d’abord remarquer que la France ne l’est pas non plus en cas de forte demande puisque malgré ses 58 réacteurs nucléaires, elle va devoir acheter de l’électricité à l’Allemagne, et qu’en cas de durcissement des conditions climatiques, il faudra faire tourner des centrales au fioul.
Cependant, les remarques portant sur la faiblesse de production électrique en Bretagne, si elles sont en partie fondées, ont d’abord pour but de faire remarquer aux Bretons qu’ils n’ont pas accepté de centrales nucléaires en activité sur leur sol. En effet, de Plogoff en Finistère, au Carnet ou au Pellerin en Loire-Atlantique, les Bretons ont montré ces dernières décennies leur refus total de voir s’installer à nouveau ce mode de production d’énergie dans la péninsule. Mais quand on voit les incroyables difficultés qu’EDF rencontre pour démanteler l’antique mais pourtant modeste centrale de Brennilis dans les Monts d’Arrée, on comprend que les Bretons ont eu raison de dire non au nucléaire dans l’état actuel des choses, puisque personne ne semble capable de démanteler une centrale pour un coût et dans des délais raisonnables.
Le Conseil Régional n’a pas les moyens de peser sur ces choix
Ainsi, la Bretagne devra prendre son destin en main dans le domaine de la production d’électricité. Malheureusement le Conseil régional, qui n’a pas de réel pouvoir politique, n’a pas les moyens d’influer sur le sujet dans un pays où les « champions d’état » que sont EDF et Areva font la loi, tant ils sont à ce point inscrits dans l’ADN de l’État centralisé.
Ces entreprises, qui ont jusque là malmené toutes les tentatives de production d’énergies renouvelables à grande échelle, s’y mettant eux-mêmes tardivement et avec parcimonie, font que la République française est très mal placée en Europe dans le pourcentage d’électricité provenant d’énergies renouvelables dans son « cocktail » essentiellement - à 75 % - nucléaire. On se souvient ainsi avec amertume comment EDF a torpillé le photovoltaïque il y a quelques années, et on reste atterré quand la centrale de Fessenheim ne ferme pas malgré sa vétusté et malgré les promesses du « candidat Hollande » . On est sidéré du retard pris sur l’Allemagne en termes de production électrique par méthanisation dans les élevages porcins, en Bretagne par exemple.
Éolien offshore, les atouts bretons mal exploités
Rappelons par ailleurs que la Grande-Bretagne a mis en place de gigantesques parcs éoliens offshore dont celui de Gwynt y Môr au Pays de Galles, et que l’Allemagne et l’Espagne ont développé ce mode opératoire de manière encore plus spectaculaire.
Quant aux hydroliennes, nous n’avons pas pris la mesure des possibilités locales alors que la Mer d’Iroise et la baie du Mont Saint-Michel font partie des zones nanties d’un des plus forts potentiels en Europe, quand les voisins européens ont pris beaucoup d’avance dans ce domaine également.
La Bretagne est la troisième région - ancien découpage - en termes d’éolien terrestre de France, avec 826 MW électriques implantés sur 126 communes (534 éoliennes pour 148 parcs), ce qui montre que les Bretons sont prêts pour les énergies renouvelables.
Mais ces prédispositions ne suffisent pas et il faut que notre péninsule puisse prendre en main ce secteur afin de ne pas être impactée plus longtemps par la fuite en avant d’Areva et d’EDF, entre autre dans la folle aventure de l’EPR.
Décentralisons !
Car dans ce domaine comme dans d’autres, les solutions passent par la « décentralisation » , c’est-à-dire qu’à terme l’électricité doit être produite au plus près des besoins de chacun, que ces besoins soient industriels ou particuliers. Et non plus venir obligatoirement de toutes puissantes centrales. Ceci pour éviter au maximum les « pertes en ligne » , mais aussi pour une meilleure corrélation entre besoins et production. Et également parce que c’est la clé d’une véritable diversification des moyens de production, qui tiendrait enfin compte des atouts naturels locaux. Cette révolution énergétique est un défi crucial pour la Bretagne de demain.
Caroline Ollivro, présidente de Breizh Europa