La HALDE est un organisme officiel dont le sigle signifie Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité. Son président n'a pas jugé bon d'entendre des représentants du mouvement culturel breton lors de son passage à Nantes le 24 Février 2011.
J'ai pensé qu'il était intéressant de rappeler les courriers que j'avais échangés en 2008 avec le président de la Halde de l'époque, Louis Schweitzer ; échange rapporté dans les pages 45-48 de mon livre "GWIR" '(Yoran Embanner), que je reproduis ci-dessous. Pour la HALDE, les misères opposées à la culture bretonne ne constituent pas une discrimination.
Discriminations
Ayant entendu plusieurs fois sur les ondes M. Louis Schweitzer, président de la HALDE, la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Égalité, indiquer que ses services et souvent lui-même en personne répondaient à toutes les demandes d'éclaircissement, je lui ai adressé le 6 mai 2008 la lettre suivante :
Monsieur le Président,
J'espère que vous voudrez bien répondre aux deux questions ci-dessous, sur l'extension et donc les limites du domaine d'action de la HALDE.
I. Bien sûr, vous intervenez sur tous les problèmes qui relèvent des Droits de l'Homme, c'est-à-dire de « la nature humaine » : discriminations fondées sur l'origine, la couleur de peau, le sexe, l'orientation sexuelle, de l'individu.
Question n°1 : « l'origine » ci-dessus mentionnée n'est–elle pas, dans presque tous les cas, une sorte d'euphémisme politiquement correct désignant à la vérité les caracté¬ristiques ethniques de l'individu concerné ?
Dans ces conditions, l'action de la HALDE n'est-elle pas philosophiquement contradictoire avec l'interdiction française de mentionner cette qualité dans tout document officiel et même de mener des recherches sur ce plan ? Ou bien vise-t-elle précisément à compenser les manques découlant de cette attitude ? « Tous les Français sont réputés identiques, mais certains le sont un peu moins que d'autres » et subissent des discriminations du fait de cette différence réelle mais non reconnue ?
II. Est-ce que votre action s'étend au domaine culturel, dans lequel surgit la notion de « communauté » toujours suspecte en France ? Dans le domaine religieux, sans doute, puisque la Constitution et la loi de 1905 reconnaissent à chacun le droit de pratiquer la religion de son choix ou de n'en pratiquer aucune.
Mais dans le champ culturel et notamment linguistique ? Plusieurs conventions de l'ONU et de l'UNESCO — que vous connaissez — soulignent le droit de chacun d'être éduqué dans sa langue. Tandis que la Constitution française précise dans son article 2 que « la langue de la République est le français » sans se préoccuper de savoir si c'est bien celle de chacun.
Question n°2 : prenons le cas d'un citoyen français dont les ascendants, eux-mêmes citoyens français, sont et ont toujours été de langue bretonne. S'il souhaite éduquer ses propres enfants dans ladite langue qui est celle de sa lignée — sans contester le moins du monde son appartenance à la République française ; au contraire, en la revendiquant — et s'il ne trouve pas à proximité raisonnable de son domicile d'école publique lui offrant cet enseignement, s'agit-il d'une discrimination ?
Dans l'attente de votre réponse, etc.
Quelques jours plus tard, j'ai reçu la réponse suivante, aimable et franche. L'enveloppe et la lettre portaient la devise et les couleurs de la République :
Monsieur,
J'ai bien reçu votre courrier du 6 mai dernier et je vous en remercie.
La HALDE est compétente pour traiter toutes les discriminations prohibées par la loi, y compris celles fondées sur l'origine « ethnique » . Ce critère est invoqué par plus de 30% des personnes qui nous saisissent. Il est donc pris en considération dans le traitement des réclamations individuelles, afin de vérifier si une différence de traitement a été commise en raison de la perception du mis en cause sur l'ori¬gine réelle ou supposée du réclamant.
En ce qui concerne les actions de promotion de l'égalité, la HALDE s'est prononcée contre les discriminations positives visant à favoriser des personnes en raison par exemple de leur couleur de peau. Les textes actuels permettent cependant de mener des recherches et études, dont certaines sont soutenues par la HALDE, afin de mieux identi¬fier les processus de ce type de discrimination, en se fondant sur le lieu de naissance des parents.
Concernant votre deuxième question, la France n'a en effet pas ratifié les textes internationaux reconnaissant des droits spécifiques aux « « minorités » , celles-ci n'étant en effet pas reconnues dans notre Constitution. Aussi, le droit de pouvoir étudier dans une langue régionale n'étant pas intégré dans l'ordre juridictionnel interne, la HALDE n'est pas compétente pour examiner le dossier de personnes qui n'auraient pas accès à une école publique proche de leur domicile offrant cet enseignement.
Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Louis SCHWEITZER
L'analyse de cette lettre est très intéressante. L'ethnicité est bien un domaine que la France ne veut pas, en principe, considérer. Donc, la HALDE ne devrait pas pouvoir en traiter dans quelque cas que ce soit. Mais, dans le champ des discriminations négatives, comme 30% des recours qui lui sont adressés mentionnent des pratiques réelles fondées sur ce critère, elle contourne comme elle peut l'aveuglement national que j'ai nommé plus haut « politique de l'autruche » . En revanche, dans l'éventualité de discriminations positives, l'initiative lui appartiendrait : et son refus peut donc être absolu…
Dans le domaine des discriminations culturelles, on reste dans la pure orthodoxie jacobine. Comme les minorités qui protestent n'atteignent pas 30% des Français, la République n'a rien à leur accorder. En France, l'impossibilité de transmettre à ses enfants la langue de ses pères n'est pas une discrimination : sauf, bien sûr, s'il s'agit de la langue française.
Michel Treguer