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<i>Relation d'un voyage dans la mer du Nord aux côtes d'Islande  du Groenland  de Ferro  de Schettland  des Orcades et de Norwége  fait en 1767 et 1768 par M. de Kerguelen-Tremarec</i>. Paris ; Impr. de Praud ; 1771.
Relation d'un voyage dans la mer du Nord aux côtes d'Islande du Groenland de Ferro de Schettland des Orcades et de Norwége fait en 1767 et 1768 par M. de Kerguelen-Tremarec. Paris ; Impr. de Praud ; 1771.
- Chronique -
Les Bretons et l'Islande (3). Yves de Kerguelen en mission en Islande
Yves-Joseph de Kerguelen-Trémarec, né à Landudal, non loin de Quimper, le 13 février 1734, et mort à Paris le 4 mars 1797, est resté surtout connu jusqu'à aujourd'hui parce que son nom a été donné à l'archipel austral qu'il découvrit le 12 février 1772 en compagnie de son ami Louis de Saint-Aloüarn.
Par Bernard Le Nail pour ABP le 22/08/08 1:37

Yves-Joseph de Kerguelen-Trémarec, né à Landudal*, non loin de Quimper, le 13 février 1734, et mort à Paris le 4 mars 1797, est resté surtout connu jusqu'à aujourd'hui parce que son nom a été donné à l'archipel austral qu'il découvrit le 12 février 1772 en compagnie de son ami Louis de Saint-Aloüarn. Divers épisodes de sa vie mis en lumière par ses biographes ne le rendent pas très sympathique, mais on doit reconnaître qu'il était un excellent marin. On ne sait pas toujours qu'avant de partir en campagne en 1771-1772 dans la mer des Indes à la recherche du mythique continent austral, Yves de Kerguelen avait navigué aussi dans l'Atlantique nord, à proximité du cercle polaire arctique, et abordé des terres presque aussi inhospitalières que les îles qui portent aujourd'hui son nom. En 1771, quelques mois avant son départ du port de Lorient pour l'hémisphère sud, il fit paraître à Paris la "Relation d'un voyage dans la mer du Nord aux côtes d'Islande, du Groenland, de Ferro, de Schettland, des Orcades et de la Norvège, fait en 1767 et 1768 par M. de Kerguelen-Tremarec".

Dans ce récit, il ne consacre qu'une quarantaine de pages à la description de l'Islande, mais elle ont été écrites par un témoin oculaire alors que le plus ancien texte publié jusqu'alors en français, la "Relation de l'Islande" du Huguenot Isaac de la Peyrère (1594-1676, publiée en 1644, n'était qu'une compilation de divers écrits sur le pays et donc un travail de seconde main. Le premier récit d'un voyage en Islande écrit en français par un voyageur, fut le "Voyage des pays septentrionaux" paru en 1671 et dû à un chirurgien normand, Pierre Martin de La Martinière (Rouen, 1634 - 1676) qui s'embarqua en 1653 sur un bateau norvégien et aperçut diverses contrées du grand nord de l'Europe de l'Islande à la Nouvelle-Zemble. Il fut le premier Français à tenter une description de l'Islande, mais son livre qui connut plusieurs éditions et fut traduit en allemand, anglais, danois, italien et néerlandais, n'est pas considéré comme de très grande valeur. Yves de Kerguelen-Trémarec, lui, eut à accompagner et protéger des flottilles de pêche à deux reprises en mer du Nord et dans l'Atlantique nord, comme commandant de la frégate "La Folle", puis de la frégate "L'Hirondelle"' et il débarqua à plusieurs reprises sur le sol islandais (ce qu'il ne devait pas faire en 1772 dans l'archipel qui porte son nom, sans doute parce qu'il était inhabité)...

L'essentiel des informations dont disposait Yves de Kerguelen au moment de son départ, provenait de deux ouvrages publiés en langue allemande : l'"Histoire naturelle de l'Islande" par Anderson, bourgmestre de Hambourg, et la "Description historique et physique de l'Islande" par un Danois dénommé Horrebows. Même s'il n'est pas extrêmement long, son propre récit, fondé sur des témoignages recueillis sur place et aussi bien sûr sur ses propres observations, donne des informations beaucoup plus sûres, ce qui n'a rien de surprenant de la part d'un officier de marine de sa qualité, qui plus est membre de l'Académie de Marine. Il constatait aussi que "les cartes de l'Islande ont été jusqu'ici très défectueuses". Il faisait mention d'une carte de 1585 par un Danois nommé André Velleius, d'une copie hollandaise de celle-ci, gravée en 1698, et enfin d'une carte de Bellin datée de 1751 qu'il avait emmenée avec lui : "Je l'ai trouvée très mauvaise et très dangereuse. Je n'ai rien négligé dans mes deux campagnes pour la corriger et je me flatte que tous les navigateurs seront très satisfaits de celle que M. Bellin doit publier d'après mes remarques et mes observations."

Laissons Yves de Kerguelen nous raconter son expédition :

"Le Roi voulant encourager et protéger la pêche de la morue qui se fait sur les côtes d'Islande depuis le mois d'avril jusqu'au mois de septembre, M. le duc de Praslin, ministre et secrétaire d'État au département de la marine, destina la frégate "La Folle" pour aller en station en Islande, afin de maintenir le bon ordre parmi les pêcheurs français, de les protéger et de leur fournir les secours dont ils pourraient avoir besoin. Je reçus à Brest vers la fin de janvier 1767 un ordre de M. le duc de Praslin de me rendre à la cour pour affaire concernant le service du Roi. Je partis à l'instant même, j'arrivai à Versailles, et je me présentai au ministre qui me dit qu'il m'avait choisi pour commander la frégate la Folle, de 26 canons de huit, qui serait armée de 200 hommes d'équipage, pour aller remplir la mission dont je viens de parler. Quoique cette campagne m'annonçât beaucoup de peine et de fatigues, la nouveauté et le goût que j'ai toujours eu dès ma plus tendre enfance pour les voyages, me causèrent une satisfaction qu'il n'est pas possible d'exprimer..."

Sur les conseils du ministre, Yves de Kerguelen se rendit d'abord à Dunkerque pour y rencontrer les dirigeants de la chambre de commerce. Il faut en effet savoir que, depuis déjà plusieurs décennies, les richesses des parages de l'Islande attiraient dans les eaux islandaises de nombreux bateaux de pêche de Hollande et des Flandres, y compris de la Flandre française. Cette pêche était devenue une activité considérable : dans son livre, Yves de Kerguelen indique que près de 300 bâtiments y participent, dont 80 bâtiments français et plus de 200 hollandais, et il estime que cette pêche, avec toutes les activités qu'elle entraîne en amont (constructions navales, armement, entretien, réparation, etc.) et en aval (transformation, fumaison, commercialisation, etc.) fait vivre "plus de cent mille personnes" aux Pays-Bas. On comprend l'intérêt du ministre français de la marine pour cette pêche sous le règne de Louis XV. Il est à noter que les marins bretons, pourtant si nombreux à partir, chaque année et depuis déjà des générations, sur les bancs de Terre-Neuve, ne fréquentaient pas encore les parages de l'Islande (les Paimpolais n'allaient s'y lancer qu'à partir de 1852).

Il convient aussi de dire que le roi du Danemark avait donné à une compagnie formée à Copenhague le privilège du commerce d'Islande. Cette compagnie entretenait des garde-côtes pour soutenir ses droits et s'emparer des navires interlopes. Il n'était pas encore question d'eaux territoriales et de domaine économique maritime et les bateaux de toutes nationalités pouvaient pêcher librement sur toute l'étendue des mers dans le monde entier. En revanche, les puissances coloniales interdisaient, parfois sous peine de mort (ce fut longtemps le cas dans les colonies espagnoles), tout débarquement de marchandises dans leurs colonies et tout commerce avec les autochtones. Les navires hollandais, français et autres pouvaient bien venir pêcher dans les parages très poissonneux des îles Féroé, de l'Islande et du Groënland, mais ils risquaient d'être arraisonnés et confisqués s'ils étaient surpris à acheter ou à vendre des marchandises aux habitants. Cela s'était d'ailleurs produit dans des temps récents et la mission d'Yves de Kerguelen avait sans doute aussi pour but, indirectement, de dissuader par avance les autorités danoises de tout excès de zèle dans ce domaine...

De Dunkerque, Yves de Kerguelen ramena deux marins familiers des côtes d'Islande pour l'accompagner à bord de "La Folle", il retourna à Versailles recevoir les derniers ordres du duc de Praslin, puis il revint à Brest pour l'armement de sa frégate. Celle-ci fut mise en bassin le 1er avril pour une inspection de sa carène, elle en sortit le 3 et l'armement commença le 4. Yves de Kerguelen tint plusieurs réunions de travail avec les officiers qui allaient l'accompagner, pour préparer la campagne, répartir les responsabilités et étudier l'itinéraire et le programme de ce voyage. La frégate fut en rade le 11 avril et l'équipage commençait son entraînement à la manœuvre et au combat. D'ultimes instructions de la cour de Versailles parvinrent le 26 avril 1767 et l'ordre du départ fut donné le 27 avril à 9 heures du matin.

Le 25 mai, à 5 heure du matin, le cap Heckla fut aperçu (le mont Hekla culmine aujourd'hui à 1 491m), puis les îles Westerman (les îles Vestmann au large de la côte sud de l'Islande).

* Angèle Jacq, grande figure du mouvement culturel breton et romancière connue, qui habite Landudal, me signale que la jolie chapelle du XVIe siècle dédiée à Saint Tudal (ou Tugdual), où fut baptisé Yves de Kerguelen, conserve un os de baleine de 3m de long, probablement rapporté d'Islande par le navigateur breton. Son manoir familial de Trémarec existe toujours sur le territoire de la commune.

À suivre

Voir aussi :
Cet article a fait l'objet de 1974 lectures.
Bernard Le Nail est un écrivain fondateur de la maison d'édition LES PORTES DU LARGE. Contributeur ABP
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