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Le site celtique de Glanum près de Saint-Rémy-de-Provence est recouvert de ruines datant de la période romaine (photo G. Griffiths - cop. ABP).
Le site celtique de Glanum près de Saint-Rémy-de-Provence est recouvert de ruines datant de la période romaine (photo G. Griffiths - cop. ABP).
Le site de Roquepertus (photo G. Griffiths - cop. ABP).
Le site de Roquepertus (photo G. Griffiths - cop. ABP).
L'escalier de pierre menant au “sanctuaire celtique” de Glanum près de Saint-Rémy-de-Provence (photo G. Griffiths - cop. ABP).
L'escalier de pierre menant au “sanctuaire celtique” de Glanum près de Saint-Rémy-de-Provence (photo G. Griffiths - cop. ABP).
- Papier -
À la recherche des racines celtiques de la Provence
"Hé bien, nous sommes réellement tous des Celtes !" m'a déclaré le marchand de livres d'occasion à la foire à la brocante du dimanche matin à Isle-sur-la-Sorgue. Je venais de lui acheter pour 60 euros une grande carte murale qui avait orné autrefois une salle de classe et qui montrait les anciennes tribus celtiques de la Gaule à l'époque de Jules César. Bien que la Provence ait été la première partie de la Gaule à succomber au rouleau compresseur de l'Empire romain,
Par Gwyn Griffiths pour Gwyn Griffiths le 2/04/08 13:16

"Hé bien, nous sommes réellement tous des Celtes ! "m'a déclaré le marchand de livres d'occasion à la foire à la brocante du dimanche matin à Isle-sur-la-Sorgue. Je venais de lui acheter pour 60 euros une grande carte murale qui avait orné autrefois une salle de classe et qui montrait les anciennes tribus celtiques de la Gaule à l'époque de Jules César. De fait, bien que la Provence ait été la première partie de la Gaule à succomber au rouleau compresseur de l'Empire romain, c'est une région tout à fait intéressante pour quiconque s'intéresse aux vestiges archéologiques celtiques.

Provincia Romana - la province romaine - ce fut le nom que les Romains donnèrent à ce pays favorisé par la nature qui fut sans doute pour eux le plus agréable et le plus délicieux de tous ceux qu'ils devaient conquérir. Ce pays offrait déjà autant d'attraits qu'il en a pour les touristes d'aujourd'hui : un temps chaud et sec, des vignobles produisant d'excellents vins, une très large variété d'arbres fruitiers et de belles oliveraies.

Quand Frédéric Mistral, le champion de la renaissance moderne et de littérature et de la culture provençales, revint d'un voyage en Italie, en 1891, il proclama que les vestiges romains de son pays natal surpassaient tout ce qu'il avait vu au cours de son voyage ! Dans l'un de ses poèmes, il rendit hommage à ses compatriotes de l'époque gallo-romaine pour le respect exemplaire qu'ils avaient porté au patrimoine archéologique de leur pays dans tous ses aspects.

Et de fait, le respect porté encore aujourd'hui aux vestiges gaulois ou celtiques en Provence est quelque chose que l'on aimerait voir aussi en Grande-Bretagne. Même si ces vestiges plus anciens sont souvent éclipsés par des vestiges romains plus tardifs et plus spectaculaires, les ruines gauloises - ou celtiques - sont reconnues et respectées en Provence, ce qui est loin d'être le sort des Celtes de Grande-Bretagne entre les mains des historiens anglais aujourd'hui

Il est exaspérant de voir les historiens et les archéologues anglais évacuer les Celtes de l'histoire britannique. Aujourd'hui (1er avril 2008), je viens de voir une émission consacrée à l'archéologie et appelée Time Team (l'équipe du temps) sur S4C (la chaîne de télévision en langue galloise) (!).

Elle concernait un fort récemment découvert en Cumbrie. Les intervenants n'ont cessé de s'y référer comme d'un fort de l'Âge du Fer postérieur aux Romains, qui avait survécu à ce qu'ils appelaient "l'âge des ténèbres". Il ne pouvait avoir été romain puisqu'il ne se trouvait situé sur aucune voie romaine bien qu'il soit situé un peu au sud du mur d'Hadrien. Pas une seule fois, les mots Celte ou Celtique ne furent utilisés. Il est de bon ton de parler des Romains, mais il faut éviter de signaler tout ce qui est antérieur ou postérieur aux Romains, c'est à dire celtique. S'il avait été possible de mentionner les Saxons, l'émission ne s'en serait évidemment pas privée.

Il y a seulement une dizaine d'années, une exposition fut organisée à Londres au British Museum, ce grand temple du nationalisme anglais, et elle niait carrément l'existence même des Celtes. Les historiens anglais ne manifestent guère d'intérêt pour ce qui est antérieur aux Romains et ils perpétuent le mythe selon lequel les Romains furent les fondateurs de notre civilisation. Ainsi que l'a exprimé le poète anglais Rudyard Kipling, les Romains furent les premiers Anglais.

Il est donc particulièrement réconfortant de visiter des sites archéologiques et des musées en Provence, tel que le site de Glanum, juste à proximité de la ville de Saint-Rémy-de-Provence. L'établissement celtique d'origine demeure recouvert sous des ruines datant de la période romaine - comme c'est aussi le cas à Vaison-la-Romaine - mais leur présence est signalée aux visiteurs grâce au travail d'historiens qui ne ferment pas les yeux sur leur passé ancien. Lorsque nous étions à l'école primaire, nous avons été abreuvés de clichés tels que "les Celtes vivaient des des huttes" et "ce sont les Romains qui ont apporté la civilisation à l'Europe". Pourtant c'est un point de vue bien différent qu'a exprimé le vieil archéologue et historien français Frantz Funck-Brentano (1862-1947), dont les œuvres restent très intéressantes à lire; pour lui l'évolution de la civilisation française a été retardée de 500 ans par les Romains massacreurs et barbares. La visite de sites archéologiques tels qu'Entremont, près d'Aix-en-Provence, Glanum ou Roquepertus, près de Veloux, ainsi que des musées qui conservent les trésors découverts lors de la fouille de ces sites apportent de l'eau à son moulin.

Même si cela n'a jamais été reconnu ouvertement, il est évident que l'empire romain doit beaucoup aux Celtes, de même qu'il doit beaucoup aux Grecs. C'est eux qui ont ainsi créé un réseau de routes que les Romains ont utilisés et dont ils ont prétendu avoir été les créateurs. Ils ont sûrement bien su exploiter les ressources des autres civilisations à leur profit.

Ayant traversé la Manche en utilisant une autre innovation celtique, l'excellente et sympathique compagnie Brittany Ferries, de Portsmouth à Caen, nous avons traversé l'Auvergne, qui fut le théâtre d'une bataille légendaire en 52 avant Jésus-Christ entre les Arvernes sous la direction de Vercingétorix et les Romains sous celle de César. Nous avons passé une nuit à Montpezat, un village de l'Ardèche, dans les Hautes Cévennes, par lequel César passa avec ses troupes au plus fort de l'hiver, pour surprendre les Arvernes. Les vestiges de la route pavés de galets sont encore visibles et elle était encore utilisée il y a quelque 150 ans. Nous nous sommes ensuite installés à Bonnieux, d'où nous avons commencé à rayonner à la découverte des sites archéologiques de Provence.

Le premier que nous avons visité, fut le fort de Buoux, simplement parce qu'il était le plus proche de notre lieu de séjour, dans les monts du Lubéron. Existe-t-il un autre endroit où l'on peut embrasser une aussi longue longue période d'histoire ?

Il y a 100 000 ans, des hommes ont vécu dans les grottes et sur les gigantesques surplombs qui se trouvent au-dessous du fort. En construisant des murets de pierre sur ces surplombs, ils s'étaient aménagés des abris sûrs et protégés du froid. On peu encore voir les restes de ces murs et j'en ai remarqué quelques-uns qui étaient si vastes qu'ils sont utilisés comme bergeries ou comme abris pour des chèvres, avec suffisamment d'espace pour une centaine de bêtes.

Les vestiges du fort lui-même se dressent sur un petit plateau triangulaire, très au-dessus de vallées encaissées, et ce site a connu une très longue occupation, depuis les temps proto-historiques jusqu'au Moyen Âge - en passant par l'âge de bronze, l'âge du fer, l'arrivée des Celtes, les Romains et les Sarrazins. Ce site abrita aussi des "hérétiques" vaudois (au XIIe siècle) qui eurent à affronter les persécutions de l'Église catholique; ils invitaient leurs contemporains à se mettre en route, à vendre leurs biens et à les distribuer aux pauvres...

Le site de Glanum, à proximité de la Camargue, et particulièrement réputé pour ses vestiges romains. Mais, du VIe siècle au IIe siècle avant Jésus-Christ, ce fut un établissement de la tribu celtique des Salluvii, qui avaient aménagé leur sanctuaire sur un rocher bien au-dessus du site, avec une source qui ne se tarissait jamais et un autel où ils adoraient leur dieu celtique, Glanis. On peut voir cet autel, de nombreuses colonnes décorées et des pierres portant des inscriptions à l'Hôtel de Sade, à Saint-Remy.

En se promenant à travers ce vaste site et en en étudiant les anciens murs, la couleur de leurs pierres et les diverses méthodes de construction utilisées, on peut voir que les Romains ont construit sur des murs antérieurs. Ce site a dû être autrefois un site celtique important. Il diffère de la plupart des autres sites celtiques en ceci qu'il n'est pas juché sur un haut plateau, mais au fin fond d'une vallée profondément encaissée, à une certaine distance du sanctuaire qui se trouve lui-même sur un grand rocher dominant le site.

Le site d'Entremont se trouve sur une colline dominant Aix-en-Provence. C'est un vaste site qui montre que les Celtes avaient leurs villes avec des murailles de pierre, des moulins pour extraire l'huile des olives et une série de fours servant à divers usages. Pour voir des objets d'art et d'artisanat des anciens Celtes, nous sommes descendus au Musée Granet à Aix, où sont conservés de nombreux objets découverts lors des fouilles du site. Il y a des colonnes sur lesquelles les crânes des ennemis tués au combat étaient exposés, les têtes des guerriers et des héros sculptées dans la pierre, des dessins gravés représentant des chariots de combat et des chevaux, des instruments aratoires, des broches et des épingles de sûreté.

Le site peu connu de Roquepertus se trouve, lui, près de Velous, une petite cité perchée en haut d'une colline qui domine l'étang de Berre, non loin de la Camargue. À la différence des autres sites que j'ai cités, il n'y avait personne pour le garder ou pour nous faire payer un droit d'entrée quand nous y sommes passés. Jadis, il y avait des constructions sur le petit plateau dominant la partie du site qui a fait l'objet de fouilles. Au Pays de Galles, une commission de sécurité aurait sans doute fait en sorte que personne ne puisse approcher de ce lieu - pas même d'ailleurs au fort de Buoux. De toute évidence, on suppose en France que les gens sont adultes et responsables, ce qui semble être le cas.

Quelques-unes des trouvailles faites sur le site de Roquepertus - ou des copies - sont visibles dans un petit musée situé dans la plus haute partie de Veloux, mais, pour en voir la collection complète et très impressionnante, il faut se rendre à Marseille à la Vieille Charité, un édifice intéressant construit au XIXe siècle pour accueillir les sans logis et qui attire maintenant des flots de touristes. Il abrite aujourd'hui de nombreuses collections archéologiques et celle provenant du site de Roquepertus est une des plus belles que l'on peut y voir. On y trouve toutes sortes de colonnes décorées, de décorations gravées dans la pierre, d'épingles et de broches, et, plus intéressant encore, un buste du dieu celte Bélenos, dieu du soleil et de la lumière.

Il y a dans d'autres régions de France beaucoup de noms de lieux d'origine celtique qui présentent une similarité étonnante avec des noms bretons et gallois : Avignon - afon ion (le dieu de la rivière), Arles - ar laith (sur un endroit humide et ouillé), et Ventoux - gwyn do (toit blanc - cette montagne est couverte de neige en hiver et, en été, ses pentes de calcaire dénudé chatoient au soleil).

Il est bien agréable de pouvoir se promener librement à travers tous ces sites, sans être soumis à des guides et à des gardiens, de constater l'importance donnée au patrimoine et à l'histoire, avec un intérêt particulier au patrimoine local. On est bien loin de la vision du premier ministre Gordon Brown et du chauvinisme anglo-saxon qui entoure la promotion du "patrimoine" britannique (anglais) sous les couleurs de l'Union Jack.

Gwyn Griffiths

(voir le site) de la BBC Cymru, page Cymru r Byd, le Pays de Galles dans le monde. Celtiaid Ffrainc La France celtique, par Gwyn Griffiths, en gallois.

Voir aussi :
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Gwyn Griffiths est correspondant ABP pour le Pays de Galles. Délégué gallois du "Comité international de sauvegarde de la langue bretonne", il est aussi ancien journaliste de BBC Cymru, collaborateur de plusieurs journaux et magazines gallois, dont Cambria, auteur de nombreux livres en gallois et en anglais sur la Bretagne. Il est grand connaisseur et ami de la Bretagne où il est déjà venu une quarantaine de fois. Il est co-éditeur (au sens anglo-saxon) avec Jacqueline Gibson, du livre "The Turn of the Ermine. An Anthology of Breton Literature". (London, Francis Boutle Publishers, 506 p., 2006).
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