On vient d'apprendre que l'invité d'honneur au Festival Inter-celtique de Lorient (FIL) pour 2016 est à nouveau l'Australie, qui avait déjà été invitée en 2006. Les États-Unis avec une énorme tradition de musique celtique, à l'origine du renouveau de la musique irlandaise dans les années 60 et même du renouveau de la musique bretonne dans les années soixante-dix, comme l'a souvent expliqué Alan Stivell, sont à nouveau ignorés.
La tradition musicale américaine est pourtant largement celtique après celle du jazz afro-américain : la musique folk, le blue grass et même la musique country qui reprend la tradition bardique des ballads --c'est-à-dire des chants racontant une histoire à la woody Guthrie et jusqu'à Bod Dylan-- ne sont que les aspects les plus connus de cette tradition musicale qui va des Appalaches à la Californie en passant par New-York ou les immigrants irlandais débarquaient avec fiddles et whistles. Aujourd'hui, des groupes de musique de tradition irlandaise comme Gaelic Storm, de Santa Monica en Californie, font partie des meilleurs au monde. D'autres courants musicaux contemporains comme la celtic fusion continuent cette tradition qui se caractérise par sa capacité d'évolution et de mixage comme l'intégration du banjo (d'origine africaine) et des percussions issues du jazz.
Alors que 30,5 millions d'Américains sont d'origine irlandaise, 4,9 millions d'origine écossaise et probablement plusieurs millions d'origine brittonique (Gallois, Cornouaillais et Bretons), le directeur du festival, Lisardo Lombardia et son équipe, continuent de dénier cet héritage. Lisardo Lombardia pense sans doute que la tradition des Asturies, dont il est originaire, et celle de la Galice voisine, sont plus "celtiques" alors que ces régions d'Espagne n'ont rien laissé de particulièrement celtique dans la tradition hispanique, pourtant très présente au sud des États-Unis de la Floride à la Californie ou même au Mexique. Il ne s'agit pas là de définir le degré de celticité (une évaluation ethnologique) ou le degré de celtitude (un sentiment d'appartenance) de tel ou tel pays ou région du globe, mais ignorer systématiquement l'héritage américain apparaît injuste et maladroit quand on sait qu'il existe dans ce pays pas moins de 125 celtic festivals (voir le site) qui liste ces festivals ou (voir le site) pour une carte interactive. Pour reprendre la déclaration d'un Breton-américain : "l'avenir du festival ne pourra se faire sans les USA !"
Les raisons de cette absence ne peuvent pas être uniquement financières car faire venir des pipe-bands ou des groupes australiens coûte encore plus cher qu'en faire venir des États-Unis. Par contre, le FIL entreprend chaque année des négociations avec le pays invité. Celui-ci participe aux frais à une hauteur qui varie selon les pays à l'honneur et les instances et quand on sait que le FIL perd de l'argent tous les ans (234 000 ¤ de déficit en 2014 selon le Télégramme du 08/08/2015 ) la manne du pays invité est critique et joue dans les choix du pays mis à l'honneur.
Toute cette logistique nécessite un réseau et celui du FIL n'est pas développé aux USA de toute évidence. Pour commencer, il serait indispensable d'avoir un site web en anglais si on veut que le festival inter-celtique de Lorient soit vraiment un festival international. Le FIL doit être aussi présent sur les réseaux sociaux anglophones, la langue anglaise étant la langue internationale et même inter-celtique qu'on le veuille ou non. Non seulement la grande majorité des Américains ou des Canadiens et même des Australiens n'ont jamais entendu parlé du festival inter-celtique de Lorient, mais la majorité des Irlandais et d'Ecossais ne savent même pas que ça existe. Le ministre de l'environnement de l'Irlande a déclaré récemment ne jamais avoir entendu parler du Festival inter-celtique de Lorient.
Contacté par ABP, Lisardo Lomabardia s'est contenté de déclarer que "Chaque année il y a des solistes de grande cornemuse des USA qui sont invités à venir, nous entretenons des excellentes relations avec des associations nord-américaines, en 2011 le bluegrass a été présent à l’Espace Marine avec de jeunes musiciens écossais et de Massachussetts et cette année Zachary Richard (acadien de La Louisiane) est un des grands noms de notre programme dans la salle principale (Espace Marine)."
Philippe Argouarch